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CHAPITRE IV

CORPORATIONS

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Conformément

1. Confréries et corporations ouvrières. à la loi romaine, l'ancien droit professait comme une maxime constante, qu'en dehors des monastères, aucune corporation laïque ou ecclésiastique ne pouvait se former sans l'autorisation du souverain (1). « Toutes assemblées de plusieurs personnes en un corps, dit Domat, sont illicites à cause du danger de celles qui pourroient avoir pour fin quelque entreprise contre le public; celles même qui n'ont pour fin que de justes causes ne peuvent se former sans une expresse approbation du souverain, sans la reconnaissance de l'utilité qui s'y peut trouver (2). » L'art. 185 de l'ord. de 1539, l'art. 10 de celle d'Orléans et l'art. 37 de celle de Blois défendirent expressément la formation de confréries laïques d'artisans, à l'exception de celles qui avaient un but pieux ou charitable et qui étaient autorisées par les pouvoirs civil et ecclésiastique.

De même, les statuts des corporations n'étaient réputés avoir force de loi qu'après avoir été approuvés par lettres royales dûment enregistrées. Cette règle générale qui apparait déjà sous les Mérovingiens, puisqu'un décret de

(1) L. 3, Dig., de collegiis; 1. 5, Dig., de jure immunitatis, & 12; Cod., de episc. et cler. Beaumanoir, Cout. du Beauvoisis, ch. 1, 22, Cout. du Nivernais, ch. I, art. 7; du Bourbonnais, art. 19; de la Marche, tit. des juridictions, art. 6; Jean des Mares, décis. 46; Bodin, République, liv. III, ch. 7; Loyseau, Traité des offices, liv. V, ch. 7; Loysel, Inst. cout., liv. III, tit. I, règle 23; Soefve, t. II, cent. 1, ch. 79; Boniface, t. I, liv. VIII, tit. I, ch. 2. Quant au régime et à la capacité civile des communautés religieuses, elles seront l'objet d'un examen spécial lors de l'étude sur la condition des biens.

(2) Droit public, liv. 1, tit. 1, section 2, art. 14.

Dagobert II réglemente en 630 la corporation des boulangers, est exprimée formellement par les capitulaires de 800, 803 et 864 et par un synode tenu à Rouen en 1189. << Il y a, dit ce synode, des clercs et des laïques qui forment des associations pour se secourir mutuellement dans toutes espèces d'affaires et spécialement dans leur négoce, portant une peine contre ceux qui s'opposent à leurs statuts. La Sainte Ecriture a en horreur de pareilles associations ou confréries de laïques ou d'ecclésiastiques, parce qu'en les observant on est exposé à se parjurer. En conséquence, nous défendons, sous peine d'excommunication, qu'on fasse de semblables associations ou qu'on observe celles qui auraient été faites. » Mais, malgré les défenses des rois et des conciles, les confréries qui tiraient pour la plupart leur origine de la ghilde germanique, se maintinrent, non-seulement pour assurer une protection à leurs membres actifs, mais encore.pour exercer un contrôle sur les œuvres de chaque métier, pour prévenir les fraudes dans le commerce et l'industrie, pour exiger l'exécution consciencieuse des travaux manuels. Plusieurs d'entre elles prirent la forme de confréries religieuses pour mieux se faire accepter et sollicitèrent l'autorisation souveraine. On voit avant 1070 une ghilde se former à Valenciennes sous le nom de Confrérie de la Charité et faire confirmer par le comte de Flandre ses statuts qui obligent ses membres, presque tous mercatores, à se préter assistance dans la ville et hors la ville, sous l'autorité d'un prévôt et de 24 assesseurs (1). Sous Saint-Louis, le prévôt de Paris, Etienne Boileau, rédige en 1260 le livre des Métiers, qui renferme les statuts de la plupart des corporations industrielles parisiennes, et il constate que certaines d'entre elles faisaient remonter leur existence légale jusqu'à la première moitié du vir siècle (2). Il

(1) Wauters, Les libertés communales en Belgique, p. 256. (2) Li Mortelliers, dit-il, sont quite du gueit et tout tailleur de pierres très le tans Charles Martel, si come li prudhomme l'eu

constate également que la royauté se bornait à fixer par un acte authentique les statuls arrêtés par leurs membres. Le premier acte royal qui autorise une corporation d'artisans à Paris, celle des huiliers, date de juillet 1061. Philippe-Auguste parait s'être aussi occupé d'approuver des statuts corporatifs. Néanmoins les chartes royales qui confirment l'existence légale des corporations sont rares au XIIe siècle, elles ne deviennent un peu plus fréquentes qu'au xi'; au XIV presque tous les métiers en demandèrent. Ceux qui s'abstinrent furent obligés de se dissimuler, sinon de disparaître. Quelques corporations seules surnagèrent, soit parce qu'on les réputa autorisées de toute antiquité, soit parce qu'on les toléra à cause de leur utilité (1). Il en fut ainsi de celles des épiciers, des tanneurs, des vitriers de Paris. Mais l'une des plus considérables de ces dernières, et qui fut plus tard enrichie de nombreux priviléges par la monarchie, est assurément la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire et autres fleuves descendant en icelle, héritière directe des nautæ Ligerici gallo-romains que l'on perd de vue au v siècle et que l'on retrouve au XIV, sous la forme d'une puissante confédération commerciale, créée d'elle-même

oï dire de père à fil. » Etienne Boileau a rédigé les statuts de plus de cent corporations parisiennes. V. son livre des Métiers publié par M. Depping, dans la collection des Documents inédits de l'Histoire de France, et Fagniez, Etudes sur l'industrie et les classes industrielles à Paris, 1877.

(1) La corporation des bouchers, qui parait remonter jusqu'à l'occupation romaine, ne reçut des statuts qu'en 1587. Mais elle était reconnue en fait par plusieurs ordonnances royales, telle que celle de 1381, qui statuait sur la réception de ses maîtres. Celle des orfèvres fut dispensée de solliciter l'autorisation royale. A côté de ces corporations, il ne faut pas omettre de placer les associations ouvrières formées par les compagnons ou ouvriers d'un mème métier pour s'entr'aider et résister quelquefois aux exigences des maîtres. Un curieux exemple des associations formées dans ce dernier but est le strike des garçons boulangers de Colmar, qui date de 1495, et dont l'histoire a été pub iée par l'abbé Merklen, dans les Notes et documents sur l'Alsace, de M. Mossmann.

et sans la volonté du prince, qui ne se borne pas, comme la hanse des marchands de l'eau de Paris, ou la compagnie normande de Rouen, à exercer le monopole de la navigation sur la Seine, mais qui relie entre eux les corps des marchands riverains de la Loire, les individualise et les représente en fait et en droit. Elle constitue un être collectif, une personne civile qui fait sien tout grief causé à l'un de ses membres, et qui a qualité pour en demander la réparation; elle est dans une certaine mesure dispensatrice et arbitre des droits de péage régaliens et se porte partie civile dans les poursuites intentées pour faire supprimer ceux que les seigneurs avaient établis sur la Loire sans la licence royale; elle a ses assemblées générales, son receveur général, son greffier, ses avocats, ses deux procureurs généraux qui instrumentent concurremment avec celui du parlement; elle s'affilie les corporations marchandes des villes qu'elle englobe dans ses liens; c'est une société d'assurance et de secours mutuels quî, moyennant une cotisation proportionnelle appelée droit de boîte, assiste tous ses membres; elle traite, plaide et fait imprimer en 1558 les arrêts obtenus par la ligue contre les usurpateurs de ses droits; elle jouit depuis 1428 d'un privilége de juridiction qui attribue, omisso medio, la connaissance de ses litiges au parlement de Paris; enfin elle défend fièrement pendant quatre siècles sa devise: ex libertate commercii ubertas, el ne finit par s'éteindre sous les étreintes de la centralisation administrative de Louis XV, qu'après avoir joui d'une autorité et d'un prestige que les faveurs royales ont peut-être accrus, mais que la liberté seule pouvait lui donner (1).

Si la monarchie n'intervint d'abord que pour régulariser l'existence des corporations et pour assurer l'exécution de leurs statuts, elle ne tarda pas à se mêler plus directe

(1) V. son Histoire, par M. Mantellier, 1870.

ment de leur organisation. En 1305, Philippe-le-Bel abolit toutes les associations, même les confréries religieuses, et interdit aux Parisiens toutes les réunions de plus de cinq personnes, sous aucun prétexte. Cette interdiction ne fut point d'ailleurs de longue durée, car, en 1307, il autorisait de nouveau la communauté des marchands de l'eau et, en 1308, rétablissait celle des drapiers, sous la réserve de ne s'assembler qu'une fois par an, avec l'autorisation du prévôt de Paris et en présence du procureur du roi. En 1358, après les troubles excités par les violences de la Jacquerie, le régent Charles V défendit à toutes les corporations de se réunir ailleurs qu'à l'église sans sa permission, et annonça l'intention de modifier les anciens statuts, « plutôt faits, disait-il, pour le profit des personnes du métier que pour le bien commun. » La réforme annoncée n'aurait été du reste que favorable à la liberté du travail; elle avait pour but d'autoriser « tous ceux qui peuvent faire œuvre bonne à ouvrer (travailler) en la ville de Paris (1). Mais les corporations résistèrent et les six corps de métiers dans lesquels elles se fondirent plus tard reculèrent de plusieurs siècles l'avènement de ce régime libéral dont le Dauphin peut revendiquer l'honorable initiative.

Chacun des métiers était gouverné par un ou plusieurs syndics, nommés prud'hommes, jurés, gardes du métier, élus par leurs pairs ou par le prévôt de Paris et chargés de représenter en justice la corporation, sans avoir besoin d'une autorisation spéciale du roi. Ils jugeaient aussi les différends soulevés entre ses membres, les contraventions aux statuts, recevaient les apprentis, et veillaient à l'exécution du contrat passé entre le patron et la famille qui plaçait chez lui un enfant pour un laps de temps variable d'une à dix années. A l'hérédité qui était le principe général des corporations romaines, notre ancien droit avait

(1) Ordonn. des rois de France, t. III, p. 262.

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