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8° L'amende criminelle, confirmée par un arrêt, à la différence de l'aumône ordonnée par la justice;

9o Le blame, mais non la défense de récidiver ni l'injonction d'être plus circonspect.

Le jugement qui prononçait contre un officier public la privation de son office ne le rendait pas infâme. Il en était de même du décret d'ajournement personnel ou de prise de corps, quoiqu'il rendit le prévenu incapable d'exercer un emploi ou qu'il fût une cause légitime de reproche contre son témoignage jusqu'à sa justification, et du décret d'assigné pour être ouï qui n'entraînait aucune interdiction.

L'infamie de droit avait pour conséquence de rendre celui qui l'avait encourue incapable de posséder aucun office ou bénéfice, et de remplir aucune fonction publique. Elle le dépouillait donc de toutes celles dont il était revêtu, sans lui enlever toutefois la propriété de l'office, mais en lui défendant de l'exercer. Elle lui interdisait ainsi d'être avocat (1), notaire (2), procureur, huissier (3), arbitre (4). Elle s'opposait à ce qu'il pût témoigner en matière civile, et même à ce qu'il pût tester, lorsque l'infamie résultait d'une condamnation à la mort civile. On l'admettait néanmoins à déposer dans les accusations de lèse-majesté, de sacrilége, de simonie.

Tout juge qui pouvait connaitre d'un crime avait le droit de noter d'infamie, qu'il fût laïque ou ecclésiastique. Mais les cours souveraines étaient seules autorisées à dispenser de cette peine accessoire les individus contre lesquels elles prononçaient des condamnations; les juges inférieurs n'avaient pas ce pouvoir (5)..

(1) D'Argentré, sur la cout. de Bretagne, art. 40, no 1. (2) Ord. d'Orléans, art. 83.

(3) Ord. d'Orléans, art. 90.

(4) Mornac, sur la loi 7 Dig. de receptis arbitris.

(5) Basnage, sur la cout. de Normandie, tit. des juridictions,

art 13; Boucheul, Biblioth. de droit franc., v. infamie.

L'infamie pouvait être remise par des lettres de rémission ou de réhabilitation émanées de la puissance royale, et celui qui les avait obtenues était aussitôt réintégré dans tous ses droits; mais les lettres de rappel de ban et de galères n'avaient pas le même effet.

Dans certaines circonstances, les souverains délivraient des lettres de répit ou de défenses générales à des débiteurs pressés par leurs créanciers et auxquels il semblait équitable d'accorder quelque délai pour acquitter leurs dettes. Pendant ce délai les créanciers ne pouvaient ni emprisonner leurs débiteurs ni saisir leurs biens. Un grand nombre de coutumes avaient prévu ce cas et reconnu la validité des lettres de répit (1). Le délai accordé était ordinairement de trois ou de cinq ans (2). Ainsi Saint-Louis avait dispensé tous ceux qui se croisaient avec lui de payer leur dettes pendant trois ans. Un édit rendu par Philippe-le-Bel, en 1318, art. 8, avait réglé le mode de délivrance de ces lettres, qui restèrent longtemps un attribut exclusif de l'autorité royale, jusqu'à l'ordonnance de 1560, du moins, dont l'art. 61 permit aux débiteurs de se pourvoir par requête devant les juges ordinaires afin de faire une information sur les causes qui pouvaient excuser leur état passager d'insolvabilité. Plus tard, l'édit d'août 1669 revint sur cette concession et défendit aux cours souveraines d'accorder aucun délai sans la production de lettres royaux formels. Les personnes qui obtenaient des lettres de ce genre ne pouvaient, aux termes de l'ordonnance de 1673, tit. 9, art. 5, être élues maires ou échevins, juges ou consuls des marchands, administrateurs des hôpitaux, ni exercer aucune fonction

(1) V. cout de Paris, art. 111; de Melun, art. 321; de Sens, art. 258; de Mantes, art. 185; de Laon, art. 279; de Berry, tit. 9, art. 21, 22; de Bar, art. 2-3; de Valois, art. 193; d'Auxerre, art. 150; de Normandie, art. 20.

(2) V. cout. d'Orléans, art. 332, 337, 353.

publique. Mais, malgré cette prohibition, les lettres de répit ne produisaient pas la note d'infamie et n'entraînaient aucune des autres conséquences que nous avons vu attacher à cette peine accessoire.

CHAPITRE VII

LÉPREUX ET CAGOTS

Pendant le moyen-âge, les lépreux étaient retranchés. de la société des autres hommes, et il leur était interdit d'avoir aucune communication avec eux. On les appelait aussi ladres, mesiax, mésels. Ils portent ces deux derniers noms dans Beaumanoir, dans la coutume du Hainaut, ch. 109, et dans celle de Mons, ch. 65.

Cette interdiction de toute relation sociale n'était pas récente. Elle datait de la loi de Moïse. Chez les Juifs, celui qui se croyait atteint de la lèpre devait se présenter au prêtre qui le visitait et jugeait s'il était malade ou non. Dans le premier cas, le lépreux était obligé de se retirer du commerce des autres hommes et de s'établir hors du camp, ou hors de la ville, lorsque les Israélites habitèrent des cités. Le moyen-âge qui compta beaucoup de lépreux, puisqu'on en évaluait le nombre à 19,000 en Europe au XIIIe siècle, adopta cette règle et réputa le ladre tellement mort que l'Eglise le frappa d'excommunication et célébra sur lui, dans certains lieux, l'office funèbre. D'après les coutumes de Mons et du Hainaut, « si une personne est renommée d'estre entachée de la maladie de la lèpre, les eschevins dessous qui telle personne est résidante et demeurante, seront tenus et pour leur acquit le mener aux épreuves, aux dépens des paroissiens. Et si icelle personne est trouvée entachée de ladite maladie, on luy

devra bailler pour une fois, s'ils ne sont du lieu, un chappeau, un manteau gris, une cliquette et une besache, et avec luy faire son service; lesquelles bagues et dépenses devront estre prises sur les biens de l'aumosne ou sur les manans du lieu paroissiens, en cas qu'ils n'eussent compétamment et pour y fournir. La ville sera tenue de à la personne faire une maison sur quatre estaques, ainsi qu'a été accoustumé de faire, et, si le patient la veut avoir meilleure, la faire debvra à ses dépens, à la charge après sa mort d'estre bruslée, avec le lit et habillemens ayant servi à son corps (1). »

La charité, vertu absolument chrétienne et inconnue des anciens, qui a pris naissance dans Jésus-Christ, et qui fut le sceau de la rénovation de la nature humaine, n'abandonnait donc pas le malade atteint de cette terrible contagion, épouvantail des populations du moyen-âge et, si la loi civile, si la loi ecclésiastique elle-même prononçaient son exclusion de la société, afin d'éviter la propagation de la lèpre, la charité religieuse le prenait aussitôt sous sa protection. Les maladreries ou léproseries de Saint-Lazare semblent avoir été en Orient les premières maisons de refuge. Elles recevaient les ladres qui, renoncés de leurs proches, périssaient aux carrefours des cités, en horreur à tous les autres hommes. Leur nom même venait de l'ami de Jésus-Christ sous le vocable duquel avait été placé le premier hospice construit dans ce but près de Jérusalem, et qui de Saint-Lazare, dans la langue du moyen âge était devenu Saint-Ladre, Ces maladreries, transportées en Occident depuis les Croisades par l'ordre de Saint-Lazare, étaient, dès le XIII siècle, administrées en certaines villes par des prudhommes que désignait l'évêque ou le seigneur (2).

(1) Cout. du Hainaut, ch. 135, art. 2. V. aussi le Nouveau Coutumier général, t. I, p. 507.

(2) Beaumanoir, t II, p. 327, édit. Beugnót.

Elles étaient placées en dehors des autres habitations, loin du contact et de la circulation des habitants. « Périlleuse cose, dit Beaumanoir, seroit de converser mesias aveques sains, porce que li sain en poent devenir mesel; et por ce furent les maladreries fetes hors des viles. » Plus tard, lorsque la foi fut devenue moins vive, les administrateurs chargés de la gestion des intérêts temporels de ces hôpitaux s'approprièrent la meilleur part de leurs revenus, et un édit d'avril 1561 dut y remédier (1). Les formalités usitées pour mettre le ladre hors du siècle et le rendre, comme on disait alors, en sa borde, peignent bien l'effroi qu'inspirait la contagion et l'exclusion absolue dont le malade était l'objet. Les statuts synodaux du diocèse de Troyes, publiés en 1430, en donnent le cérémonial complet. Le prêtre célébrait une messe à laquelle le lépreux assistait, séparé des autres fidèles, le visage couvert et « embrunché comme le jour des Trespassez. » Il faisait une offrande à la messe et baisait le pied du prêtre et non la main. A l'issue de l'église, le curé devait « avoir une pele en sa main, et à icelle pele prendre de la terre du cimetière trois fois, et la mettre sur la teste du ladre en disant: « Mon amy, c'est signe que tu es mort quant au monde, et pour ce ayes patience à toy. » La messe chantée, le curé le menait à sa demeure, en procession, avec la croix et l'eau benoiste. » A l'entrée de la maison, il lui disait : « Amy, tu scez et il est vray que le maistre des deux caves, maistre de la maladrerie de Saint-Ladre de Troyes, par ses lettres présentées à moy comme bien éprouvé de la maladie Saint-Ladre, t'a dénoncé ladre, pourquoy je te deffens que tu ne tiépasse ne offense ès articles cy après écrits: 1 que tant que tu seras malade, tu n'entreras en maison nulle autre que en ta borde, ne ne coucheras de

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(1) Anciennes lois françaises, t. XIV. p. 105.

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