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avaient-elles cru nécessaire d'inscrire dans leur texte des dispositions prohibitives au sujet des fiefs (1).

On voit que, s'il ne faisait pas obstacle à la vie religieuse, l'ancien droit favorisait peu les religieux. La loi nouvelle a-t-elle été plus libérale? Oui, sans doute, le moine n'est plus frappé de mort civile; oui, il peut acquérir, posséder, succéder, transmettre en son nom privé, il est citoyen, cela devrait suffire. Mais la législation ne se préoccupe-t-elle pas encore de ses vœux, quoiqu'elle affecte de ne plus les reconnaitre ? N'a-t-elle pas, au contraire, en se les appropriant, exagéré les suspicions de l'ancienne jurisprudence? Quoiqu'elle ait proclamé la liberté humaine, même pour celui qui l'abdique volontairement, a-t-elle tenu toutes ses promesses à son égard? Il y a des mots qui réveillent de si grandes idées et de si grandes espérances qu'ils semblent puissants par euxmêmes. Le mot de liberté a ce prestige. Dès qu'ils l'entendent, les hommes en sont charmés et dominés, ils se croient en possession de la liberté aussitôt qu'ils en parlent; ils se figurent aisément qu'ils l'ont donnée dès qu'ils l'ont promise. Cependant rien n'est plus décevant que cette illusion, et rien n'est plus rare que la liberté véritable, car elle n'est véritable qu'à des conditions auxquelles les mots ne suffisent pas. La première de ces conditions est qu'elle existe pour tous, qu'elle soit égale pour tous,

(3) V. notamment la coutume du comté de Bourgogne, tit. des fiefs, art. 17, et tit. 19, art. 4. Elle interdisait absolument aux religieux de transmettre des fiefs à leur communauté et permettait au seigneur d'obliger celle-ci à s'en dessaisir dans l'an et jour sous peine de commise. Cette disposition était d'ailleurs conforme à la règle coutumière qui obligeait les établissements de mainmorte à indemniser les seigneurs du préjudice que leur causait l'achat d'une terre féodale par une corporation au sein de laquelle ne se produisait aucune mutation donnant lieu à des droits fiscaux (Loysel, Instit. coutum., liv. 1, tit. 1, art. 57); mais la coutume du comté de Bourgogne, voulait quelque chose de plus: elle voulait sanctionner la prohibition faite aux religieux de transmettre des fiefs à leur communauté.

qu'elle ne reste un privilége pour personne. La seconde est qu'elle soit efficacement garantie. La troisième enfin est qu'elle s'applique à tout, sous la réserve, bien entendu, de ne point froisser les droits d'autrui et, par conséquent, qu'elle ne soit point concédée sur un point pour être retirée sur un autre. Or, sans propriété, il n'y a point de liberté. Sans le droit de disposer au profit de tous, même au profit de sa famille selon le cœur, quand on peut d'ailleurs disposer au profit de sa famille selon le sang, sans le droit de posséder en commun quand on peut posséder individuellement, il n'y a pas encore de liberté. Le libéralisme dont la loi s'enveloppe n'est alors qu'un voile trompeur qui ne parvient pas à déguiser la tyrannie. Il faut nettement dans ce cas confesser, avec l'ancien droit, que la société civile prend ses précautions contre la société religieuse, qu'elle la met en quarantaine et qu'elle ferme devant elle ses barrières. L'ancienne législation avait donc au moins le mérite de dire franchement qu'elle ne respectait pas sur ce point la liberté.

CHAPITRE II

MORTS CIVILS

Outre la profession religieuse, les jurisconsultes de l'ancien droit reconnaissaient deux autres causes de mort civile: l'expatriation et la condamnation judiciaire à certaines peines afflictives et infamantes.

En examinant la question de savoir comment les régnicoles perdaient leurs droits civils et en traitant des absents, j'ai déjà parlé de l'expatriation. Il convient pourtant de rappeler à cet égard la législation des ordonnances. Les lois romaines avaient placé l'abandon de la patrie parmi les causes qui entraînaient la media capitis deminutio.

L'exil volontaire, la transmigration produisait les mêmes effets, relativement à la vie civile, que la condamnation connue sous le nom d'interdictio aquæ et ignis. Louis XIV ressuscita en quelque sorte cette peine, dans son édit d'août 1669, contre les Français qui abandonnaient le royaume sans sa permission.

«... Nous aurions été informé, dit-il dans cet édit, que, pendant la licence des derniers temps, plusieurs de nos sujets, oubliant ce qu'ils doivent à leur naissance, ont passé dans les pays étrangers, y travaillent à tous les travaux du corps dont ils sont capables, même à la construction des vaisseaux, s'engagent dans les équipages maritimes, s'y habituent sans dessein de retour, y prennent leurs établissements par mariage et par acquisition de biens de toute nature et les servent utilement, contre ce qu'ils nous doivent et à leur patrie..... A ces causes, nous avons fait et faisons très-expresses inhibitions et défenses à tous nos sujets, de quelque qualité et condition qu'ils soient, de se retirer de notre royaume pour aller s'établir sans notre permission dans les pays étrangers..... à peine de confiscation de corps et de biens et d'être censés et réputés étrangers, sans qu'ils puissent être ci-après rétablis ni réhabilités. » La déclaration du 18 mai 1682 défendit à tous les gens de mer d'aller s'établir à l'étranger sous peine des galères perpétuelles. L'édit du 13 septembre 1699 prononça la même pénalité contre les protestants qui sortiraient du royaume sans l'autorisation souveraine, et rappela que leurs biens seraient confisqués. Il résultait de toutes ces ordonnances que l'expatriation ne produisait pas ipso facto la mort civile, puisque les fugitifs devaient être l'objet d'une sentence judiciaire. Par suite, elle était plutôt, malgré les termes de l'édit de 1669, la conséquence de la peine des galères ou de la réclusion perpétuelles prononcée contre les émigrants que celle de leur émigration même. Il est donc plus logique de dire que la mort

civile proprement dite ne résultait que de certaines condamnations judiciaires.

On réputait morts civilement :

1. Les condamnés à la mort naturelle par contumace, et ceux qui décédaient après cinq ans sans s'être représentés ou avoir été arrêtés. La mort civile produisait ses effets à leur égard à partir du jour de l'exécution du jugement de contumace (1).

2 Les condamnés aux galères perpétuelles (2).

3 Les bannis à perpétuité hors du royaume (3). La perpétuité et le bannissement hors des frontières françaises étaient deux conditions indispensables à l'existence de la mort civile. Si elles n'étaient pas réunies, celle-ci n'était pas encourue. Lorsque le condamné était seulement banni d'un lieu du ressort du tribunal ou à temps, il conservait ses droits. Nec enim quis ad certum tempus intelligitur mori (4). Les juges royaux avaient seuls le pouvoir de prononcer cette peine. Les juges seigneuriaux ne le possédaient pas, au moins dans le dernier état de l'ancienne jurisprudence.

4o Les condamnés à la prison ou à la chartre perpétuelle, peine fort peu usitée, si ce n'est à l'égard des ecclésiastiques, pour lesquelles elle est mentionnée par quelques coutumes, notamment par celle du Nivernais (5).

(1) Ord. de 1670, tit. 17, art. 29.

(2) Même art.

(3) Même art.

(4) Cependant la coutume d'Auvergne, tit. 29, art. 2, prononçait la confiscation des biens contre celui qui était banni à perpétuité, soit du royaume, soit du pays. Mais cette disposition était isolée.

(5) Ch. 11, des confiscations, art. 8. Coquille fait à ce sujet observer que la prison perpétuelle pouvait être prononcée non-seulement contre les clercs, mais aussi contre les laïques. V. en ce sens Févrét, Traité de l'abus, Bourjon, Droit commun de la France, et Legrand, sur la coutume de Troyes.

La servitude civile ou militaire, c'est-à-dire l'état de serf ou de prisonnier de guerre n'entraînait pas la mort civile. Le serf ou le captif perdait bien la liberté de fait, mais il conservait celle de droit, en ce sens qu'il pouvait faire les actes civils que son maître ne lui défendait pas.

La mort civile n'était encourue que par les individus condamnés judiciairement aux peines indiquées plus haut. L'exil et la rélégation prononcés par le roi seul, sans l'intervention d'une justice réglée, n'entraînaient ni déchéance ni incapacité. La sentence même d'un tribunal militaire, rendue contre un soldat pour délit exclusivement militaire, n'enlevait aucun droit au condamné qui mourait integri status et transmettait ses biens à ses parents (1).

La mort civile ne pouvait, en outre, résulter que d'une condamnation contradictoire. Quand cette condamnation intervenait, elle produisait ses effets à partir du juge-. ment définitif. Si au contraire l'arrêt était rendu par contumace, le condamné perdait, du jour de l'exécution par effigie, l'exercice de ses droits civils. Mais la perte de leur jouissance était suspendue pendant cinq ans. Mourait-il dans ce délai, ou obtenait-il après son décès, sur la demande de sa famille, des lettres de réhabilitation qui purgeaient sa mémoire? Il était réputé décédé integri status. Se représentait-il volontairement? Des lettres « d'ester en droit », accordées sur sa requête, le rétablissaient dans l'exercice de ses droits jusqu'à un nouveau jugement contradictoire. Mais était-il arrêté ? Il ne pouvait recevoir de lettres d'ester en droit », et l'effet de la première sen

(1) Pothier, Traité des personnes, part. I. sect. 2. - Cependant cette opinion était contredite par certaines jurisconsultes. tels que Basnage, sur l'art. 143 de la coutume de Normandie, et Davot, sur celle du duché de Bourgogne. L'art 6 de la déclaration du 17 janvier 1730 leva toute espèce de doute en ce qui concerne la désertion, punie de mort, et qui entraîna désormais la mort civile.

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