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et parvinrent jusqu'aux pièces eunemies qu'elles enclouèrent. Mais la ville fit un feu si terrible, que . nos troupes n'eurent pas le temps de tout détruire. Dans ces instans d'alarme, Djezzar se portoit sur tous les points menacés. De sa présence il animoit ses soldats qui, secondés de leurs fidèles alliés,envoyoient, avec une inconcevable rapidité, les bombes, les boulets, la mitraille et les pots à feu. Ils jetoient une si grande quantité de ces pièces d'artifice, qu'il eût été impossible de s'approcher de la ville sans être découvert. A minuit juste, les deux vaisseaux anglais faisoient exactement chaque nuit une décharge de leur bord. Ce roulement d'artillerie réveilloit la garnison et l'armée, tenoit tout le monde sur le qui vive. C'étoit une manière neuve et assez singulière de remplacer le cri monotone en usage dans les places de guerre Sentinelle, prenez garde à vous.

Jusqu'au 18 floréal (7 mai), on fit de nombreuses attaques pour chasser l'ennemi de ses ouvrages extérieurs, mais on ne put y parvenir. Le moral du soldat s'affoiblissoit, les officiers eux-mêmes commençoient à croire que Bonaparte n'étoit point infaillible; quelques-uns témoins enthousiastes de tant de victoires étonnantes, s'attiédissoient sensiblement, et la confiance des troupes, qui ne se règle guère que sur les succès, se refroidissoit en raison inverse de la résistance opiniâtre qu'on leur opposoit. De

là, je ferai observer qu'à la suite d'une affaire, on trouvoit toujours beaucoup plus de monde qu'il n'en falloit pour conduire et porter les blessés à F'hôpital. Ces derniers y entroient avec la persuasion d'y prendre la peste, et trop souvent, hélas! ils n'en sortoient que pour aller reposer éternellement

dans le champ où on les ensevelissoit à peine; les autres profitoient avec empressement d'un prétexte honorable, pour s'éloigner, au moins pendant quelques heures, d'une tranchée que le feu meurtrier de l'ennemi et la puanteur des cadavres rendoient dangereuse et redoutable.

Ce même jour 18 floréal (7 mai), après notre déjeûné chez le général Murat, je découvris le premier à l'horizon une voile. Je la fis remarquer. Quelques instans après, nous en découvrîmes plusieurs, et du sommet de la colline sur laquelle nous campions, il nous fut facile de juger que c'étoit une escadre ou un convoi. Pouvions-nous raisonnablement supposer que le directoire nous envoyoit des secours, et qu'ils avoient heureusement passé jusqu'à Alexandrie? Nos vaisseaux, instruits de notre séjour sous Acre, avoient-ils évité de suivre la côte, afin de mieux surprendre les Anglais? Nous n'osions croire ce que nous desirions si vivement. Cependant les vaisseaux anglais levèrent l'ancre précipitamment, et, se réunissant à la flottile qui appareilla de la rade de Caïlla, cinglerent vers le large

pour reconnoître les voiles qui s'approchoient. Ce mouvement pouvoit nous donner quelque espérance. L'armée la saisit avec avidité, et témoigna une joie immodérée. Déjà elle prêtoit au général en chef la gloire d'une merveilleuse combinaison, qui le rendoit maître de Saint-Jean-d'Acré, en punissant les Turcs de leur défense obstinée, lorsqu'elle vit avec une triste surprise, le pavillon Ottoman s'unir au pavillon Britannique, et tous ces navires qu'elle croyoit Français, s'approcher, poussés par un vent propice, de la ville qu'ils venoient secourir. En effet, c'étoit un convoi de trente voiles environ, escorté par quelques bâtimens de guerre turcs, et qui, du port Mæris, de l'île de Rhodes, apportoit aux assiégés un renfort de troupes avec des vivres et des munitions.

Cette circonstance ordonnoit impérieusement de s'emparer le soir même de Saint-Jean-d'Acrè. Attendre au lendemain, c'étoit nous exposer à trouver une résistance d'autant plus forte, que la ville seroit alors défendue par des troupes fraîches. Effectivement Bonaparte ordonna le soir de renouveler l'attaque des ouvrages extérieurs, et de s'y loger absolument.

Aussitôt que les vaisseaux anglais eurent reconnu les voiles des Ottomans, ils revinrent mouiller à leur premier poste, et la flotille se répartit de nouveau dans la rade.

L'attaque ordonnée devoit être terrible. Je vis au

camp le colonel Boyer, commandant le 18o de ligne, se promenant avec le général en chef, et raisonnant avec lui sur les dispositions convenables pour réussir dans l'entreprise qu'on se proposoit. Il avoit à la ceinture une paire de pistolets, et sembloit se flatter d'un succès complet.

A dix heures du soir, nos troupes s'élancent avec une nouvelle ardeur; on auroit dit qu'elles n'avoient point encore paru au siége. Généraux, officiers d'état-majors et des corps, tous développent à l'envi un zèle infatigable, un sang-froid imperturbable et une valeur chevaleresque. Ils se jettent, à la tête de nos guerriers, dans les tranchées ennemies, et font un carnage affreux: rien ne peut leur résister: la nuit dérobe aux humains la connoissance des actions héroïques qui se firent sous son voile.; tout fut emporté, et l'on se logea dans cette tour si renommée. Le colonel Boyer périt dans cette action avec une partie de ses officiers et de son régiment. Quelle force nous doune donc cet amour de la gloire, cette habitude de la discipline qui soumet notre existence à la volonté d'un seul homme, qui nous fait même desirer de nous exposer sous ses yeux! Ah! sans elle nous n'aurions point d'exemples fameux de témérité et de dévouement; mais tel est la puissante émulation qu'excite un grand capitaine, que les périls les plus certains, ne sont rien devant l'honneur de fixer son attention, de mériter un de

ses regards ou une parole flatteuse de sa bouche. Autant la plus foible armée est forte quand son général lui donne ce noble élans, autant la plus nombreuse est foible lorsqu'elle n'a point de confiance en son chef.

Le lendemain, les poudres qu'on avoit envoyé chercher à Ghazah, arrivèrent. Les batteries de brèche contre la tour et la courtine à sa gauche, recommencèrent leurs feux. Bonaparte commanda un nouvel assaut. La brèche de la courtine offroit une ouverture de trois arcades, où l'on paroissoit pouvoir passer facilement. Si, dans les premiers jours du siége, nos pièces de douze eussent pratiqué cette brèche, sûrement Acre eût été enlevé, parce qu'aucunes des précautions que les assiégés avoient prises depuis, n'auroit arrêté nos soldats, encore enflammés par le souvenir de la prise de Jaffa.

A la pointe du jour, les divisions s'approchèrent de la tranchée, pour soutenir celle qui devoit pénétrer dans la ville. Au moment où la brèche fut jugée praticable, on battit la charge, et les éclaireurs et grenadiers de la division du général Lannes se jetèrent dans les boyaux, escaladèrent le fossé, et se précipitèrent dans la ville au nombre d'environ deux cents. Dès cet instant, les bataillons de tranchée devoient engager le combat sur tous les points, sauter dans les places d'armes des ennemis, et pendant que les grenadiers, logés dans la tour prise

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