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LE 12 MARS A BORDEAUX.

1814.

M. le duc d'Angoulême avait joint le quartiergénéral du duc de Wellington à Saint-Jean-deLuz. Ainsi qu'on l'a dit, le commandant en chef de l'armée anglaise lui avait signifié qu'il eût à se retirer sur les derrières, afin de ne pas compromettre les négociations entamées à Châtillon. Le comte Etienne de Damas, le comte d'Escars et le duc de Guiche, qui avaient suivi S. A. R., n'avaient pas pu prendre rang dans l'armée anglo-espagnole. Quelques jours après son arrivée, le duc d'Angoulême avait adressé aux soldats du duc de Dalmatie la proclamation suivante: «< Soldats! j'arrive, je suis en France, dans cette France qui m'est si chère. Je viens briser vos fers; je viens déployer le drapeau blanc, le drapeau sans tache. Ralliez-vous autour de lui, braves Français, marchons tous

ensemble au renversement de la tyrannie. Généraux, officiers, soldats qui vous rangerez sous l'antique bannière des lys, au nom du roi mon oncle, qui m'a chargé de faire connaître ses intentions paternelles; je vous garantis vos grades, vos traitemens et des récompenses proportionnées à la fidélité de vos services. Soldats, mon espoir ne sera point trompé, je suis le fils de vos rois, et vous êtes Français !

Cette proclamation était destinée à diviser l'armée française, à démoraliser ses forces. Aussi l'habile et vaillant capitaine qui résistait avec tant d'énergie à l'invasion d'une armée trois fois plus nombreuse que la sienne, s'empressa-t-il d'y répondre par un ordre du jour :

<< Soldats! le général qui commande l'armée contre laquelle nous nous battons tous les jours a eu l'impudeur de vous provoquer et de provoquer vos compatriotes à la révolte et à la sédition. Il parle de paix, et les brandons de la discorde sont à sa suite. Il parle de paix, et il excite les Français à la guerre civile. Grâces lui soient rendues de nous avoir fait connaître luimême ses projets! Dès ce moment, nos forces sont centuplées, et dès ce moment aussi il rallie lui-même aux aigles impériales ceux qui, séduits

par de trompeuses apparences, avaient pu croire qu'ils faisaient la guerre avec loyauté. Aux armes! que dans tout le midi de l'empire ce cri retentisse! Combattons jusqu'au dernier les ennemis de notre auguste empereur et de notre chère France. Guerre à mort à ceux qui tenteraient de nous diviser pour nous détruire! Contemplons les efforts prodigieux de notre grand empereur et ses victoires signalées. Soyons toujours dignes de lui; soyons français, et mourons les armes à la main plutôt que de survivre à notre déshonneur!

» Du quartier-général, le 8 mars 1814. »

Le duc de Dalmatie cherchait ainsi à faire croire que la proclamation du duc d'Angoulême était l'œuvre du général en chef de l'armée anglaise, et qu'elle était destinée à affaiblir encore les forces qui lui étaient opposées. S. A. R. était tellement dégoûtée du peu d'attention qu'on portait à sa personne, du peu de souvenirs qu'elle réveillait dans les provinces françaises des Pyrénées, qu'elle était résolue d'abandonner le continent pour retourner en Angleterre, lorsqu'arriva au quartier-général de Saint-Jean-de-Luz, le marquis de Larochejaquelein. Il se disait député de Bordeaux,

et venait faire connaître au prince et au général en chef l'état des esprits dans cette ville, et l'existence d'un comité royaliste en faveur de la maison de Bourbon.

Depuis quelques années, il s'était formé à Bordeaux une petite association royaliste bien secrète et bien innocente, sous la conduite de M. Taffard de Saint-Germain, qui prenait pour quelques amis le titre de commissaire de Louis XVIII. Cette association s'était recrutée de quelques gentilshommes du Médoc, sous l'influence de M. de Larochejaquelein et de Mme la marquise Donissan. On faisait de l'opposition obligée contre tous les actes de l'empire. On accueillait avec une bienveillance particulière les prisonniers espagnols qui avaient combattu pour Dieu et le roi. On lisait en secret les bulles d'excommunication contre l'usurpateur. M. le chevalier de Gombault conduisait une association religieuse, sorte de congrégation politique. Tout cela se liait à une vieille pensée d'insurrection dans la Vendée et la Guyenne, sous les ordres du marquis de Larochejaquelein. Mais ce n'était encore que des projets conçus et morts dans les épanchemens d'une partie de wisk. En attendant, on favorisait

les conscrits réfractaires; on les cachait contre les poursuites des préfets de Napoléon.

Lorsque les épouvantables désastres des campagnes de 1812 et 1813 eurent affaibli le pouvoir de l'empereur, Bordeaux devint le centre d'une opposition plus saillante et plus ou

verte.

M. Lainé, proscrit pour son rapport courageux au corps législatif, s'y était retiré. M. de Sèze y entretenait une correspondance active. M. Lynch, maire de Bordeaux, était passé sals transition de l'admiration pour le grand homme à des sentimens bien opposés. Autour de ces chefs, se groupait la jeunesse élégante et tapageuse, nouvellement échappée à la conscription et aux gardes-d'honneur. On cherchait des duels avec les officiers des troupes de ligne, dévoués à l'empereur. C'était une mode que l'opposition au gouvernement impérial.

Lorsque l'armée du duc de Wellington arrivait à Bayonne, M. de Larochejaquelein s'ouvrit en confidence à M. Lynch sur ses espérances pour le retour des Bourbons. Le maire de Bordeaux reçut cette nouvelle avec empressement. «< Mon ami, lui dit-il, vous n'avez pas de partisan plus dévoué; c'est moi, c'est le maire

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