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LES ROYALISTES

APRÈS LE 9 THERMIDOR.

1794-1796.

Le régime de la constitution de 1793 avait si violemment tendu les ressorts, si effroyablement mis en jeu la machine du gouvernement, qu'après la chute de Robespierre une réaction vive et caractérisée se manifesta contre la république. La révolution faite au sein de la convention nationale et des comités n'avait rien de royaliste; les hommes qui l'avaient tentée avaient donné des gages sanglans à la terreur; tous étaient régicides; mais ceux qui font un mouvement n'en prévoient jamais la portée, il entraîne toujours au-delà du but qu'on se propose : le 9 thermidor ouvrit la porte aux plus effrayantes réactions : la convention, les autorités constituées, tout fut poussé par les flots de l'opinion publique.

Après le 9 thermidor, le royalisme fut une mode. Les jeunes gens de Paris et des provinces n'osaient point ouvertement porter la cocarde blanche; mais des signes les distinguaient les cadenettes, les habits à collets longs et rabattus, le nom de muscadin, les séparaient des républicains, qu'ils ne désignaient plus que par l'épithète de terroristes. Aux théâtres, au Palais-Royal, on poursuivait les patriotes des cris de proscription et de l'air du Réveil du peuple. Il y avait chaque jour des combats sanglans entre les jacobins et les jeunes gens de bonne compagnie. Dans les réunions, dans les bals, les dames n'accueillaient que ceux qui avaient cassé au moins un bambou sur les épaules d'un patriote ou d'un conventionnel.

Partout, dans le midi, s'étaient organisées des bandes furieuses qui, sous le nom de Compagnie de Jésus ou du Soleil, massacraient les républicains et jusqu'aux défenseurs de la patrie. Avignon avait vu se renouveler ses glacières, Marseille était témoin d'un nouveau 2 septembre, dans le fort Saint-Jean; Fréron, Coudroi, Durand-Maillane, avaient enflammé de l'esprit d'une cruelle réaction toute la jeu

nesse méridionale. Chaque jour la convention écoutait en frémissant le récit de quelque nouveau massacre, non plus au profit de son pouvoir, comme les mitraillades de Lyon, de Toulon, mais pour le triomphe de la cause royaliste.

La convention avait été forcée, par l'opinion publique, de rappeler par un décret général les proscrits du 31 mai, journée fatale à la Gironde; la porte était ainsi ouverte à l'émigration. Sous le prétexte qu'ils étaient victimes de cette proscription républicaine, une multitude de royalistes étaient rentrés en France, et s'étaient fait rayer de la liste des émigrés : l'un prenait un état manuel pour mieux cacher son origine, l'autre cherchait à se pousser dans l'administration publique. Ainsi, le régent alors à Vérone, le comte d'Artois, le prince de Condé, avaient des amis dans les districts de département et dans le sein même de la

convention.

Les assemblées primaires s'étaient réunies pour l'acceptation de la constitution de l'an 11. L'esprit public s'y manifestait contre la convention, et en faveur du royalisme. La section Lepelletier, qui menait toutes les autres,

voyait chaque jour des orateurs exciter les citoyens à prendre les armes; la garde nationale de chaque section était parfaitement disposée à soutenir ce mouvement. MM. RicherSérisy, Lacretelle, en étaient les orateurs; on suivait leur impulsion de guerre contre la convention nationale. Le prétexte portait bien sur des griefs constitutionnels; mais le fond de tout le mouvement était royaliste. Derrière les droits de la souveraineté du peuple que l'on défendait, se montraient le prétendant, sa cour et ses agens. C'était l'esprit de l'époque.

Il n'y avait qu'un grand mouvement qui pût délivrer la convention, ou faire triompher la cause royaliste; il fut tenté le 13 vendémiaire. Que serait-il arrivé si la restauration s'était opérée à cette époque? elle n'aurait pas duré trois mois. L'émigration, encore toute fraîche, serait arrivée avec ses prétentions et ses préjugés vivaces. La révolution, que le régime de l'empire n'avait point encore assouplie, aurait opposé son énergie et ses forces; et, dans une crise nouvelle, la famille des Bourbons, peut-être tout entière, aurait disparu. Le royalisme de 1795 était plutôt la haine du régime de la terreur, qu'un enthousiasme et

un dévouement pour la famille déchue. Et, si dans les temps paisibles de la première restauration de 1814, les Bourbons commirent tant de fautes, quelles plus grandes leur étaient réservées, à une époque où la république avait conservé tous ses mâles caractères!

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