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rante-huit heures, et souffrit tout ce que la chaleur et la soif ont de plus cruel. Kleber fit fusiller son guide qu'il crut infidèle.

Bonaparte persuadé que les divisions, suivant les traces de Kleber, seroient toutes réunies à Kan-Jounes, partit d'El-A'rich avec son quartiergénéral, pour atteindre ce village. Il y parvint; mais au lieu d'y trouver nos divisions, ce furent les Mamelouks qui s'y étoient retirés depuis le combat d'El-Arich. Bonaparte n'avoit avec lui que ses guides à cheval et un détachement de dromadaires, qui fit halte pour donner le temps au quartier - général de rebrousser jusqu'au Santon à trois lieues dans le désert. Dans cette circonstance encore nous voyons la fortune de Bonaparte le dérober au danger le plus imminent. Si la terreur n'eût fait fuir l'enne-` mi, si d'un regard assuré, pénétrant, il eût jugé d'abord la force du quartier-général, Bonaparte eût été poursuivi, peut-être pris; mais la fortune, fixée près de lui, le sauva. Il faut croire au fata

lisme.

Kleber égaré, n'arriva que le 6 (24 février ), et il fut bientôt suivi des divisions Bon et Lannes qui s'étoient perdues coinme lui en marchant sur ses pas.

Resté à El-A'rich avec la division du général Regnier, je n'arrivai à Kan-Jounes qu'après le départ de l'armée. Une lieue plus loin je rencontrai quelques colonnes de granit, que les uns

supposent être les limites de l'Afrique et de l'Asie, les autres des débris d'un Karavan - Seraï. C'est alors que mes yeux distinguèrent avec ravissement une nouvelle verdure. Ce jour fut charmant pour moi; le ciel étoit couvert de nuages, la chaleur modérée, et je reçus quelques gouttes d'eau avec la même avidité que la plante desséchée qui va s'éteindre, si elle n'est rafraîchie. Les prairies, des arbres qui n'étoient point des palmiers, dont l'aspect monotone nous avoit fatigués depuis si longtemps, quelques oliviers me firent croire un moment que j'étois en Europe. Nos soldats, habillés en toile bleue, reçurent avec reconnoissance les premières pluies; mais bientôt percés de toutes parts, ils maudirent autant la pluie, que le ciel pur et brûlant de l'Egypte. Ici l'expédition changea de caractère; en Egypte, nos marches étoient pénibles, mais la nuit le soldat reposoit paisiblement sous une voûte parsemée d'étoiles brillantes; en Syrie nous trouvâmes toutes les vallées mouillées par les ondées considérables qui les fertilisoient, et le soir, le soldat couvert de boue, ne pouvant changer d'habillement, mettoit le feu à un olivier pour se sécher. Suivons l'armée, et nous verrons incessamment que partout une conquête s'achetoit, non-seulement par un combat, mais toujours par de continuelles souffrances.

Dans la joie que j'éprouvois à me voir mouillé

et à reposer mes regards sur une aimable verdure j'oubliois tout ce que j'avois souffert, et je pensois alors qu'on gagnoit, à être malheureux, le plaisir de trouver des jouissances dans les moindres choses. Certes, la plaine de Ghazah ne m'eût fait qu'une impression désagréable, si je l'eusse visitée en quittant la Belgique et le Piémont; mais au sortir du désert, c'étoit l'Elysée. Pour achever de me réjouir, je fis une rencontre fortunée; ce fut celle du général Junot; il venoit rejoindre l'armée, et faisoit un fort bon déjeûné sur l'herbe. Il m'offrit de le partager, et j'avoue que je fis là un des meilleurs repas de ma vie...... Peut-on se faire une idée du plaisir de boire un verre de vin, lorsqu'on ne s'est désaltéré pendant quinze jours qu'avec de l'eau saumâtre! Cet événement me parut d'un heureux augure pour ma nouvelle campagne ; j'accompagnai le général Junot jusqu'à Ghazah, où étoit l'armée.

Je trouvai l'ordonnateur en chef qui avoit élevé sa tente au milieu des tombeaux. Le quartier - général étoit campé dans un jardin, dont le sol étoit labouré, à la droite de ces mêmes tombeaux, et presque vis-à-vis une des portes de la ville.

Ghazah, située à une demi-lieue de la mer, n'est peuplée que de deux mille ames. C'est un composé de trois villages, dont le château, situé sur une colline de peu d'élévation, sépare le premier des deux autres.

Quelques ruines en marbre blanc, que l'on trouve dans la ville, prouvent que jadis elle fut le séjour du luxe et de l'opulence.

Le nom de Ghazah, qu'elle porte, signifie un trésor en ancien persan. Il paroît qu'elle tire l'origine de son nom des magasins considérables qu'y réunit Cambyse dans la guerre contre l'Egypte. Elle fut appelée ensuite Ione, Minoa, et la mer qui lave les côtes depuis Ghazah jusqu'en Egypte mer Ionienne. Cette cité étoit dans le pays de promission, et devint le partage de la tribu de Juda.

Elle avoit autrefois un port, qui n'existe plus. Čependant cette circonstance ne doit point élever de doute sur sa position actuelle. Ces changemens que le temps opère, sont fort communs; Askalan en est encore une preuve, et de nos jours nous en avons quelques exemples.

Le sol du territoire est très-fécond, et si léger, qu'on a de la peine à trouver un caillou dans les plaines; ses jardins, arrosés d'eau vive, produisent, sans le secours de l'art, des grenades excellentes, des dattes fort bonnes et des cédrats remarquables par la forme et la grosseur.

La branche principale d'industrie des habitans, est la fabrication des toiles de coton ; ils font aussi du savon.

Dans la nuit du 8, il tomba une pluie abondante. Je m'étois couché tranquillement sur un ma

telas, dans la tente de l'ordonnateur Daure, et notre sommeil étoit si profond, que nous n'entendions -point l'orage. Cependant les eaux commençèrent à s'écouler; et, comme elles traversoient ordinairement les tombeaux où notre tente étoit élevée, nous fùmes bientôt réveillés en sursaut. Une table, des selles, nos effets enfin furent soulevés avec violence. Dans ce désordre, nous cherchâmes à tâtons nos bottes et nos habits errant aux gré du torrent. Nous fumes obligés de fuir.

Au milieu de ce désastre, quelques soldats avoient enfoncé un des tombeaux les plus élevés, et troublant ainsi le séjour de la mort, en avoient fait un abri contre l'orage. C'est là que nous nous réfugiàmes. Le lendemain, toute l'armée se ressentoit de la mauvaise nuit passée, et le général en chef fut obligé d'abandonner le jardin où il ̧s'étoit établi d'abord : il eût été impossible d'y rester, on ne pouvoit plus marcher sur la terre labourée ; les soldats ne se préservoient de la pluie qu'en allumant de grands feux; ils abattoient les arbres, brisoient les portes, démolissoient les maisons pour se procurer une chaleur bienfaisante.

La température froide et humide de la Palestine, surtout au moment où nous y étions, devoit naturellement agir sur nos corps, qui avoient contracté l'habitude de suer abondamment. Nous nous retrouvâmes en France pour le climat, et la guerre

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