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hauteurs entre Augezd et Telnitz. L'ennemi venait d'y réunir le reste de ses forces, tant en infanterie qu'en cavalerie; il avait, pour les soutenir, trentesix pièces de canon qui vomissaient le feu le plus terrible.

Au même instant, l'Empereur envoie quelques escadrons et l'artillerie de sa garde sur le flanc droit de l'ennemi, pour le rejeter sur les étangs. Les Russes veulent håter leur retraite; mais il ne leur reste pour l'effectuer que la digue entre les lacs. L'arméefrançaise, appuyée à ces lacs par les deux ailes, près d'Augezd et de Menitz, est maîtresse de tous les débouchés. L'ennemi, cerné de toutes parts, espère se sauver sur les étangs glacés; plusieurs milliers d'hommes, trente-six pièces de canon, une grande quantité de caissons et de chevaux, s'engagent sur ces étangs. Les vingt-quatre pièces d'artillerie de la garde brisent la glace, et vomissent la mort. Des colonnes entières sont englouties. Du milieu de ces lacs immenses, on entend s'élever les cris de plusieurs milliers d'hommes qu'on ne peut secourir. Ceux qui se trouvent le plus près de la digue défendent le passage en désespérés; ils placent ce qui leur reste d'artillerie sur une hauteur qui couvre la tête de la digue. La cavalerie du général Kienmayer soutient ces dispositions, pour donner à l'infanterie le temps de se rallier.

Le comte Gardanne, aide-de-camp de l'Empereur, fait plusieurs charges avec une division de dragons déjà fatiguée du service de la nuit et des combats de la journée. Dans un mouvement rétrograde, lorsque la cavalerie ennemie s'avance, le chef d'escadron Digeon, avec six pièces d'artillerie de la garde chargées à mitraille, rompt les escadrons autrichiens. Les trois divisions du duc de Dalmatie arrivent bien

tôt, et s'élancent au pas de charge. La cavalerie ennemie veut arrêter leur marche; mais elle est culbutée par deux escadrons de la garde, réunis aux dragons.

La hauteur et l'artillerie qui la défend, dernier espoir de l'ennemi, sont emportées. La hauteur est garnie de canons français. Les débris de cette armée se jettent dans les étangs, ou fuient vers Menitz déjà occupé par le comte Friant. Sans ressource, sans retraite, foudroyés par l'artillerie de la garde, ces malheureux saisis d'épouvante se jettent sur la glace, et presque tous y trouvent la mort.

Le soleil achevait alors sa carrière. Ses derniers rayons, réfléchis par la glace, vinrent éclairer cette scène d'horreur et de désespoir. C'était ainsi qu'on avait vu, dans la journée d'Aboukir, dix-huit mille Turcs, poursuivis par le vainqueur, se jeter à la mer et s'y engloutir.

Il ne restait plus que quelques débris qui s'étaient échappés par les digues. L'Empereur, toujours infatigable, aussi ardent à compléter la défaite qu'à assurer la victoire, ordonna au duc d'Abrantès, son premier aide-de-camp, de poursuivre l'ennemi à la tête d'une division de dragons, tandis que deux escadrons de la garde, commandés par le colonel Dallemagne, tournaient les étangs au dessus de Menitz. On fit encore 2,000 prisonniers; on prit plusieurs drapeaux et 11 pièces de canon. Le reste ne dut son salut qu'à la nuit.

L'ennemi perdit dans cette journée 8,000 hommes tués, 15,000 blessés, 23,000 prisonniers, dont 273 officiers, 10 colonels, 8 généraux, 180 pièces de canon, dont 143 russes, 150 caissons, enfin plus de 50 drapeaux.

L'armée française eut 1,500 hommes tués sur le champ de bataille et 4,000

Lebas, chasseur au 10° d'infanterie légère, ayant le bras gauche emporté par un boulet de canon, dit à son camarade: « Aide-moi à ôter mon sac,

suite son sac sous le bras droit, il marche vers l'ambulance.

blessés, dont 9 officiers-généraux; elle perdit si peu de prisonniers que l'ennemi, ne jugeant pas à propos de les garder, les renvoya le lendemain. Le général Valhubert, mort des suites» et cours me venger. » Mettant ende sa blessure, écrivit à l'Empereur une heure avant de mourir : « J'aurais voulu >> faire plus pour vous. Je meurs dans une » heure. Je ne regrette pas la vie, parce » que j'ai participé à une victoire qui » vous assure un règne heureux. Quand » vous songerez aux braves qui vous » étaient dévoués, pensez à moi. Il me >> suffit de vous dire que j'ai une fa» mille je n'ai pas besoin de vous la >> recommander. »

Le comte Saint-Hilaire, blessé au commencement de l'action, resta toute la journée sur le champ de bataille, et se couvrit de gloire. Les généraux de division comtes de Valmy et Walther, les généraux de brigade Thiébault, comte Sébastiani, Dumont, Marilly, les comtes Compans et Rapp, aide-de-camp de l'Empereur, furent blessés. C'est ce dernier qui, en chargeant à la tête des grenadiers de la garde, avait pris le prince Repnin, commandant les chevaliers de la garde impériale russe.

Les chasseurs à cheval eurent à regretter leur colonel Morland, tué d'un coup de mitraille en chargeant l'artillerie de la garde impériale russe.

Le colonel Mazas du 14 de ligne fut tué, ainsi que le chef d'escadron Chaloppin, aide-de-camp du prince de Ponte-Corvo, et plusieurs autres colonels et chefs de bataillon.

Le baron Corbineau, écuyer de l'Impératrice, commandant le 5 régiment de chasseurs à cheval, eut cinq chevaux tués; il fut blessé en enlevant un drapeau.

Le comte Friant eut quatre chevaux tués sous lui. Les colonels Conroux et Damoutier se firent remarquer.

Le général Thiébault, dangereusement blessé, était transporté par quatre prisonniers russes. Six Français blessés l'aperçoivent, écartent les prisonniers russes et saisissent le brancard en disant: « C'est à nous seuls qu'ap» partient l'honneur de porter nos gé» néraux blessés ! »

Les traits de courage furent si nombreux qu'au moment où le rapport se faisait, l'Empereur dit : « Il faut toute » ma puissance pour récompenser di» gnement tous ces braves gens. »

Les colonels Lacour, du 5o de dragons; le baron Digeon, du 26o de chasseurs; le baron Bessières, du 11" de chasseurs, frère du duc d'Istrie; le baron Gérard, colonel, aide-de-camp du prince de Ponte-Corvo; Marès, colonel, aide-de-camp du prince d'Eckmühl, furent blessés.

Les chefs de bataillon Perrier, du 36o régiment de ligne; Guye, du 4o de ligne; le baron Schwitz, du 57° de ligne; les chefs d'escadron Grumlot, du 2o régiment de carabiniers; Didelot, du 9o de dragons; Boudinhon, du 4o de hussards; le chef de bataillon du génie Abrissot; les chefs de bataillon Babin et Morbilliard, du 55° de ligne; Proffil, du 43; les chefs d'escadron Treville, du 26° de chasseurs, et David, du 2o de hussards; les chefs d'escadron de la garde impériale Beurmann, Bohn et Thierry, furent aussi blessés.

Le capitaine Thervay, des chasseurs à cheval de la garde, mourut des suites de ses blessures.

Le capitaine Geist, les lieutenants

nier, Addé, Bayeux et Renno, des chasseurs à cheval de la garde, et les lieutenants Messager et Rollet, des grenadiers à cheval de la garde, reçurent aussi des blessures.

Bureaux, Barbanègre, Guiod, Four-vent prédit par l'Empereur, pour la fin de cette immortelle campagne; ainsi se termina cette journée mémorable, que le soldat se plaît à nommer la journée de l'Anniversaire; que d'autres ont appelée la bataille des trois Empereurs, et que Napoléon a désignée sous le nom de bataille d'Austerlitz.

Les voltigeurs rivalisèrent avec les grenadiers. On citerait le 43, le 55, le 14, le 36, le 40°, le 17", les bataillons des tirailleurs corses et du Pò, si l'on pouvait nommer quelques corps; mais ce serait une injustice pour les autres. Tous ont fait des prodiges: il n'y avait pas un soldat, pas un officier, pas un général, qui ne fùt décidé à vaincre ou à périr.

Aux confins de la Hongrie, de la Pologne, de la Silésie et de la Bohême, dans les champs de la Moravie, où, des deux extrémités du monde, se trouvaient réunis le sauvage du Kamtschatka et l'habitant du Finistère, la destinée avait marqué le terme de cette supériorité de l'infanterie russe, trop

La cavalerie française se montra avec longtemps et trop facilement établie; de supériorité.

Les soldats du train méritèrent les éloges de l'armée. L'artillerie fit un mal épouvantable à l'ennemi. Quand on en rendit compte à l'Empereur, il dit : « Ces succès me font plaisir; car je » n'oublie pas que c'est dans ce corps » que j'ai commencé ma carrière mili>> taire. >>

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ce prestige d'une puissance militaire, née subitement dans le siècle dernier; de cette influence politique usurpée sur l'Europe, et désormais renfermée dans les bornes fixées par l'intérêt des peuples et de la civilisation. C'est là que l'armée voulut célébrer, par la victoire la plus éclatante, l'anniversaire du jour où la France reconnaissante avait dé

Ainsi éclata le coup de foudre si sou- | cerné à Napoléon le diadème impérial.

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d'Italie. Conclusion de la guerre d'Autriche en 1805. - Tableaux de situation de l'armée française au 2 décembre.

Le soir de la bataille d'Austerlitz, et pendant plusieurs heures de la nuit, Napoléon parcourut le champ du combat qui présentait le spectacle le plus horrible; il fit enlever tous nos blessés et une partie de ceux de l'ennemi. L'Empereur passait au galop. Rien n'était plus touchant que de voir nos braves le réconnaître sur-le-champ, et se traîner vers lui. Les uns, oubliant leurs souffrances, lui disaient: « Au moins >> la victoire est-elle assurée. » Un autre : « Je souffre depuis huit heures; » depuis le commencement de la ba» taille, je suis délaissé; mais j'ai bien >> fait mon devoir. » Un troisième : « Vous devez être content de vos sol>> dats aujourd'hui. » L'Empereur laissait à chaque blessé un cavalier de la garde qui le faisait transporter dans les ambulances. Pourtant, il est horrible de le dire, quarante-huit heures après la bataille il y avait encore un grand nombre de Russes qu'on n'avait pu panser. Tous les Français le furent avant la nuit.

Rien n'égalait la gaîté des soldats vainqueurs, dans leurs bivouacs. A peine apercevaient-ils un officier de l'état-major impérial, qu'ils lui criaient: L'Empereur est-il content de nous?» Le soir, l'armée française prit sur le champ de bataille les positions sui

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vantes :

Le corps du duc de Montebello, en avant de la maison de poste; l'avantgarde du grand duc de Berg, à Rausnitz; le prince de Ponte-Corvo, sur les hauteurs de Krzenowitz; la garde et la réserve, sur les hauteurs vis-à-vis de Nusle et d'Hostieradeck; la division du comte Saint-Hilaire, en avant de la digue des étangs de Satschan; les deux autres divisions du duc de Dalmatie, en arrière, la gauche à Augezd, la droite à Menitz; enfin la division du comte Friant, entre Menitz et Lautschitz, afin de se rapprocher des autres divisions. du prince d'Eckmühl, restées à Nikolsbourg, et de marcher avec elles sur Göding.

L'Empereur établit son quartier-général à l'auberge, près de la maison de poste de Pozorzitzer.

Les débris de l'armée russe passèrent la nuit la plus affreuse. A la journée du 30 novembre, à celle même de la bataille, qui avaient été superbes, avait tout à coup succédé un épais brouillard; vers minuit, s'étant converti en neige et en pluie, il rendit les chemins presque impraticables.

Les deux Empereurs avaient quitté Austerlitz et s'étaient portés sur la route de Hongrie. Ils ne se dissimulaient pas qu'ils avaient perdu 'leur ligne d'opération; qu'ils étaient séparés de leurs bagages et de leurs hôpitaux ;

qu'ils prêtaient le flanc à l'armée fran- | combattu, et d'intercepter toute retraite çaise; et qu'elle serait arrivée avant à l'ennemi. Il dirigea le corps du duc eux à Holitsh et à Göding. Ils n'avaient de Dalmatie sur la route d'Auspitz; les même plus d'armée; car ce n'était corps du prince de Ponte-Corvo et du qu'un amas confus de fuyards, d'hom- duc de Montebello sur celle d'Austermes sans armes, sans havre-sacs, sans litz à Göding. Le grand-duc de Berg, subsistances. avec la plus grande partie de sa cavalerie, suivit cette dernière route. Le comte Nansouty, avec sa division de cavalerie, se porta sur la grande route d'Olmütz, et prit une immense quantité de chariots et de bagages de toute espèce.

Dans cette extrémité, les deux Empereurs convinrent d'avoir recours au vainqueur, de lui demander un armistice et de jurer la paix, seul moyen de conserver encore ce qui restait des armées des deux plus grands empires du monde.

Le prince de Lichtenstein, aussi distingué par ses qualités civiques que par ses vertus guerrières, qui s'était toujours opposé à la guerre, qui n'avait jamais fait entendre auprès du trône que des conseils sages, se proposa pour aller trouver l'Empereur. A minuit, il était aux avant-postes. Il eut une conférence fort longue avec Napoléon qui consentit enfin, non sans beaucoup de peine, à une entrevue avec l'empereur d'Allemagne. Lorsque l'Empereur y eut consenti et que le prince de Lichtenstein eut déjeûné avec lui, il le congédia : « Vous me faites faire une grande » faute, lui dit-il. Ce n'est pas après des » batailles qu'il faut avoir des confé>>rences. Je ne devrais aujourd'hui être >> que soldat. Comme tel, je ne me dis» simule pas que je devrais poursuivre » ma victoire, et non pas écouter des » paroles de paix. » — « Votre Majesté, » lui répliqua le Prince, n'a plus rien à >> conquérir. Votre victoire est si com>> plète, que rien ne peut y ajouter. La paix seule peut augmenter votre » gloire. >>

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Cependant l'Empereur prescrivit les dispositions suivantes : il ordonna au prince d'Eckmühl de se porter sur Göding avec le corps qu'il avait à Nikolsbourg, et qui n'avait pas encore

L'Empereur envoya le comte Bertrand, son aide-de-camp, avec les escadrons de sa garde, sur la route de Kremsier, où il s'empara de dix-neuf pièces de canon, d'une grande quantité de caissons et de bagages escortés par des Cosaques. Un autre détachement se porta sur Hradisch et ramassa beaucoup de bagages et de prisonniers.

Le 4, eut lieu l'entrevue des deux Empereurs. Les avant-postes du prince d'Eckmühl ayant culbuté la tête de l'avant-garde du général Merfeld, menaçaient d'attaquer l'armée russe et d'empêcher sa retraite. Le général autrichien protesta qu'il y avait un armistice, et que les deux Empereurs étaient en conférence. Le prince d'Eckmühl suspendit toute attaque, sur l'assurance donnée par Alexandre, qui lui écrivit de sa propre main, que les deux Empereurs étaient en conférence pour tout terminer.

Pressée en queue par le corps du prince de Ponte-Corvo, sur son flanc gauche par le grand-duc de Berg, prévenue à Göding par le prince d'Eckmühl et le duc de Dalmatie, l'armée russe se trouva, le 4, enveloppée de manière à ne pouvoir plus faire de retraite.

L'armistice, signé le 5 décembre par le prince de Neuchâtel et le prince de

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