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pendus. Comme je l'ai déjà dit, après cent années écoulées depuis la naissance de l'absent, ou même, selon quelques auteurs, après trente ans depuis ses dernières nouvelles, sa mort était réputée constante, les cautions étaient déchargées, et les héritiers étaient envoyés en possesion définitive. Toutefois, si l'absent reparaissait après ce laps de temps, quelque longue qu'ait été son absence, les envoyés en possession provisoire étaient tenus de lui rendre ses biens. Quant aux tiers acquéreurs, ils pouvaient faire usage des prescriptions ordinaires, puisque la prescription de trente ans courait contre les absents. Mais les héritiers devaient restituer le prix des immeubles vendus.

Pour les effets de l'absence relativement au mariage, l'ancien droit avait à cet égard une sureté de doctrine qui a permis à la législation moderne de ne rien innover. Le droit canonique ne permettait pas à l'époux présent de se remarier, quelque longue qu'eût été l'absence de son conjoint, et celui-ci eût-il dépassé l'àge de cent ans, s'il n'avait nouvelle certaine de sa mort (1). Cette absence formait un empêchement invincible, toutes les fois que l'on ignorait si l'engagement serait légitime ou sacrilège. Si l'absent reparaissait, le conjoint qui avait par erreur ou autrement contracté de seconds liens devait aussitôt les rompre et retourner avec son premier époux (2).

Pour que la célébration du second mariage pût avoir lieu, il fallait donc une nouvelle certaine de la mort de l'absent. Que devait-on entendre par là ? Les uns, comme Rousseau-Lacombe, pensaient que la rumeur publique suffisait. Les autres, tels que Pothier, estimaient qu'il était nécessaire de produire un témoin ou, selon une troisième opinion, deux au moins. Quelques autres enfin

(1) Cap, in præsentia, 9.; Extrav., de spons. et matr., liv. IV, tit. I. (2) Bretonnier. Quest. de dr., des absents, ch. I; Can. cum per bellicam, I et cum in captivit., II.

exigaient un certificat signé du curé et du juge des lieux du décès, constatant la mort de l'absent.

Si de fait, et malgré les prohibitions légales, le second mariage avait été célébré sans une preuve certaine de la mort de l'absent, ce mariage ne devait pas être annulé, ainsi qu'on le décide encore de nos jours; la bonne foi où l'ignorance avait placé les nouveaux conjoints ne permettait pas de troubler l'état de leur famille et le doute dans lequel on était sur l'existence de l'absent profitait à la seconde union. D'Aguesseau voulait en ce cas que les époux fussent séparés. Mais cette solution n'était pas généralement acceptée. Quant aux enfants issus de la nouvelle union, la bonne foi de leurs parents leur assurait l'état et les droits d'enfants légitimes.

J'arrive maintenant aux effets de l'absence relativement aux enfants de l'absent.

En cas d'absence de la mère, le père qui possédait, en vertu de la puissance paternelle, un droit de surveillance sur la personne de ses enfants et un droit d'administration sur leurs biens, conservait évidemment ces droits (1). En cas d'absence du père, la mère qui avait dans les pays coutumiers la puissance paternelle, conservait aussi les droits de surveillance et d'administration, à moins de refus de sa part. Si la mère était morte, un tuteur était nommé aux mineurs dans le délai d'un an (2).

Les enfants qui voulaient se marier pendant l'absence de leurs père et mère devaient obtenir un avis de parents. Si la mère était seule présente et qu'elle trouvât à marier convenablement ses filles mineures, l'usage du châtelet de Paris lui permettait de le faire avec un avis des parents suivi de l'autorisation du juge (3). Dans les lieux où

(1) Coquille, sur cout. du Nivern., tit. 30, art. 2.

(2) Bretonnier, vo absent, p. 10.

(3) Denisart, vo absence, no 25.

le mariage n'émancipait pas, si le père absent revenait après le mariage de son fils contracté pendant son absence, il reprenait l'exercice de ses droits de puissance paternelle sur lui, bien que Bretonnier ait soutenu le contraire, sous prétexte que les parents de la femme n'auraient peut-être pas consenti à l'union projetée, en prévision de la rentrée du mari sous le joug paternel. Ce sont là presque les seuls cas prévus par les commentateurs du droit coutumier qui, sur cette matière, sont fort peu explicites et paraissent avoir abandonné toutes les questions douteuses à l'appréciation de la jurisprudence.

TITRE VI

DE LA PREUVE DE L'ÉTAT CIVIL

La constatation officielle des faits d'où résultent les droits des personnes et leurs devoirs dans les relations avec la famille et la société n'est pas, comme on pourrait le croire, une innovation moderne. Presque tous les peuples ont regardé comme utile, sinon comme nécessaire, de fixer d'une manière certaine l'existence et l'époque des droits acquis, des obligations contractées ou transmises. Mais tous, il faut le reconnaître, n'ont pas institué des formes spéciales, des instruments spéciaux pour conserver la mémoire des trois grands événements, naissance, le mariage, le décès, qui fondent l'état civil de l'homme et qui manifestent son existence au sein de la société. Il convient même d'ajouter que, dans l'antiquité surtout, la loi se préoccupait moins de constater ces évéments dans l'intérêt des individus ou des familles que que dans celui de l'Etat ou du gouvernement. Ainsi, à Athènes, il existait des registres curiaux sur lesquels des officiers publics inscrivaient tous les jeunes Athéniens, dès l'âge de trois ou quatre ans, dans le but de faire connaitre l'effectif réel de la population. Il en fut de même dans les premiers âges de la république romaine. Sous la royauté déjà, Servius Tullius avait prescrit la tenue de registres destinés à constater la naissance et le décès des membres de la cité. Mais ces registres cessèrent d'exister sous l'empire, et Marc-Aurèle, qui en sentait la nécessité, dut en remettre l'emploi en vigueur. Toutefois la preuve de l'âge, de la paternité, de la filiation, de la légitimité même ne résultait que des inscriptions faites

par le père de famille sur ses livres privés, et, à leur défaut, de sa correspondance ou de l'audition de témoins. De là l'usage de ces livres de raison, que nous retrouvons au moyen-âge et qui furent pendant de longs siècles, en France, jusqu'à François 1", un des éléments principaux de la démonstration de l'état civil. Mais, malgré ces livres, dénués d'authenticité d'ailleurs, on peut affirmer que chez nous, jusqu'au xvr siècle, l'état civil ne connut guère d'autre preuve véritable que la notoriété et la possession. Lorsqu'il était contesté, on recourait à une enquête et aux papiers domestiques.

Cette preuve orale de l'enquête n'était pas toujours faite et plus d'une fois donnait naissance à des fraudes qu'il importait de prévenir. Dans un passage intéressant de sa coutume du Beauvoisis, Beaumanoir, qui n'a pas consacré moins d'un chapitre entier aux enquêtes, fait allusion aux moyens destinés à prévenir les artifices et les pièges tendus à la bonne foi des juges. Il suppose que la partie intéressée veut sortir de la tutelle féodale ou du bail et prendre possession du fief dont son tuteur, le baillistre ou le seigneur suzerain, est en jouissance. Elle offre alors de prouver qu'elle a atteint l'âge de la majorité féodale (12 ans pour les filles et 15 ans pour les hommes). « Gardez-vous, dit au juge le bon jurisconsulte, gardez-vous de lui permettre de produire des témoins de son choix. Mais adressez-vous aux parents, aux personnes les mieux placées pour connaître et attester la naissance ou le baptême (1).

Beaumanoir parle ici d'une enquête faite devant le juge, en cas de contestation. Mais on comprend que ces cas étaient rares. Le juge n'était saisi que dans les circonstances graves ou lorsqu'il s'agissait de personnages importants (2).

(1) Cout. du Beauvoisis, ch. xvi, 2 6.

(2) Aussi je trouve dans le livre des fiefs de l'église de Langres qu'en 1283, deux commissaires, le seigneur de Falsin et Guillaume

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