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devenoit d'autant plus pénible, que nous n'avions rien pour nous abriter, et que notre subsistance dépendoit presque toujours des ressources que nemi nous laissoit : il étoit presqu'impossible de faire venir par terre des convois de Saléhich; par mer, nous aurions eu bien des facilités; mais les Anglais croisoient toujours sur les côtes d'Egypte et de Syrie. Les approvisionnemens étoient donc très-difficiles. Les Mamelouks vinrent à notre secours. Ignorant l'art de faire la guerre, quoique se battant bien individuellement, ils avoient toujours soin de nous laisser des magasins bien approvisionnés et même des munitions de guerre. C'est ainsi qu'à Ghazah nous trouvâmes, dans le fort, de la poudre et du biscuit.

Le 10 ventose (28 février), l'armée se mit en marche.

Quel pays intéressant nous laissions sur notre droite, et que je desirois vivement de le visiter! Qu'il m'eût semblé beau de parcourir Jérusalem avec la bible, et de chanter le Tasse sur ses murailles renversées! De quel bonheur jouit l'homme instruit, me disois-je! Quel supériorité il a sur les autres ! L'ignorant foule sans regrets la terre sur laquelle il marche; l'homme instruit s'arrête à chaque pas; une pierre, un monument quelconque lui rappelle un combat qui décida du sort d'un empire ou de la destinée d'un héros. Tel monticule,

indifférent pour tout autre, lui offre un trait d'his→ toire ou le siége d'une grande ville que le temps a effacée. Ainsi l'ignorant végète sur la terre, tandis que l'homme instruit vit dans le passé, dans le présent, et souvent dans l'avenir.

Nous couchâmes à Esdoud; c'est l'ancienne Azoth.

On ne s'accorde point sur l'origine du nom de cette ville; mais en regardant ses masures affreuses, qui ne sont célèbres actuellement que par la quantité de scorpions que nous y trouvâmes, j'avois peine à penser qu'elles eussent soutenu autrefois le plus long siége de l'histoire profaue et sacrée un siége de 29 ans. On adoroit dans ses murs, peut-être florissans, l'idole de Dagon.

Ici nos soldats, trempés continuellement par la pluie qui ne cessoit de tomber, incendioient des bois d'oliviers pour se sécher la nuit ; le feu leur paroissoit aussi le seul moyen de défense contre des insectes innombrables, dégoûtans et venimeux, qu'ils rencontroient à chaque pas.

En partant de Ghazah, nous laissâmes sur notre gauche Askalan, l'ancienne Askalon; c'étoit autrefois un port de mer; maintenant il est à plus de 600 pas de ses eaux, qui baignoient des ruines que l'on distingue encore dans les sables.

Le 13 ventose (3 mars), la division Kleber formant l'avant-garde, arriva devant Jaffa. Elle fit rentrer dans

la place les postes extérieurs de l'ennemi, mais remplacé bientôt par les autres corps de troupes qui arrivoient successivement, Kleber alla prendre position sur la rivière de Lahoya à deux ou trois lieues de Jaffa, sur la route de Saint-Jean-d'Acre. Les divisions des généraux Lannes et Bon formèrent l'investissement de la place.

Le 14 (4 mars), on fit la reconnoissance de la ville. Elle étoit entourée d'une assez bonne muraille, flanquée de tours garnies de canons. Ce rempart n'étoit point défendu par des fossés. On présuma que l'attaque ne seroit point longue, et l'événement prouva qu'on ne s'étoit point trompé. Dans la nuit du 14 au 15 on ouvrit la tranchée.

L'ennemi avoit évacué Ramléh avec tant de préci pitation, qu'il nous y abandonna une assez grande quantité de biscuit, de l'orge et des outres. Ce point ainsi que Loudde, approvisionnèrent l'armée pendant le siége.

Ramléh est l'ancienne Arimathia, et la patrie de Nicodème et de Joseph, qui paya le corps du Christ sur la croix. Elle, n'a guère actuellement plus de 200 familles. Les habitans y font du savon qu'ils envoyent en Egypte et dans l'intérieur de la Syrie.

Pendant qu'on avançoit et perfectionnoit les travaux, les maladies s'introduisoient déjà dans l'armée et y fesoient des progrès sensibles. Une fièvre, dont Les symptômes se manifestoient par des taches sem

blables aux morsures des puces, emportoit le malade en trois jours.

Le 17 (7 mars) à la pointe du jour, le général Berthier envoya au commandant de Jaffa, la sommation suivante :

«Dieu est clément et miséricordieux.

Le général en chef Bonaparte me charge de vous faire connoître que Djezzar Pacha a commencé >>> les hostilités contre l'Egypte, en envahissant le » fort d'El-Arich; que Dieu, qui seconde la justice, » a donné la victoire à l'armée française, qui a repris le fort d'El-A'rich; que c'est par suite de la » même opération qu'il est entré dans la Palestine, » d'où il veut chasser les troupes de Djezzar Pacha, qui n'auroient jamais dù y entrer;

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Que la place de Jaffa est cernée de tous côtés que les batteries de plein fouet, à bombes et à

brêche, vont, dans deux heures, en culbuter la >> muraille et en ruiner les défenses;

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Que son cœur est touché des maux qu'encour>> roit la ville entière en se laissant prendre d'assaut; qu'il offre sauve-garde à la garnison, protection » à la ville : qu'il retarde, en conséquence, le com>> mandement du feu jusqu'à sept heures du matin. »

Les Turcs derrière des murailles se croient invincibles. Le commandant de Jaffa fit couper la tête au turc qui lui porta la sommation, et ne répondit point.

Nos pièces de 12, les plus fortes que nous eussions pour battre en brêche, commençèrent à sept heures du matin à tirer sur une espèce de tour carrée, située au sud-ouest de la ville. La muraille élevée sembloit peu solide et promettre un débouché facile dans l'intérieur de la place. Vers les trois heures et demie la brêche fut jugée praticable. Bonaparte, après avoir pris le matin toutes les dispositions qui devoient assurer le succès de l'assaut, attendoit à la batterie de brêche, l'instant favorable. Il donne le signal, la charge bat sur toute notre ligne; des attaques simulées occupent les assiégés loin du point qu'il leur importoit le plus de défendre, tandis que les carabiniers du 22o d'infanterie légère, se précipitent comme des lions, malgré le feu trèsnourri de la garnison.

Lorsque j'arrivai à la batterie principale, où se trouvoit encore Bonaparte, il étoit quatre heures; et l'on rapportoit le colonel Lejeune, blessé mortellement sur la brêche, d'une balle dans la tête.

Pendant que la division Lannes pénètre dans les rues, massacre tout ce qui veut l'arrêter, la division Bon trouve une issue et surprend l'ennemi déjà frappé de terreur, en débouchant sur le port qu'elle couvre de cadavres. Le soldat excité par le bruit et la poudre, se livre à toute la fureur qu'autorise un assaut ; il blesse, il tue, rien ne peut l'arrêter, et par tout l'amour

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