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réguliers; quelques-uns renfermaient même des inexactitudes et ne rendaient pas la véritable pensée de leurs auteurs. Enfin, les mœurs avaient changé ; des besoins nouveaux, des intérêts nouveaux s'étaient produits et exigeaient des solutions nouvelles. Sur certains points, les coutumes rédigées depuis un demi-siècle étaient en retard sur la marche de l'opinion. On conçut la pensée de leur faire subir une seconde épreuve, de les émonder, de les rendre plus claires, surtout de les approprier aux besoins récents et aux progrès des mœurs, Deux grands magistrats, Christophe de Thou et Achille de Harlay, qui présidèrent le Parlement de Paris, se vouèrent, le premier surtout, à cette tâche immense qui absorba, pour Christophe de Thou, la meilleure part de sa vie jndiciaire. C'est ainsi que la coutume de Paris fut réformée en 1580 et celle d'Orléans en 1583. Dans le duché de Bourgogne, -on n'avait pas attendu le signal donné par la capitale. Dès 1560, les Etats de cette province avaient réclamé pour leur coutume une réformation, qui fut commencée quelques années plus tard et achevée en 1570, sous la direction du président de la Reynie, des conseillers Bégat et de Vintimille, commissaires royaux, du conseiller Bretagne, appelé à raison de sa science, avec le concours des élus et des députés des trois Etats du duché.

Lorsqu'Henri IV monta sur le trône, la rédaction et la réforme des coutumes étaient pour ainsi dire accomplies dans tout le royaume. Cependant, quelques localités n'obtinrent que plus tard une législation écrite. Ainsi la coutume de Chauny ne fut confirmée qu'en 1611, celles du pays messin ne le furent que sous Louis XIV et celle de Verdun en 1746 seulement.

Je viens de dire que la première coutume officiellement rédigée fut celle du Bourbonnais au commencement du xvi siècle. Je ne parlais en ce moment que des coutumes sanctionnées par l'autorité royale. Mais d'autres avaient

reçu bien avant la confirmation des seigneurs. Parmi les grands feudataires de la couronne, les ducs de Bourgogne occupaient la première place, non-seulement grâce à leur puissance, mais encore grâce à la prospérité et à la civilisation qu'ils avaient communiquées à leurs Etats. Peutêtre même est-ce à ces princes qu'il convient de restituer l'honneur que l'édit de Montilz-lès-Tours a fait à la mémoire de Charles VII, car cette ordonnance serait peut-être due à leurs conseils ou à leur exemple, si l'on en croit du moins les auteurs qui ont, d'ailleurs sans certitude, fixé la première rédaction de la coutume de Ponthieu en 1443, sous l'initiative du duc de Bourgogne, Philippe le Bon.

En tout cas, la volonté royale, manifestée par l'ordonnance de 1453, était à peine connue, que ce duc s'empressait de l'exécuter dans ses Etats. Il prescrivait à son tour de recueillir les usages et les coutumes de son duché de Bourgogne, et nommait une commission chargée de procéder à cette vaste enquête, dans laquelle puiseraient les rédacteurs. Toutefois, soit qu'il répugnât à son orgueil de convenir qu'il déférait à une injonction de son suzerain, soit plutôt qu'il voulût associer plus étroitement son peuple à l'entreprise, il prit soin de rappeler que « ses très chers et amés, les gens des trois Etats du duché... lui avoient remontré les grans inconvénients et involutions de procès qui survenoient journellement entre ses sujets à l'occasion de ce que les coutumes générales et locales du pays n'étoient rédigées par écrit. » La mesure édictée revêtait par là un caractère de nécessité et d'urgence plus nettement accusé. (1)

On a souvent prétendu et on se plait encore aujourd'hui à répéter qu'au moyen-àge la loi était l'unique expression de la volonté ou du caprice du maître et que le peu

(1) La coutume du comté de Bourgogne a été aussi rédigée en 1459 dans les mêmes formes et en vertu des mêmes ordres.

ple ne participait jamais à sa confection. Il n'est pas de reproche moins justifié. La loi civile, même dans la période féodale, a le plus fréquemment jailli sinon du suffrage, au moins du consentement universel; elle est dans son origine même, comme nous le verrons tout à l'heure, d'essence démocratique, si l'on entend par là le concours du plus grand nombre à sa formation. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'œil sur la manière dont l'autorité pourvut à la rédaction des coutumes, et comme celles du duché et du comté de Bourgogne furent des premières à recevoir une forme écrite, on me pardonnera de les citer à titre d'exemple, les autres ayant été rédigées par le même procédé.

Une commission fut d'abord nommée pour ouvrir une enquête sur tous les usages du duché. Cette commission se composait de six membres, trois désignés par les Elats et trois par le duc. (1) Elle reçut l'ordre de faire uue première ébauche de rédaction en s'éclairant par tous les moyens en son pouvoir. Pour accomplir son mandat, elle convoqua par assignations et cris publics un grand nombre de prélats, gens d'église, chevaliers, écuyers, avocats, conseillers et praticiens de la province, qui avaient été préalablement invités à recueillir sur place, dans les lieux qu'ils habitaient, tous les documents écrits qu'ils pourraient se procurer sur les usages en vigueur, les livres coutumiers, les registres des justices et les anciens ou nouveaux papiers de coutumes (2), » à interroger

(1) Ces commissaires étaient: Mre Ferry de Clugny, official d'Autun, représentant du clergé Mre Jean de Bauffremont, seigneur de Mirebeau, élu par la noblesse et Me Jean George, maitre des requêtes, député des bonnes villes ou du Tiers-Etat. Ils étaient assistés de Guillaume de Sercey, remplacé plus tard par Mre Geoffroy de Choisy, de Me Pierre Brandin et de M Pierre Baudot, licenciéez-lois, nommés par le duc. La coutume du Nivernais a été rédigée en 1534 dans des formes identiques. Voyez Revue de législation, t. 39, et Coutumes du Nivernais, p. 69, édit. Dupin.

(2) Il existait, à n'en pas douter, en 1459 un certain nombre

leurs souvenirs et ceux de leurs compatriotes. Lorsque cette première information locale fut achevée, les personnages convoqués se réunirent à Dijon, remirent entre les mains des commissaires le résultat de leurs recherches et furent interpellés par eux sur chacune des décisions regardées comme résultant de la coutume. On les confronta ensuite entre eux, ce qui provoqua, dit le duc dans ses lettres patentes de confirmation, de « vives contrariétés et altercations » entre « lesdits coustumiers et praticiens sur le sens des dispositions rapportées. Procès-verbal détaillé fut dressé de ces discussions, et lorsque l'accord fut établi, les commissaires assistés d'un « grand nombre de ceux des trois Etats » qui avaient été présents à la réunion, arrêtèrent un texte dont lecture fut donnée à l'assemblée, afin qu'elle en reconnût l'exactitude, et qui fut ensuite, sur l'ordre des députés, couché par écrit.

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Ici les mots les plus simples out leur importance. Remarquons la formule employée par l'ordonnance ducale de promulgation. Ce sont les commissaires délégués qui font l'enquête. Mais ce sont les gens des trois Etats, bien qu'ils soient hors session, qui « se résolvent aux dites coutumes, » c'est-à-dire qui les acceptent et les tiennent pour véritables. Ce sont eux qui donnent l'ordre de les rédiger par écrit. Pourquoi ? C'est que la coutume

de recueils manuscrits de la coutume générale de Bourgogne, comme il y en avait pour les coutumes des autres provinces. Le président Bouhier déclare en avoir consulté quatre, dont trois ont précédé la rédaction de 1459. M. Giraud a publié en outre les Anciens stilles de Bourgoingne, dont la date peut être placée entre les années 1270 et 1360, et qui proviennent d'un manuscrit de la Bibliothèque de Dijon. M. Marnier a également donné dans la Revue historique de droit français, année 1857, p. 525, un recueil intitulé Li usages de Borgoigne, qui a été emprunté à la copie, inachevée et faite du xive au xv° siècles, d'un manuscrit plus ancien. Mais, en outre, sans parler des chartes de communes, il existait plusieurs coutumes locales dont le texte nous a été conservé, par exemple, les coutumes anciennes de la ville de Beaune écrites en 1370; celles de Châtillon recueillies vers 1371 par Jean de Foissy, bailli de la Montagne, et rédigées par lui en une sorte de somme rurale à l'usage des officiers du duc.

n'est qu'une loi consentie et qu'elle n'obligera le peuple qu'à la condition d'être acceptée par ses représentants; elle ne sera rien s'ils ne s'y soumettent volontairement en son nom. Les trois Etats ont donc déjà une part, la plus grande, dans l'exercice du pouvoir législatif. Le prince ne fait qu'approuver et donner ensuite sa sanction.

Mais l'œuvre n'est pas terminée. La rédaction ainsi arrêtée est transmise au président du conseil ducal et des parlements de Bourgogne séant à Dijon,qui est chargé, avec ses collègues du conseil, de réviser le travail, de s'assurer s'il est bien conforme aux procès-verbaux, aux documents annexés, de recorder, s'il en est besoin, les témoins entendus, et d'adresser un rapport au duc. Il ne pourra point modifier arbitrairement le texte; il doit seulement en contrôler l'exactitude, en signaler les erreurs ou les vices.

Enfin, le conseil ducal a exprimé un avis favorable. Philippe-le-Bon est alors supplié par les Etats de « ratifier, autoriser et faire tenir pour lois » ce nouveau code coutumier en Bourgogne et dans celles de ses terres << où l'on n'use pas du droit escrit, » d'ordonner que les parties qui l'invoqueront n'auront pas besoin d'en établir l'authenticité, d'abolir toutes autres dispositions « qu'on voudroit dire estre coustumes » et de décider qu'en dehors de ce texte, tout sera réglé par le droit écrit, en d'autres termes que la loi romaine suppléera au silence de la loi locale. Sur cette requête, le duc déclare « gréer, louer, approuver, confermer et autoriser » cette coutume, mais en se réservant le droit de l'amender plus tard, s'il en était besoin, sur l'avis des gens de son conseil et «< appelez lesditz des trois Etats, pour le bien de ses païs et sujetz. >> Son ordonnance, donnée à Bruxelles le 26 août 1459, publiée dans tout le duché et, à partir de ce jour, la Bourgogne posséda le texte précis et fixe de sa loi civile (1).

fut

(1) Il fut procédé de même à la réformation de cette coutume au xvie siècle, avec cette circonstance particulière que les députés du

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