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QUIBERON.

L'ILE-DIEU. LE COMTE D'ARTOIS.

1795.

La situation des esprits en France avait fait penser aux chefs de l'émigration, que le moment était venu de frapper avec énergie, et de seconder les mouvemens de l'intérieur. On a vu que le comte d'Artois, dans son voyage de Russie, avait reçu la promesse d'un secours de 30,000 Russes, que l'on transporterait sur les côtes de la Bretagne et de la Normandie, pour opérer, à l'aide des Vendéens et des chouans sous les ordres de M. de Puisaye et de Charrette, une diversion sur la capitale. Le cabinet anglais, craignant de ne point obtenir l'assentiment du parlement pour les subsides, avait renoncé à un si coûteux transport de troupes étrangères. On arrêta seulement qu'une flotte anglaise réunirait les régimens émigrés au ser

vice d'Angleterre, ainsi que quelques troupes anglaises, et qu'on les débarquerait sur les côtes de Normandie et de Bretagne, où 50 ou 60,000 Vendéens devaient les joindre. Pour donner plus d'importance et d'efficacité à cette expédition, les princes français devaient se mettre à la tête des corps de débarquement. On le proposa à M. le comte d'Artois, qui accepta.

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D'après les renseignemens fournis par M. de Puisaye, rien n'était facile comme le succès de cette expédition. La Bretagne, où l'on devait d'abord marcher, avait reçu une forte organisation royaliste. A la tête de l'administration se trouvait un conseil général de Bretagne, dont la juridiction se divisait en quatre arrondissemens : le Morbihan, l'Ille-et-Vilaine, les Côtes-du-Nord et le Finistère. Ces quatre arrondissemens formaient quatre armées, sous les ordres de Georges Cadoudal, de Puisaye, de Stofflet et de Scepeaux. Elles se subdivisaient en compagnies de paroisse et de canton, chacune sous un chef militaire. Ces mêmes divisions se produisaient pour l'organisation civile, qui obéissait au conseil-général, composé de treize membres. Un système d'étroite

surveillance répondait de la fidélité des engagemens. La Vendée, la Normandie, avaient également reçu leur organisation. Les royalistes n'avaient oublié qu'une chose, c'est qu'ils avaient devant eux l'armée républicaine, et ce jeune général Hoche, auquel tant d'espérances étaient attachées!

Le comte de Puisaye avait rédigé avec beaucoup de soins une proclamation au nom du jeune roi Louis XVII. C'était toujours ce ton d'indulgente pitié pour une révolution en tous points victorieuse. Joseph, comte de Puisaye, lieutenant-général des armées du roi, commandant de l'armée catholique et royale, y disait qu'il venait contre cette faction parricide qui, depuis cinq ans, avait causé tant de malheurs. «S'il est vrai, continuait le comte, que l'esprit de modération et de justice guide ceux qui s'intitulent les représentans, pourquoi n'ont-ils pas rappelé dans le sein de leur famille, et rétabli dans la possession de leurs droits et de leurs biens ceux que la tyrannie a forcés de fuir? Pourquoi cet intéressant et auguste rejeton de tant de rois, le fils du malheureux monarque n'est-il pas rendu au trône de ses pères, et environné de ses gardes et conseils naturels? Pourquoi

cette religion sainte, qui depuis quatorze siècles a fait le bonheur et la consolation du peuple, n'est-elle pas rétablie dans la pleine liberté de son culte, et l'exercice public de ses ministres ! >>

Le but de l'expédition de Quiberon était donc déterminé c'était un lieutenant-général des armées du roi, commandant de l'armée catholique et royale, qui venait pour rétablir les émigrés dans leurs droits et biens, restituer le trône à Louis XVII, et à la religion catholique toute sa puissance. Cette expédition ne pouvait réussir; elle devait trouver trop d'obstacles. Aucune concession n'était faite à la marche des temps; c'était la contre-révolution pleine et entière.

Le premier débarquement fut malheureux pour les royalistes, refoulés vers la mer par les républicains, et c'est au bruit du canon retentissant sur la presqu'île, au moment où l'on apprenait la mort du roi enfant, et la proclamation de Louis XVII, que M. le comte d'Artois arriva à l'Ile-Dieu.

Son Altesse Royale, en s'embarquant à Douvres, avait pris l'engagement de descendre en Bretagne, pour se mettre à la tête du mouve

ment royaliste. On comptait en effet beaucoup sur la présence d'un prince de la famille des Bourbons, pour électriser les populations dévouées. Le comte d'Artois s'était hautement vanté, dans les salons de Londres, qu'il marcherait sur Paris, avec ses fidèles Vendéens et Bretons.

Dès qu'on sut dans le conseil-général de Bretagne et de la Vendée l'arrivée de M. le comte d'Artois à l'Ile-Dieu, on se hâta de lui députer M. de Vauban, l'un de ses membres, et qui avait le titre de maréchal-des-logisgénéral de l'armée catholique et royale. M. de Vauban avait long-temps compté parmi les officiers de Son Altesse Royale; il était porteur d'un arrêté ainsi conçu : « Le conseil-général civil et militaire des armées catholiques et royales de la Bretagne, arrête : M. le comte de Vauban, maréchal-des-logis de l'armée, sera envoyé auprès de M. le comte d'Artois, pour lui donner les renseignemens qu'il pourra désirer sur la situation du royaume.» M. de Vauban se rendit en effet auprès de Son Altesse Royale. Il était tard le premier jour, et il ne put s'entretenir avec elle que des objets vagues et généraux de sa mission. On lui demanda quelles étaient les forces des royalistes. On

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