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de la gloire, osons le dire, le desir du pillage, lui font affronter les dangers, oublier même une blessure, dont il ne ressent la douleur qu'à la fin du combat. Le désordre est par-tout; toutes les horreurs qui accompagnent la prise d'assaut d'une ville, se répètent dans chaque rue, dans chaque maison. Ici vous entendez les cris d'une fille violée, appelant en vain à son secours une mère qu'on outrage, un père qu'on gorge. Aucun asile n'est respecté. Le sang ruissèle de tous côtés, à chaque pas vous rencontrez un être expirant et gémissant. Qui pourroit retenir le soldat dans un pareil moment? la satiété, si l'on peut s'exprimer ainsi, ou plutôt la lassitude et la nécessité de mettre en sûreté le fruit de sa victoire.

Lorsque le passage fut assuré, tout le monde se précipita dans la ville. C'est dans cet instant que le général Berthier m'ordonna de prendre un détachement de carabiniers, et d'aller enlever les blessés qui se trouvoient à la brêche ; cette pénible mission satisfesoit mon cœur, je partis. J'arrive sur la brêche, je pénètre dans la maison carrée, et démêle parmi des corps ensanglantés et défigurés, quelques soldats français respirant encore, et réclamant mes soins d'une voix étouffée et déchirante. A la vue de ces nobles victimes mon empressement redouble, j'appelle les carabiniers qui doivent me suivre........ aucun

n'étoit resté. Tous s'étoient jetés dans la ville, et m'avoient abandonné. Je m'occupois néanmoins de sauver ceux qui pouvoient s'aider eux-mêmes ; un jeune grenadier d'une demi-brigade légère, dont je ne me rappelle point le numéro, étoit en travers de la petite porte qui nous avoit introduits dans Jaffa. Il étoit percé au-dessous du sein droit, d'un coup de feu qui avoit traversé sa poitrine de part en part; il me pria d'abord avec instance de lui dire, si la balle étoit passée; il se retourna avec peine pour me faire voir son dos, et la nouvelle que je lui donnai que la balle n'étoit plus dans son corps, parut le soulager un peu. Je l'engageai à faire des efforts pour se lever, et à sortir au moins de la maison carrée, où je prévoyois que bientôt les assiégeans alloient revenir avec les dépouilles des ennemis; mais le découragement s'étant emparé de l'esprit du grenadier, qui souffroit horriblement, il me demanda de le retirer dans un coin de la chambre, afin qu'il pût y mourir tranquillement. J'allois remplir sa volonté, lorsqu'un soldat, tenant un superbe cheval par la bride, se présenta à la petite porte de la tour. Il vouloit, sans égard pour son malheureux camarade, faire avancer son cheval qui répugnoit et se refusoit à marcher sur les morts et surtout sur mon blessé, qui levoit ses foibles bras pour se garantir du nouveau danger qui le menaçoit. N'écoutant alors que mon indignation et une

sensibilité bien ridicule dans une ville prise d'assaut, je me mis à menacer le soldat et à le repousser; mais lui-même précipité par la foule impatiente qui le pressoit par derrière, il me força de m'éloigner et passa malgré mes efforts en se moquant de moi. Les soldats revenoient en foule, chargés de trophées, et conduisant les chevaux qu'ils avoient capturés. Voyant qu'il m'étoit impossible de remplir la mission qui m'avoit été donnée, je descendis la brêche, et trouvai au bas le général en chef et le général Lannes. On avoit planté sur les décombres un drapeau de la demi-brigade qui étoit montée la première à l'assaut, et Bonaparte se reposoit sur une petite pièce de trois qu'on avoit amenée près de la muraille.

J'entrai dans la ville. Quel spectacle! La paleur, la terreur des habitans, les cris bruyans de nos soldats; des femmes égarées, dépouillées de leurs voiles, obligées de franchir à chaque pas des morts ou des mourans, et retrouvant leurs parens, leurs amis parmi des cadavres mutilés; les meubles, les étoffes semées sur le sol; nos soldats choisissant dans ces débris empestés les vêtemens les plus riches..... Il faut convenir que la guerre vue de près, et comme je la voyois alors, est un spectacle bien hideux.

Pendant que tout ceci se passoit, une bonne partie de la garnison s'étoit retirée dans un des forts de la

place et dans mosquées. Elle mit bas les armes et fut amenée au bivouac devant les tentes mêmes du quartier-général. On en retira les Egyptiens. Le reste, composé de canonniers Turcs, de Maugrabins et d'Arnautes, au nombre de deux à trois mille, fut mis sous la garde d'un fort détachement.

Le lendemain 18 ventose (2 mars), je revins à Jassa pour distribuer à nos soldats blessés, qu'on avoit établis provisoirement dans un couvent de moines, un sac de piastres que Bonaparte leur envoyoit parle général Leturque. Ce même soir, je fis aux prisonniers de Jaffa une foible distribution de biscuit. Ils alloient par détachemens et sous escorte chercher de l'eau dans quelques vases qu'on leur avoit donnés.

Le 19 (3 mars), Bonaparte adressa aux habitans des provinces de Ghazah, Ramléh et Jaffa la proclamation suivante:

« Dieu est clément et miséricordieux.

» Je vous écris la présente pour vous faire con>>noître que je suis venu dans la Palestine, pour en » chasser les Mamelonks et l'armée de Djezzar, » Pacha.

» De quel droit, en effet, Djezzar, Pacha, a-t-il » étendu ses vexations sur les provinces de Jaffa, » Ramléh et Ghazah, qui ne font pas partie de son

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pachaliq? De quel droit également avoit-il envoyé » ses troupes à El-A'rich, et par là, fait une inva»sion dans le territoire de l'Egypte? Il m'a provo

» qué à la guerre : je la lui ai apportée; mais ce n'est» pas à vous, habitans, que mon intention est d'en » faire sentir les horreurs.

» Il est bon que vous sachiez que tous les efforts » humains sont inutiles contre moi; car tout ce que >> j'entreprends doit réussir. Ceux qui se déclarent >> mes amis prospèrent ; ceux qui se déclarent mes » ennemis périssent. L'exemple qui vient d'arriver » à Jaffa et à Ghazah doit vous faire connoître que » si je suis terrible pour mes ennemis, je suis bon » pour mes amis, et surtout clément et miséricor» dieux pour le pauvre peuple. »

Le même jour, Bonaparte adressa une proclamation à peu près semblable aux Cheikhs, Eulemas et 'commandans de Jérusalem. On y remarque les passages suivans.

« Les habitans de Jérusalem peuvent choisir la » paix ou la guerre : s'ils choisissent la première, qu'ils envoient au camp de Jaffa des députés pour » promettre de ne jamais rien faire contre moi; s'ils >> étoient assez insensés pour préférer la guerre, je » la leur porterai moi-même. Ils doivent savoir que » je suis terrible comme le feu du ciel contre mes >> ennemis, clément et miséricordieux envers le peuple et ceux qui veulent être mes amis. »>

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Enfin, sous la même date, Bonaparte écrivit à Djezar la lettre ci-jointe :

«Depuis mon entrée en Egypte, je vous ai fait

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