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le salut de son âme, le même service que s'il avait été leur abbé (1). Les trois églises de Baugé furent, peu de temps après, confirmées au même monastère par le pape Adrien IV, qui les énumère dans sa bulle-pancarte et privilége, datée de Saint-Jean de Latran, le 11 mars 1158 (2).

VIII. Vers la même époque, un chevalier, nommé Thomas, possédait deux terrains devant l'église du Vieil-Baugé : l'un dépendant du fief de Beaupreau, et l'autre de celui de Payen. Après beaucoup de prières et d'exhortations, le prieur Raoul de Thorigné, qui mettait tous ses soins à rendre son église florissante (3), obtient du chevalier la donation de ces terrains à Dieu, aux saints Serge et Bach et à saint Symphorien. Toutefois, le don ne fut pas complétement gratuit. Non content d'obtenir des prières pour le salut de son âme et de celle de sa femme Letice, Thomas exige encore un cens annuel de douze deniers. Faite dans le château de Baugé, près de la tour royale, sous l'ormeau de Payen Loel, alors présent et la confirmant, celte donation eut pour témoins: Mathieu de Baugé, Elie Liger, Meenet et Hugues de Villeguer. Elle fut ensuite renouvelée et confirmée plusieurs fois.

A quelques jours d'intervalle, Thomas, sa femme et leur fils Mathieu, se rendent en effet dans le cloître, situé devant l'église de Saint-Symphorien, où ils investissent des susdits objets le prieur Raoul. Ils entrent ensuite dans l'église, et, après avoir invoqué la sainte Trinité, ils offrent humblement ces terrains sur l'autel, embrassé par eux avec grande révérence, en y déposant un couteau qui avait appartenu à Hugues de la Chalerie. Etaient témoins le moine Guillaume de Saumur, compagnon du prieur, Geoffroy de Villeguer, Robert de Carcou, Geoffroy de Palé, Giroire et David son frère.

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Bientôt arrive à Villeguer, Lucie, dame de Beaupreau, dans le fief de laquelle était situé l'un des terrains. A cette nouvelle, Thomas monte à cheval, vient au prieuré, prend Raoul de Thorigné en croupe, et s'achemine avec lui vers la demeure de leur suzeraine (4). Quand le prieur et le chevalier se présentèrent devant elle et lui exposèrent respectueusement le but de leur visite, Lucie était accompagnée de sa mère Pétronille, du susdit Geoffroy de Villeguer, de Payen du Pin, d'Aimery Baraton et de Girard Griffier. Leur demande

(1) Coll. Housseau. Vol. 16.

(2) Mst. de Gaignières, p. 61.

(5) Tunc temporis obedientiæ illius, pro modulo suo, curam agentis. (4) Ambo super equum ipsius Thomæ properantes.

fut accordée aussitôt que faite, et l'église du Vieil-Baugé devint ainsi propriétaire des deux terrains que leur situation lui rendait si avantageux.

Montanie, sœur de Thomas, n'avait figuré dans aucun des actes qui précèdent. Aussitôt que la donation lui est connue, elle intente un procès au prieur. Raoul n'a cependant pas grand peine à établir l'injustice de sa réclamation. Il prouve en effet, en présence de son frère et de Geoffroy de Palé, que dame Montanie, lors de son mariage, a reçu toute la part à laquelle elle avait droit dans l'héritage paternel. La plaignante le reconnaît elle-même; et lorsque son frère part pour Angers, afin d'y rendre définitive la possession de ces terrains par l'abbaye de Saint-Serge, elle se joint à sa belle-sœur Létice, à son neveu Mathieu, pour dire à Thomas de les conférer aussi en son nom au monastère.

Cette dernière formalité eut lieu dans le chapitre. Les terrains, dont nous avons vu plus haut le prieur Raoul investi par un couteau, sont ici représentés par le marteau du chapitre, employé sans doute alors au même usage que la sonnette l'est aujourd'hui dans nos assemblées délibérantes. Le chevalier remet le marteau entre les mains de l'abbé Guillaume; puis l'ayant repris, il se rend dans l'église et le dépose sur le grand autel, en présence du prieur de Saint-Serge, nommé Rainaud Payen', et de tous les religieux.

Ce qui précède est traduit de la charte rédigée sans doute par le prieur du Vieil-Baugé, dont l'administration est appréciée en termes aussi modestes. Le texte de ce document nous a été conservé par Gaignières. Il ne porte pas de date, et la perte de l'original nous prive d'un caractère chronologique résultant de l'écriture elle-même. Néanmoins, deux circonstances autorisent à dire qu'il se rapporte à la période comprise entre 1155 et 1168. Guillaume Amaury, abbé de Saint-Serge, est mort en cette dernière année, le 16 octobre; et il n'y a pas lieu de croire que le donjon des comtes d'Anjou à Baugé ait pu être nommé la Tour-Royale, Turris Regia, avant que Henri II, fils de Geoffroy Plantagenet, ait été sacré, comme roi d'Angleterre, à Winchester, le 19 décembre 1154, et couronné à Londres, le 24 du même mois.

(La suite au prochain numéro).

LES REPRÉSENTANTS DU PEUPLE

EN MISSION

DANS LE DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE.

(1793-1794.) (1)

La Convention venait de décréter que le gouvernement provisoire de la France serait révolutionnaire jusqu'à la paix (décret du 10 octobre 1793). Cette déclaration ne changeait pas beaucoup l'état des choses: elle donnait seulement, suivant l'expression d'un éloquent historien, « le nom de loi à l'abolition des lois. » Déjà, en effet, au commencement de septembre, les armées révolutionnaires avaient été créées; la loi des suspects avait rempli les prisons; une plus terrible activité avait été donnée au tribunal révolutionnaire. Il fallait maintenant étendre sur tout le pays cette organisation de la terreur c'était l'objet du décret du 10 octobre. « Vous êtes trop » loin des attentats, disait Saint-Just dans son rapport; il faut que >> le glaive des lois se promène partout avec rapidité... Vous devez » diviser l'autorité, la multiplier, l'identifier au mouvement révolu» tionnaire. » C'était dire que désormais les départements allaient étre abandonnés à l'arbitraire absolu des commissaires de la Convention et des comités révolutionnaires. L'anarchie, qui devait naître d'un tel régime, entrait dans le plan de régénération sociale

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(1) Voir la livraison de juillet-août.

conçu par Saint-Just : « La liberté, disait-il, naît d'une salutaire anarchie, tandis que l'ordre absolu ramène l'esclavage. » A ce moment, en effet, il ne s'agissait plus de changer les formes politiques, d'essayer un système quelconque de gouvernement; il s'agissait de créer une société toute nouvelle, et pour cela d'exterminer d'abord la société ancienne.

Des commissaires nouveaux, plus actifs, plus énergiques, choisis dans les rangs des plus furieux montagnards, furent députés dans les départements pour inaugurer cette anarchie légale. Un décret du 13 octobre envoya dans l'Ouest les représentants Carrier et Francastel. Ce n'étaient plus les hommes du 10 août, c'étaient les hommes du 2 septembre, auxquels était livrée la France.

Débarrassée désormais de toutes les insurrections de la Normandie et du Midi, sauf Toulon, que ses troupes assiégeaient, la Convention voulait enfin à tout prix écraser la Vendée. On avait compris que la division dans le commandement, la rivalité des généraux et des armées, était un obstacle à la bonne direction de la guerre. Les deux armées de Nantes et de Saumur sont fondues en une seule qui prend le nom d'armée de l'Ouest; mais Canclaux, gentilhomme de naissance, et comme tel toujours suspect, est révoqué; et le commandement en chef de l'armée de l'Ouest est donné à Léchelle, sans-culotte irréprochable, mais « le plus lâche des soldats, dit Kléber, le plus mauvais des officiers, et le plus ignorant des chefs qu'on eût jamais vus. »

Les représentants Hentz et Prieur (de la Marne), envoyés extraordinairement près de lui par le Comité de salut public, annoncent ainsi son arrivée à l'armée : « Le souvenir des Lafayette, des Du» mouriez, des Custine, qui, pour mieux voiler leur trahison, ont » signalé les commencements de leur carrière par des victoires, » donne à la nation de justes inquiétudes sur les hommes d'une >> caste qui a soulevé l'Europe contre nous et qui grossit les batail» lons de nos ennemis. Il n'y en a plus à la tête de nos armées : >> Canclaux et Dubayet, ci-devant nobles, sont rappelés; Léchelle, » homme du peuple, ancien soldat, est votre général en chef.

» Soldats! un homme n'est rien, la République est tout. Vous » n'êtes pas l'armée d'un général, mais l'armée de la République : » vous n'appartenez à personne, vous n'obéissez qu'à la loi. Ce ne » sont pas les généraux qui jusqu'ici ont remporté des victoires; » c'est votre audace, c'est votre seule bravoure... (1) »

Heureusement pour la République, Kléber allait être appelé, par

(1) Guerres des Vendéens et des Chouans (par Julien Savary), t.

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la force même des choses, à exercer de fait le commandement en chef. Mais Kléber lui-même, comme Marceau, comme tous les officiers qui n'étaient pas sortis des bas-fonds du jacobinisme et qui essayaient de maintenir quelque discipline dans l'armée, étaient suspects de royalisme. Plus d'une fois ils allaient avoir à défendre leur épée et leur tête contre les brutales défiances des commissaires de la Convention. Jamais, sans doute, l'autorité des généraux n'avait été que nominale en présence de celle des représentants en mission près des armées; mais jusqu'alors, du moins, leur personne avait été protégée par une apparence de garantie et de légalité: ils ne pouvaient être mis en accusation que par la Convention elle-même. Cette dernière garantie, un décret du 24 octobre la fit disparaître. Le même jour, la Convention rapportait le décret qui ordonnait aux comités révolutionnaires de donner des motifs de l'arrestation des personnes suspectes.

Quant à la discipline, c'était là évidemment une institution de l'ancien régime, tout à fait incompatible avec le gouvernement révolutionnaire. « Ce fut, disait Saint-Just dans un de ses rapports, » une méthode tyrannique de la part de Custine, que de prétendre » discipliner l'armée en fusillant les soldats. Ce sont les chefs qu'il » faut discipliner, parce que tout mal résulte de l'abus du pouvoir. »> S'il faut admirer une chose, n'est-ce pas que les soldats de la République aient pu vaincre; qu'ils aient pu triompher à la fois et de la guerre extérieure et de la guerre civile, quand telles étaient les théories proclamées à la tribune par les hommes qui gouvernaient le pays, propagées dans les armées par les représentants en mission? Cependant de grands événements s'accomplissaient, vers la fin d'octobre 1793, dans la Haute-Vendée. Le 17, la bataille de Cholet avait été perdue par l'armée royaliste, qui, passant la Loire à Varades, commençait vers Laval et Granville cette marche désespérée dont chaque pas devait être marqué par de sanglants désastres. La période des succès était finie pour les Vendéens il s'en fallait de beaucoup que la guerre de la Vendée fût finie. Elle n'avait fait que changer de théâtre.

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Les rapports des représentants du peuple à la Convention se remplissent plus que jamais d'exagérations ridicules et d'odieux mensonges. « Une solitude profonde, écrivent-ils le 21 octobre, règne » actuellement dans le pays qu'occupaient les rebelles. On ferait beaucoup de chemin dans ces contrées avant de rencontrer un >> homme et une chaumière... Nous n'avons laissé derrière nous que » des cendres et des monceaux de cadavres. » Et voici comment ils s'expriment au sujet des cinq mille prisonniers grâciés à Saint-Flo

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