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« J'espère, lui répliquai-je, que tout au plus tu en » seras quitte pour une blessure, et que je te saluerai >> demain du titre de commandant. >>

Le 8 (28 mars), à la pointe du jour, la batterie de brèche commença son feu, dirigé sur la tour située à l'angle du rempart. Cette batterie n'étoit formée que de pièces de campagne, car l'artillerie de siége n'étoit point arrivée, et quelques pièces embarquées à Alexandrie sur de petits bâtimens, avoient été prises déjà à la hauteur de Caïffa par la croisière anglaise. Quoique la tour portât des canons d'un calibre beaucoup plus fort que le nôtre, ils furent bientôt démontés, et l'éboulement des matériaux parut nous livrer un passage aussi sûr que celui de Jaffa. Cependant, dans l'incertitude où l'on étoit qu'il y eût une contrescarpe, on avoit poussé un rameau pour la faire sauter. La mine joua, on crut la contrescarpe entamée; l'assaut fut décidé.

Le général en chef et son état-major s'étoient rendus de bonne heure à la tranchée. L'adjoint Mailly y étoit depuis la pointe du jour ; il attendoit l'ordre de se précipiter sur la brèche. A trois heures elle parut praticable, et l'on battit la charge. Les grenadiers, lancés avec ardeur, rencontrent aussitôt un fossé profond qui les arrête quelques instans. Ils le franchissent au moyen de leurs échelles, et parviennent même, malgré le feu terrible de

l'ennemi, jusque dans la tour, qui ne leur offre aucune issue. Nos intrépides guerriers sont contraints de se retirer, et leur retraite étoit difficile. L'adjoint Mailly, blessé d'une balle qui l'empêchoit de marcher, implora le secours d'un grenadier qui consentit à le transporter sur son dos. Mais celui-ci voyant bientôt que par cet effort généreux il s'exposoit à périr, sans sauver son officier, jeta à terre l'infortuné Mailly, auquel les Turcs vinrent couper la tête; sort d'autant plus affreux, que sa blessure ne lui ôtant point sa connoissance, il put considérer de sang-froid les apprêts barbares de sa mort.Telle étoit toujours la destinée de nos soldats lorsqu'ils tomboient entre les mains de l'ennemi. Jamais les Turcs auxquels nous faisions la guerre, ne faisoient de pri

sonniers.

Cependant, la rapidité de la prise de Jaffa, l'effroi inspiré par cette sanglante victoire, avoient fait une telle impression sur la garnison de Saint-Jeand'Acre, qu'à l'attaque vigoureuse du 8, elle abandonna pendant quelques minutes ses remparts menacés. Mais Djezzar, à cet instant qui alloit décider de son sort, eut assez de fermeté pour rappeler les Turcs, et les ramenant lui-même à la brèche, il tira sur nous deux coups de pistolet, en criant: Que craignez-vous? Regardez : ils ont fui. » Les Turcs reprirent leurs postes avec empressement, et ce premier effort sans succès leur rendit la confiance

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que la terreur avoit chassée. On peut assurer que c'est de ce moment que les Anglais crurent vraiment possible de défendre la place contre nous, et qu'ils s'occupèrent sérieusement des moyens d'y parvenir.

En effet, nous apprîmes bientôt que des canonniers de leur nation servoient les batteries, et nous vîmes les deux vaisseaux s'embosser sur les flancs de la ville, pour protéger, par le feu de leurs bords, les sorties des assiégés ou troubler lès travaux des assiégeans.

Après cette première tentative, du 8 germinal (28 mars), on dut croire que le siége dureroit bien plus long-temps que l'on n'avoit d'abord pensé. Les magasins de Caïffa et de Cheifamrs s'épuisoient, et l'on avoit nouvelle de quelques rassemblemens qui se formoient sur les côtes à l'est, et dans les montagnes qui nous environnoient.

Le général en chef ordonna une reconnoissance; le général Murat reçut l'ordre de la commander (1). Il étoit important de vérifier si les nouvelles que donnoient les habitans des montagnes, de la marche d'un corps considérable étoient vraies. Ils parloient surtout de l'armée de Damas, qui devoit se réunir aux Nablouzins. Le fils de Dâher, sur l'assurance que lui avoit donnée Bonaparte de lui rendre, à la

(1) C'est à-peu-près à la même époque que le général Vial se rendit à Tyr.

prise d'Acre, l'influence qu'avoit son père, étoit retourné à Saffet, lieu de sa résidence. C'étoit lui, particulièrement, qui nous instruisoit de ce qui se passoit au-delà du Jourdain ; l'espoir de conquérir un pouvoir qui diminuoit toujours, le desir de se voir débarrassé d'un homme qui le vexoit sans cesse, attachoient Daher et son parti au sort de l'armée; aussi sa conduite fut-elle toujours franche.

On donna au général Murat quelques compagnies d'infanterie, et une partie du 3 régiment de drale colonel Bron. gons, commandée par

Je connoissois le général Murat; le desir de vi¬ siter un pays célèbre, curieux et intéressant sous tous les rapports, m'engagea à saisir l'occasion peutêtre unique qui se présentoit, Je demandai à être attaché à l'expédition, et je fus agréé.

Le 10 germinal (30 mars), nous quittâmes l'armée, et traversant la plaine vis-à-vis Saint-Jeand'Acre, nous pénétrâmes dans les montagnes, guidés par les Druses, qui devoient nous conduire à Saffet, Nous faisions notre route fort gaiement; le temps étoit beau; des collines couvertes d'oliviers, dont la verdure triste faisoit ressortir plus agréablement celle encore tendre des arbustes chargés de fleurs ; de fort beaux sites, des torrens, dont l'eau fraîche nous engageoit à nous rafraîchir; des oiseaux dont le gazouillement annonçoit la joie ; tout enfin con¬ tribuoit à dissiper notre mélancolie. Dans ces mo

mens, notre besoin le plus pressant étoit toujours de parler de la France et des femmes. L'espèce d'exil où nous nous trouvions depuis bien long-temps provoquoit la confiance; on contoit des histoires, et quelquefois la sienne.

Nous nous arrêtâmes vers les dix heures du matin dans une plaine agréable, entourée de montagnes assez élevées; nous n'étions qu'à trois lieues du camp, et le vent, qui venoit du Nord, nous portoit le bruit d'une canonnade assez vive. Nous supposâmes que le général en chef avoit fait donner un second assaut ; ce n'étoit, ainsi que nous l'avons su par la suite, qu'une sortie vive de l'ennemi.

Nous fimes halte le soir près d'un village, dont les habitans nous reçûrent fort bien; ils nous apportèrent pour notre diner des galettes et des œufs sur le plat. Nous passâmes la nuit tranquillement, et à la pointe du jour, nous continuâmes notre route “sur le Jourdain : nous ne fimes aucune mauvaise rencontre. Le chemin pierreux que nous parcourions étoit souvent diversifré, et nous étions enchantés toutes les fois que nous comparions l'aspect sévère, mais cependant aimable du pays que nous traversions, avec l'aspect poudreux et monotone des campagnes brûlantes de l'Egypte. Après avoir marché une par ́tie de la journée, nous arrivâmes sur un plateau qui unissoit deux chaînes de collines, et nous découvrîmes sur notre gauche le roc pointu sur lequel s'é

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