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les dispositions de plusieurs cours et s'être assuré que la pensée de la paix générale, dont il avait eu la première idée, « était devenue non une simple hypothèse, mais une mesure susceptible de quelque effet, du moment qu'elle ne paraitrait devoir être repoussée par la France1».

pas

Les mêmes informations arrivaient en Suisse. Le comte de San Fermo, diplomate vénitien, résidait à Bâle et y fréquentait Bacher. Il l'entretenait de la fatigue des puissances, de la possibilité de rompre la coalition, d'en détacher en particulier la Prusse et la Hollande. Il laissait entrevoir « que ses liaisons dans différentes cours de l'Europe le mettraient à portée de servir, sous ce rapport, la République française ». A Cassel, à Gotha, les prisonniers français étaient traités avec des ménagements significatifs. Bacher, résumant les impressions que l'ambassade de Suisse recevait depuis près de quatre mois, écrivit à Deforgues, le 26 mars 1794 « Toutes les lettres d'Allemagne continuent à répandre la nouvelle des intentions pacifiques du roi de Prusse et de ses dispositions à faire une paix séparée avec la République française. Les émissaires prussiens font circuler avec affectation que Frédéric-Guillaume ayant fait assembler sa Sorbonne politique, tous ses ministres avaient été d'avis que la raison d'État devait l'emporter sur toutes les autres considérations, et que la cour de Berlin pouvait même, suivant les principes du droit public, traiter avec le gouvernement provisoire établi en France. »

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Il venait des rumeurs pacifiques des pays même d'où on les attendait le moins. Bacher écrivait, dès le 17 janvier 1794 : « Les puissances coalisées paraissent bien fatiguées de la guerre et disposées à se rapprocher de la République française. Des personnes qui ont des relations avec la maison d'Autriche ont cherché à me sonder pour voir avec qui il faudrait traiter dans le cas où il y aurait des propositions de paix à faire. » Bacher confirma ces propos quelques jours après

1 Rapports de Grouvelle, 14 janvier, 18, 22 février 1794.

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20 janvier 1794. Papiers de Barthélemy, t. III, p. 359

· Revue historique,

et ajouta : « Peut-être les puissances coalisées réclameront

elles l'intervention et la médiation de la Suisse. On se flatte méme qu'un congrès pourrait se réunir à Baden, où le citoyen Barthélemy occupe en ce moment le logement du prince Eugène, qui fut chargé avec le maréchal de Villars, au commencement de ce siècle, de traiter des plus grands intérêts de l'Europe. Les pacificateurs officieux ne devançaient les temps que d'une année, mais c'était une année qui, pour l'effusion du sang humain et l'importance des événements, comptait au moins double. Enfin, ils spéculaient sans l'Angleterre.

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VIII

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La campagne de 1793 finissait un peu moins mal pour les Anglais que pour les autres coalisés : ils avaient conquis Chandernagor, Pondichery, Saint-Pierre, Miquelon, Tabago. Mais en Europe ils n'avaient éprouvé que des déceptions. Ils avaient échoué devant Dunkerque, ils avaient perdu Toulon, ils avaient laissé écraser les Vendéens lord Moira et sa flotte n'avaient été en mesure que le 1" décembre, et ce jour-là, l'armée « catholique et royale » n'existait plus. Le pire à leurs yeux était le ressort que déployait la République. « Le développement de puissance que présente encore la France désorganisée imprime une sorte de terreur sur ce qu'elle pourra faire avec un bon gouvernement », écrivait Malouet, de Londres, où il s'était réfugié 1. Pitt en conclut qu'il fallait redoubler de vigueur et de constance, et il le fit dire au roi Georges dans son discours d'ouverture de la session, le 21 janvier 1794. Fox et Sheridan en prirent acte pour attaquer le principe même de la guerre et critiquer la façon dont elle était conduite. - «Que voulait-on? demanda Fox. Des indemnités ? On n'a pas su les prendre. L'anéantissement de la France?

Mémoires, t. 11, p. 383.

On n'a pas soutenu la guerre civile. Rétablir Louis XVII? Comment concilier cette restauration avec des conquêtes? D'ailleurs, cela fait, rien ne sera fait. La France se retrouvera dans la situation où elle était en 1789, d'où sont dérivés tous les malheurs qui rendent aujourd'hui la guerre nécessaire et la paix impossible; ainsi la politique du ministère roule dans un cercle éternellement vicieux. » Pitt répliqua : Que demandez-vous? La paix? Avec qui? Avec une anarchie où les plus violents prévalent toujours. La Convention a interdit toute négociation avec un ennemi qui occupe le territoire ; elle exige la reconnaissance préalable de la République. Il faudra donc abandonner ce qu'on aura conquis, consacrer une révolution qui implique l'anéantissement de nos principes, pactiser avec des ennemis furieux de l'Angleterre, avec un peuple qui semble conjuré pour extirper de la surface de la terre tout honneur, toute justice, toute humanité!« Si la haine du vice était une juste cause de guerre, répondit Fox, avec lequel de nos alliés serions-nous donc en paix, juste ciel? Je tremble, je l'avoue, pour le sort de l'Europe. » Il parla de la Pologne. Les Communes n'en furent point émues, et 277 voix contre 55 repoussèrent la motion pacifique. Stanhope développa la même proposition devant les lords: « On dit qu'il n'y a pas de gouvernement en France. Demandez au général Wurmser, à lord Hood, au duc de Brunswick, au roi de Prusse, aux royalistes de la Vendée. » 99 pairs contre 12 se prononcèrent pour le cabinet. Le 3 février 1794, il fut décidé que la flotte serait portée à 80 vaisseaux, 100 frégates et 85,000 hommes, l'armée de terre à 60,000.

On vit encore plusieurs tournois oratoires. Le 17 mars, Fitz-Patrick demanda que Lafayette fùt mis en liberté; les ministres répondirent qu'ils ne pouvaient s'immiscer dans les affaires de leurs alliés. Fox vengea du même coup la vertu de Lafayette et la mémoire des fameux promoteurs de la liberté anglaise, que Lafayette avait pris pour modèles. Il fut éloquent et ne convainquit personne. Il parla encore, le 30 avril, et

n'empêcha point la Chambre de voter un crédit de guerre de 300 millions de francs, un emprunt de 275 millions et un impôt extraordinaire pour payer des subsides. Pitt proposait d'entretenir un corps de 40,000 Français, émigrés ou insurgés. « Si ces Français, dit Sheridan, sont pris et mis à mort par leurs compatriotes, appliquerez-vous la loi du talion aux soldats républicains qui tomberont en votre pouvoir? — Oui, répondit Burke. — Grand Dieu! poursuivit Sheridan, la vie de milliers d'hommes peut dépendre de ce seul mot... Vous introduisez en Europe le système des sacrifices humains. » Burke rétorqua, avec sa grande rhétorique, le galimatias de Barère. La rhétorique était supérieure, mais le fond était identique. « Je me réjouis, dit-il, du plan formé d'armer Français contre Français. Dieu nous garde de ne plus voir le meurtre retomber sur la tête de ses auteurs! La guerre ne doit pas s'arrêter au vain dessein d'opposer une barrière à la puissance sauvage et effrénée de la France. Elle doit tendre à la seule fin raisonnable qu'elle puisse avoir la destruction complète de la horde scélérate qui a fait naître la lutte. »

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La grande masse des Anglais sentait comme Burke et applaudissait aux mesures de Pitt. Le spectacle de la Terreur emporta ce qui restait de sympathies à la Révolution en Angleterre. Robespierre fit mettre à l'ordre du jour des Jacobins: «Les crimes du gouvernement anglais et les vices de la Constitution britannique. » Couthon adressa un appel aux anarchistes anglais : « Plus de rois! Plus de nobles! Plus de prètres !» Quelques semaines auparavant, lord Lauderdale avait encore réuni 10,000 signatures pour une pétition en faveur de la paix. En 1794, il n'y fallut plus songer. Tout T'esprit public des Anglais s'enflamma contre l'ennemi héréditaire qui prétendait ruiner leur commerce, ruiner leur constitution, ruiner leurs croyances religieuses. Le Pugnent ipsique nepotes répondait au Delenda Carthago! anathèmes lancés avec autant de fanatisme d'un côté du détroit que de

Discussions aux Jacobins, 10-20 janvier 1794.

l'autre, et l'on ne peut dire où ils trouvaient plus de retentissement dans les cœurs populaires. Les mêmes rumeurs d'or semé secrètement, d'émissaires, d'espions, de complots souterrains se répandaient dans les deux pays. Les Français voyaient partout la main de Pitt, les Anglais celle de Robespierre. La même haine de la pensée indépendante, le même mépris des opinions modérées s'observaient de part et d'autre. « Les opinions libérales, écrit un historien anglais, furent frappées par le monde d'une sorte d'ostracisme. Ce n'était pas assez que tout homme se hasardant à les professer dût renoncer à toute ambition dans sa vie publique et professionnelle. Il était, en outre, mal vu dans le monde. Chacun l'évitait. On se disait à voix basse qu'il était non seulement un mécontent en politique, mais un libre penseur ou un infidèle en religion'. » « Les écrivains, dit Macaulay, qui exposaient des doctrines contraires à la monarchie et à l'aristocratie, étaient proscrits et punis sans miséricorde. Il était tout au plus sûr, pour un républicain, d'avouer sa foi politique, en mangeant son beef-steak et en buvant sa bouteille de porto dans une taverne.» On forma des associations « pour la protection de la liberté et de la propriété contre les républicains et les séditieux ». Elles fournissaient les espions, les délateurs, les accusateurs et les témoins. En Écosse, où Dundas exerçait une véritable dictature, cette chasse aux libéraux sévit avec un fanatisme particulier. Une «convention des Amis du peuple », formée de délégués venus de toute la Grande-Bretagne, s'était réunie à Édimbourg au mois de novembre 1793. Les délégués étaient cent soixante et discutaient, à portes closes, le principe du vote populaire universel. Leur assemblée fut dissoute, et les délégués de Londres furent condamnés à quatorze ans de déportation.

Au printemps, après nombre de poursuites, de procès et de condamnations, Pitt vint lire aux Communes un grand rapport du Comité secret sur les troubles du royaume. Il

1 ERSKINE MAY, trad., t. II, p. 41.

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