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Pas un mot sur les garanties politiques, ou sur les droits du peuple, sur les progrès de la société. Ce fut alors que s'introduisit dans le camp de M. le prince de Condé ce principe, qui est devenu la base du droit public des Bourbons: qu'un roi peut être captif, quoique libre au milieu de ses sujets, et qu'il y a d'autres juges que lui-même pour apprécier le degré d'indépendance de ses actes. Selon les émigrés Louis xvi n'était pas libre depuis la déclaration du 23 juin, et voilà pourquoi les princes eux-mêmes s'étaient débarrassés de l'obéissance. Le roi leur prescrivait certains devoirs; ils répondaient que le roi était captif et continuaient à mépriser ses ordres. Le roi leur écrivait que l'émigration compromettait ses intérêts, exposait sa tête, et ils répondaient encore qu'ils ne reconnaissaient pas des lettres, pourtant écrites de sa main et revêtues de sa signature, parce qu'il était sous le joug des factieux. Singulier raisonnement qui faisait du dévouement une faculté capricieuse, et laissait aux passions et aux intérêts le soin de déterminer le caractère et le degré de l'obéissance!

N'avons-nous pas vu ces traditions commodes, conservées lors de la restauration, et

révolution de France. Dans un mémoire publié à Turin le 30 octobre 1789, c'est-à-dire trois mois à peine après le départ du comte d'Artois, on posait au roi de Sardaigne les questions suivantes : << Ne serait-il pas urgent que M. le comte d'Artois envoyât en Espagne quelqu'un de sûr, pour lui mander l'état actuel du royaume, et ce qu'on y pense des troubles de la France? Quelles sont ses dispositions, les personnes en crédit? Le roi de Sardaigne a paru penser que le gouvernement prussien serait disposé à soutenir notre cause. Il serait convenable que le roi se chargeât lui-même de faire quelque communication à cette cour. Le roi penserait-il qu'il y ait de l'inconvénient que le comte d'Artois écrivît à M. le comte d'Escars, qui lui est attaché, et qui se trouve à Vienne, de sonder les dispositions de l'empereur?»

Un peu plus tard, l'émigration montrait plus explicitement ses vœux pour une invasion étrangère. « La honteuse défection d'une partie des troupes françaises, disait l'auteur d'un mémoire soumis au comte d'Artois, ne paraît pour le moment laisser aucun moyen à prendre dans le sein de la France. Il faut donc le chercher dans les puissances étrangères. On pense qu'il

est urgent de tâter les dispositions de l'empereur, des rois d'Espagne et de Sardaigne. On pense même que, s'il fallait quelques sacrifices pour les déterminer, la position de la France ne permet pas d'hésiter à les laisser entrevoir. Serait-il donc si onéreux pour la France de lui faire acheter son salut par l'abandon de quelqu'une de ses colonies? Et faire entendre à l'Espagne, par exemple, que si la chose réussissait, les princes s'emploieraient à lui faire céder la partie française de Saint-Domingue, ou quelque autre possession française à la convenance de l'Espagne. Voyons quel intérêt pourrait tenter la cour de Sardaigne. On n'en a pas de plus propre à la déterminer que de lui faire entrevoir la cession de la Bresse, petite province détachée de la Savoie, seulement au commencement du dernier siècle. » L'auteur du mémoire hésite à abandonner l'Alsace et la Lorraine à l'empereur. On se bornera donc à lui demander de faire avancer un corps d'armée vers les Pays-Bas. Si l'Espagne fournit des subsides, on ne doute pas qu'on ne puisse lever beaucoup de monde en Suisse et dans les petites principautés de l'Allemagne. Alors les troupes espagnoles s'avanceront par les Pyré

les vieux débris de l'émigration conspirer tout haut contre Louis xvIII, parce qu'ils n'aimaient pas le ministre de ses affections, et que le roi essayait de marcher dans des voies raisonnables!

LA COALITION.

1792-1793.

Les émigrés virent bien, dès leur première réunion, qu'il était un peu difficile de conquérir la France, et de soumettre au joug monarchique cette poignée de factieux, comme ils disaient dans leurs manifestes. C'est encore un travers royaliste, de ne considérer les grands changemens de besoins, d'intérêts et d'opinions chez un peuple, que comme le résultat des complots de quelques hommes pervers. Partant de cette donnée fausse, ils se sont brisés contre la France rajeunie.

La pensée de recourir à l'intervention étrangère fut contemporaine des premiers jours de l'émigration. Le comte d'Artois était à peine à la cour du roi de Sardaigne, que déjà ses démarches tendaient à armer l'Europe contre la

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