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le penchant du mont Carmel, fut donné au chef d'escadron des dromadaires, Lambert. Auprès de Caïffa coule le petit torrent Nahr-el-Maketh: on le traverse pour aller à Saint-Jean-d'Acre.

Le 27 ventose (17 mars), les divisions tournèrent la plaine. Le temps étoit brumeux, et nous n'aperçûmes point Saint-Jean-d'Acre. Nous passâmes à côté du moulin de Kerdanné; il pouvoit servir aux moutures pour les subsistances de l'armée. Bonaparte le fit occuper par un détachement d'infanterie qui s'y barricada pour se garantir des Arabes. Cette nuit le quartier-général coucha dans la plaine, et le lendemain l'armée défila sur Saint-Jean-d'Acre, en passant le Kerdanné auprès d'une assez grande maison où l'on établit de suite l'ambulance. Ce ruisseau Kerdanné est le Bélus des anciens. Tout le sol de la plaine d'Acre, de ce côté, et particulièrement la partie éloignée de la mer, entre Nahr-el-Maketh et le Kerdanté, est marécageux. C'est également entre ces deux ruisseaux que séjournoient les Garans, espèce de Kourdes, renommés par leur brigandage.

Le 28 (18 mars), je montai sur l'élévation où l'ennemi avoit construit en pierres, et à la hâte, un petit retranchement qu'il avoit abandonné à notre approche, pour se retirer dans les murs d'Acre. Le général en chef examinant les remparts de la place avec sa longue-vue, après les avoir bien considérés, donna de suite les ordres pour attaquer et faire ren

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trer dans la place l'ennemi qui tenoit encore dans les jardins dont elle est entourée.

L'aspect de la ville, ses murailles qui paroissoient aussi foibles que celles de Jaffa, tout fit penser que le siége seroit de courte durée, et se termineroit aussi brillamment que celui de Jaffa. Bonaparte le

crut et le dit.

Acre, autrefois Acco, du temps des Grécs PtoJémaïs, en arabe Akka, est la résidence de Djezzar, pacha de Saïde. Elle est située sur une langue de terre qui saille un peu dans la mer. Ses remparts, formant de notre côté l'angle d'un carré, sont terminés par une tour qui les domine. On aperçoit au milieu des jardins une partie d'aqueduc qui se prolonge sur la droite, et qui conduit l'eau à la ville. Sa position permet aux bâtimens, ainsi qu'on peut le voir par cette courte description, de s'ancrér sur les flancs, et de protéger, par leurs feux, les assiégés.

J'étois resté sur la montagne, dévorant de mes regards la mer, dont la vue m'a toujours fait plaisir, les murailles d'Acre, ses minarets: sur ma droite, le sommet de la chaîne du Liban ; je me laissois aller au cours de mes réflexions, qui me ramenoient toujours vers ma patrie, lorsqu'une bombe vint brusquement me tirer de mes rêverics. Elle tomba au pied de la montagne d'observation (c'est ainsi qu'on appela celle où j'étois), au milieu de la division du

général Bon, tua un officier et deux sous-officiers de la manière la plus affreuse. Cet événement détermina le déplacement des troupes, et l'armée s'établit bientôt derrière une petite colline dont la ligne étoit presque parallèle au rivage de la mer, La cavalerie et la division Kleber étoient campées auprès de l'aqueduc que l'on rompit en différens endroits. Le quartier-général s'établit sur la même ligne, non loin de ce même aqueduc et derrière une mosquée où l'on construisit des fours, et où l'on forma des magasins pour la manutention.

Le 28 (18 mars), Bonaparte adressa aux habitans du pachaliq d'Acre une proclamation, dont j'extrais les passages suivans:

« Dieu donne la victoire à qui il veut; il n'en » doit compte à personne. Les peuples doivent se » soumettre à sa volonté.

» En entrant avec mon armée dans le pachaliq » d'Acre, mon intention est de punir Djezzar, pa» cha, de ce qu'il a osé me provoquer à la guerre, » et de vous délivrer des vexations qu'il exerce en» vers le peuple. Dieu, qui tôt ou tard punit les ty» rans, a décidé que la fin du règne de Djezzar étoit >> arrivée.........

» Je suis terrible envers mes ennemis, etc. » Le 29 ventose (

ventose (19 mars ), les généraux d'artillerie et du génie firent la reconnoissance de la place. Le colonel Samson chargé de faire celle de la contrescarpe, l'effectua la nuit. En se traînant silen

cieusement sur ses mains et ses genoux, il parvint malgré tous les obstacles qui s'opposoient à sa marche lente et dangereuse, assez près des remparts pour penser qu'il n'en étoit plus séparé que par le fossé. Au même instant où il sentoit de sa main un talus peu rapide, qui lui fit conclure avec quelque probabilité qu'il n'y avoit point de revêtement au fossé, il fut blessé d'une balle qui la lui traversa de part en part. Un seul cri pouvoit le perdre ; il eut la force et la présence d'esprit de dévorer ses douleurs et de regagner nos lignes, mais sans cependant avoir parfaitement reconnu la situation de la contrescarpe, ni mesuré sa hauteur.

La prise de Jaffa donnoit une telle confiance, qu'on n'apporta point dans l'ouverture de la tranchée tous les soins qu'auroit exigés un siége de plus longue durée. On fit donc, à la hâte, des chemins couverts; on établit de suite, vis-à-vis cette tour, regardée comme le point essentiel dont il falloit s'emparer, une batterie de brèche où l'on plaça nos trois petites pièces de douze; la quatrième avoit été démontée à Jaffa. L'impatience ordinaire de Bonaparte ne lui permit point d'attendre les pièces de siége que devoit lui amener le contre-amiral Perée.

A peine le camp étoit-il assis sur le revers de la colline, que les habitans des villages qui entourent la plaine de Saint-Jean-d'Acre, vinrent en foule nous apporter des provisions de tout genre. Ils établirent bientôt un petit marché où nous trouvâmes

à acheter des figues sèches, du tabac et quelquefois du fromage. Les Druses, instruits également de notre arrivée, descendirent de leurs montagnes, et vinrent saluer Bonaparte. Le fils du fameux Dâher(1) étoit à leur tête. Le général en chef les reçut devant sa tente, et après leur avoir dit qu'il espéroit prendre bientôt la ville, il promit à Dâher fils de lui

(1) Dâher étoit d'origine Arabe et d'une tribu des Bédouins qui se sont habitués sur les bords du Jourdain, près du lac Tabarié. Sa famille étoit une des plus puissantes du pays. A la mort d'Omar, son père, Dâher partagea le commandement avec un oncle et deux frères. Son domaine fut Safad ou Safet, petite ville dans les montagnes, au nord-ouest du lac Tabarié. En 1742, il y fut attaqué par le pacha de Damas, auquel il donnoit de l'ombrage. Après avoir résisté avec succès aux efforts de ses ennemis, des discussions d'intérêt le brouillèrent avec son oncle et ses frères, et il jugea propos de terminer les différens par la mort de ces

Concurrens.

Alors revêtu de toute la puissance de sa maison, il ouvrit un plus vaste champ à son ambition, mais il avoit besoin d'une place qui, en agrandissant ses relations, devint un asyle pour lui et ses richesses. Il jeta les yeux sur Saint-Jean-d'Acre, qui remplissoit parfaitement toutes ses vues et forma le projet de s'en

emparer.

Il attaqua brusquement, en 1749, cette ville, commandée par un Aga du Grand-Seigneur, et la prit sans coup férir. Dâher avoit alors 63 ans, mais son activité

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