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l'édifice qui nous occupe, fournit quelques indications propres à diriger les recherches. Cet hôtel, dit-il, est en pierres de taille sur plusieurs desquelles sont les clefs et les armoiries de la ville. Nous avons vu que ce bâtiment n'a pu être élevé pour servir d'Hôtel-de-ville; mais puisque sur ses murailles étaient sculptées les clefs et les armoiries de la ville, n'aurait-il pu être construit pour un de ses maires?

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Nous lisons dans l'histoire de l'Anjou, au XVIIe siècle, par Roger, bénédictin : « Les maisons des particuliers d'Angers étaient presque >> toutes de bois et de terrasse; mais depuis environ deux siècles, » les bâtit en tuffeaux de pierre de taille; tels sont le logis Barrault » et le logis de Pincé. »

Dans quel quartier cet hôtel de Pincé était-il construit? Gilles Ménage nous l'apprend. Nous lisons dans la vie de Pierre Ayrault, écrite par ce docte Angevin (page 154) : « Jean de Lespine bâtit le » château du Verger, le clocher de la Trinité, la lanterne de Saint» Maurice et le logis de Pincé, paroisse de Saint-Maurille. » La rue du Figuier faisait partie de la paroisse de Saint-Maurille, et Jean de Lespine, élève de Philibert de Lorme, vivait sous le règne de François Ier.

Ces divers indices faisaient déjà présumer l'origine de l'hôtel de la rue du Figuier, lorsque la découverte d'un nouveau document vint dissiper tous les doutes. Etant allé visiter de nouveau ce charmant édifice, qu'on ne peut se lasser d'admirer, j'ai remarqué à l'extrémité d'un des pendentifs de la voûte du vestibule qui précède le grand escalier, un écusson sculpté sur la pierre et d'environ soixante centimètres de contour. Au centre est une étoile à six pointes, environnée de trois merlettes. Je me suis empressé de consulter l'Armorial des maires d'Angers, et je me suis assuré que ces armoiries sont exactement celles de la famille de Pincé. Placé dans un lieu peu apparent, cet écusson a échappé à l'effervescence populaire, qui, à l'époque orageuse de 1793, détruisit les signes nobiliaires qui avaient été sculptés sur la façade de l'édifice

Depuis la découverte des armoiries de la famille de Pincé dans l'hôtel de la rue du Figuier, le manuscrit de l'archiviste Audouys, trouvé dans la précieuse collection de M. Grille, a jeté un nouveau jour sur l'origine de ce bâtiment si digne de fixer l'attention. On lit dans ce manuscrit, intitulé Recherches historiques sur l'Anjou, page 241 «< Martin-Pierre de Pincé, sieur Dubois des Essarts, lieu» tenant de juge ordinaire d'Anjou, échevin perpétuel d'Angers en » 1505, puis maire en 1511. Ce fut lui qui fit bâtir en la rue du » Figuier l'hôtel que le vulgaire, mal instruit, prend pour avoir été

» l'ancienne demeure de nos derniers ducs d'Anjou. L'architecte, » qui le construisit, fut le fameux Jean de Lespine, constructeur du >> château du Verger, de la tour du clocher de la Trinité et de la tour » entre les clochers de Saint-Maurice. Comme maire et capitaine » général, il fut enterré militairement en l'église de Saint-Maurille, » lieu de la sépulture de la maison de Pincé. »

La famille de Pincé donna plusieurs maires à la ville d'Angers : Mathurin de Pincé, élu maire en 1494;

Pierre de Pincé, conseiller au parlement de Paris, conseiller d'Etat, ambassadeur à Constantinople, auteur de poésies latines et françaises, élu maire en 1511 et décédé la même année (1);

Jean de Pincé, fils du précédent, fut élu en 1511 et réélu en 1515; Hervé de Pincé, régent de l'Université d'Angers, conseiller du roi à la sénéchaussée d'Angers, élu maire en 1536;

Jean de Pincé, lieutenant général à la sénéchaussée, élu maire en 1538;

Christophe de Pincé, élu en 1539.

Au rapport de Péan de la Thuilerie, plusieurs tombeaux des Pincé avaient été placés dans l'église de Saint-Maurille et étaient décorés d'épitaphes honorables. Bruneau de Tartifume décrit la forme de ces monuments funèbres et des armoiries dont ils étaient revêtus : elles sont exactement semblables à celles qui se trouvent gravées sur les murs de l'hôtel du Figuier, que l'opinion publique, dans son admiration, a attribué aux ducs d'Anjou. Mais les documents irrécusables que nous avons produits, constatent la véritable origine de cet édifice, et en restituent l'honneur aux Pincé, à cette illustre famille, trop tôt oubliée, qui brilla dans les premiers rangs de la magistrature et de l'administration, et qui, dans moins d'un demisiècle, donna six maires à la ville d'Angers. Puisse cette notice la faire revivre dans les souvenirs d'un pays qu'elle a servi avec tant d'éclat!

(1) Bodin, 2me volume, p. 529; Recherches historiques sur l'Anjou.

VOLNEY ET SES ŒUVRES.

DEUXIÈME PARTIE (1).

Au mois de septembre 1791, Mirabeau était mort; la Constituante, décapitée par cette perte, traînait dans des débats convulsifs les derniers jours de sa vie; autour d'elle, le scandale impuni des pamphlets, le despotisme envahissant des clubs présageaient sous quel joug allait délibérer la Législative. Ainsi s'annonçait l'avenir de la Révolution, lorsque Volney publia un nouveau livre sous ce titre alors tristement de circonstance: Les Ruines. Chercher comment se fondent, montrer comment se détruisent ou se conservent les empires, voilà le formidable enchaînement de problêmes que l'auteur des Ruines avait entrepris de résoudre; il s'était en quelque sorte proposé de refaire le Discours sur l'histoire universelle au point de vue du XVIIIe siècle. Une pareille tentative jette trop de lumière et sur les idées générales de l'époque et sur les doctrines propres de l'écrivain; l'ouvrage qui en est sorti constitue d'ailleurs un monument trop important de la biographie et de la réputation de Volney, pour que nous n'essayions pas d'en donner une rapide esquisse et d'en apprécier les parties caractéristiques.

Nous éprouvons toutefois, il faut le dire, quelque embarras à commencer cette étude. Les Ruines ont joui et jouissent encore, auprès de bon nombre d'esprits, d'une sorte d'autorité traditionnelle; elles ont eu la singulière bonne fortune de ces écrits qu'on n'ouvre plus, mais qu'on exalte toujours sur parole, peut-être parce qu'on aime mieux les admirer que les lire. Il y a peu d'années, il eût été difficile d'en parler en toute liberté; mais aujourd'hui que le temps a montré les conséquences sociales des théories de Volney, il

(1) Voir la livraison de mai-juin.

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doit être permis de porter la main sur son œuvre et de la soumettre à une critique sans ménagement comme sans colère.

Les Ruines commencent par un tableau majestueux et dramatique dont l'auteur a emprunté l'idée aux souvenirs de son voyage d'Orient. Il se représente au milieu de débris d'édifices, assis sur une colonne abattue, et contemplant à la lueur mourante du jour, les lieux solitaires où s'éleva jadis Palmyre. Peu à peu, le calme du soir, le silence du désert, les vagues fantômes du crépuscule, la comparaison des temps passés et de l'état présent, le plongent dans une profonde rêverie: tout entier aux méditations que lui inspire ce spectacle de la mort, il évoque les ombres des grandes cités du monde antique, et la pensée de tant de villes, autrefois florissantes, maintenant détruites, le fait songer amèrement à l'instabilité des empires. Avons-nous besoin d'en dire plus, et ne reconnaît-on pas déjà le passage dont la sévère mélancolie a décidé le succès des Ruines? « Où sont-ils ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, » ces palais de Persépolis, ces temples de Balbeck et de Jésusalem, » etc., etc. »

Tout à coup un bruit étrange vient tirer le philosophe de sa rêverie, le bruit d'une marche lente sur les herbes desséchées. Il lève les yeux un fantôme se dresse devant lui. Apparition surprenante, il faut en convenir, pour un ennemi du surnaturel. Du reste le fantôme de Volney est un fantôme bien appris, qui connaît son Saint-Lambert, et qui vient, comme il le dit élégamment, rẻvéler au voyageur : « l'art délicat et profond de procurer à l'homme les vraies jouissances, et d'asseoir sur des bases solides sa félicité. »

Ce début promet tout un exposé sensualiste, et, en effet, nous voyons successivement défiler les doctrines courantes du XVIIIe siècle, quand le génie aborde l'explication de l'origine et du mouvement des sociétés. Rien n'y manque, ni l'inévitable contrat social, ni l'invention humaine de l'autorité, ni la peinture d'un prétendu état primitif où chacun vivait libre, content, propriétaire, et, pour comble de bonheur, dégagé de toute idée de religion. Le monde eût conservé à jamais cette félicité parfaite, si l'astuce des prêtres n'eût un jour imaginé Dieu par spéculation. Dès lors, l'homme tomba, paraît-il, au dernier degré d'abrutissement et d'inertie. Nous citons Volney : « On le vit prendre ses plaisirs pour des crimes, >> ses souffrances pour des expiations; il voulut aimer la douleur, » abjurer l'amour de soi-même. » Monstrueux renversement des lois de la nature! Le génie s'en indigne avec toute la sainte colère d'un disciple d'Helvétius.

Il est vrai que les peuples, sentant leurs désirs trompés ici-bas, se

réfugièrent dans la croyance de l'immortalité de l'âme; mais cette croyance, que Volney veut bien appeler une douce illusion, enfanta, suivant lui, de nouveaux désastres.

«<< Epris d'un monde imaginaire, l'homme méprisa celui de la na» ture...... La vie ne fut plus à ses yeux qu'un voyage fatigant, qu'un songe pénible; son corps, qu'une prison, et la terre un lieu » d'exil et de pélerinage qu'il ne daigna plus cultiver. »

>>

Tel est, si l'on croit l'auteur des Ruines, le résultat final des doctrines spiritualistes, et la triste situation qu'elles ont faite à l'humanité. Maintenant l'humanité sortira-t-elle de ses entraves, s'ouvrira-t-elle la voie du perfectionnement? Volney l'affirme; et, par un singulier oubli, après avoir placé l'âge d'or au début des sociétés, il vient proclamer hardiment le principe contradictoire de la fatalité du progrès.

Suit le tableau des merveilleux résultats que l'avenir réserve à notre monde perfectionné. Il est impossible de mieux préciser en quelques lignes le programme moral de toute l'école utilitaire. Franklin, Bentham, Destutt de Tracy n'ont jamais parlé avec plus de franchise et de netteté; écoutons: « Les hommes deviendront sages » et bons parce qu'il est de leur intérêt de l'être... Ils sentiront qu'ils >> doivent être modérés et justes, parce que là est l'avantage et la » sûreté de chacun; que vouloir jouir aux dépens d'autrui est un » faux calcul d'ignorance, parce que de là résultent des représailles, >> des haines, des vengeances, et que l'improbité est l'effet constant » de la sottise. »

L'avènement d'une si heureuse sagesse ne peut manquer de faire disparaître la barbarie des vieilles coutumes. D'abord, grâce au progrès, suppression totale de la guerre. Le positivisme de Volney est d'accord sur ce point avec les sentimentales utopies de l'abbé de Saint-Pierre. Pour le naïf académicien, la guerre c'était le meurtre en masse; pour notre philosophe, c'est de plus une absurdité improductive et dispendieuse. Tous deux la repoussent avec une égale horreur, et caressent complaissamment l'idée d'un conseil amphyctionique dénouant à l'amiable les conflits européens; mais tous deux, il faut le dire, ont à peine effleuré la surface du formidable problême. Malgré leurs arguments, nous nous demandons encore si ce fait universel de la guerre n'est pas une terrible nécessité, parfois même un remède héroïque dans la vie des nations; si l'évanouissement des instincts belliqueux d'un peuple n'est pas, plutôt que le signe de son progrès, le symptôme fatal de sa décadence?

et

Cependant Volney trouve un obstacle à ses rêves de paix générale;

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