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voulaient. Le czar était poursuivi par un sombrepressentiment. Il avait conservé de Napoléon une idée de grandeur et le souvenir des entrevues de Tilsit et d'Erfurth. Il se croyait prédestiné à ne lui survivre que peu de temps. Des prédictions effrayaient son faible esprit; et pour ceux qui vécurent alors dans son intimité, il fut démontré que le zcar avait des momens où sa raison n'était pas entière.

LE SÉNAT CONSERVATEUR.

1er AVRIL 1814,

La déclaration de l'empereur Alexandre reconnaissait les droits qu'avait le sénat de proclamer les intentions du peuple français sur la forme de son gouvernement, ce qui entrait dans le plan de M. de Talleyrand et de ses amis. Ils savaient que dès qu'il y aurait un gouvernement organisé en dehors du pouvoir impérial, toutes les autorités secondaires viendraient s'y grouper, et que la restauration s'opérerait sans crise et par le seul mouvement d'obéissance imprimé depuis quinze années à tous les corps administratifs. Le prétexte de M. de Talleyrand était, surtout, de donner à la restauration une origine nationale, et d'en faire comme l'expression d'un vou public, en même temps qu'il remplissait les intentions de Louis XVIII, qui, dans sa proclamation du mois de janvier 1814, avait

appelé le sénat à détruire le gouvernement de Bonaparte.

Les sénateurs n'étaient point alors tous à Paris. Depuis le mois de janvier, un grand nombre avait été envoyé en mission pour organiser la résistance dans les départemens, et, sous le titre de commissaires extraordinaires, ils avaient donné l'impulsion à toutes les forces nationales. D'autres, en leur qualité de grands dignitaires, avaient suivi l'impératrice Marie-Louise à Blois. Il ne restait que 80 ou 100 membres tout au plus, sur lesquels M. de Talleyrand devait agir.

On a déjà dit quelles étaient les différentes nuances qui composaient le sénat. Dès le mois de janvier 1814, l'opposition, qui, en 1810, n'allait pas au-delà de MM. Lanjuinais, Lambrechts, Grégoire, Garat, Destutt de Tracy, s'était grossie d'une vingtaine de membres. Mais cette opposition était toute républicaine, ou pour une monarchie, tellement pondérée, tellement libre, que le monarque, sous un titre héréditaire, ne fût, dans le fait, qu'un président de république. Quant à la majorité du sénat, elle était dévouée à la dynastie de Napoléon.

M. de Talleyrand devait procéder avec me

sure, pour ne point s'aliéner les diverses nuances du sénat. S'il avait de prime-abord annoncé son arrière-pensée, ses plans concertés avec ses amis, il aurait trouvé de la résistance dans les sénateurs dévoués soit à la famille impériale, soit aux idées républicaines. Il fallait d'abord se réunir autour d'une de ces mesures essentiellement provisoires, qui ne pouvaient effaroucher personne, qui ne blessaient aucune opinion, et laissaient toutes les espérances dans leur activité. MM. de Dalberg et de Talleyrand convinrent donc de proposer au sénat une commission prise dans son sein, ou parmi des hommes dont les noms pourraient répondre à toutes les éventualités de la situation politique. Le 31 mars au soir, la liste en fut arrêtée dans le cabinet de M. de Talleyrand, qui en retint la présidence. Elle fut d'abord composée de MM. le duc de Dalberg, le comte de Jaucourt et l'abbé de Montesquiou. Tous avaient joué, comme on l'a vu, un rôle plus ou moins actif dans le mouvement politique. Au dernier moment, on y ajouta le général comte de Beurnonville, parce qu'il fallait un militaire dans le gouvernement provisoire; le comte de Beurnonville devait plaire à toutes les opinions du

sénat; officier de l'ancien régime, général sous la république, ami de Carnot et des républicains, il offrait des garanties à tous les partis.

er

Le lendemain les sénateurs reçurent une lettre de convocation pour se réunir en séance extraordinaire, sous la présidence du prince. vice-grand- électeur; toutes les formules de l'empire étaient ainsi exactement observées : c'était le 1 avril, à deux heures et demie. Le sénat, au nombre de 65 membres, s'était rendu à cette convocation, en costume. M. de Talleyrand avait passé toute la matinée à envoyer des exprès chez tous les sénateurs, pour les engager à venir à cette séance; quelques uns refusèrent par dévouement, d'autres se cachèrent on fut plus de trois heures avant de découvrir et entraîner M. de Pastoret: la séance ne s'ouvrit qu'à trois heures. M. de Talleyrand prit ainsi la parole:

Sénateurs, la lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser à chacun de vous, pour vous prévenir de cette convocation, leur en fait connaître l'objet. Il s'agit de vous transmettre des propositions; ce mot seul suffit pour vous indiquer la liberté que chacun de vous doit apporter dans cette assemblée.

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