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était un désordre. On marchait par soubresauts, par concessions, par coups d'état. A l'esprit philosophique on opposait la censure; mais la censure aux mains de M. de Malesherbes propageait les livres lacérés par le parlement. Des ouvrages aujourd'hui presque oubliés, le Système de la Nature du baron d'Holbach, les impiétés de Boulanger, Diderot, Voltaire, prenaient place à côté des contes libertins de Crébillon fils et de l'abbé de Voisenon.

L'état se défendait par la police. C'était un petit luxe de surveillance, et les bulletins de M. de Sartine allaient égayer le cabinet secret; mais les bastilles, les îles de Sainte-Marguerite, les lettres de cachet ou d'exil ne pouvaient pas lutter contre des faits qui dominaient la société. On avait besoin d'argent, et l'argent ne se donnait qu'à de certaines conditions. Le clergé dissolu, en faisant des dons volontaires, gourmandait la faiblesse du gouvernement pour les protestans; les pays d'états demandaient des garanties; le Languedoc, la Bretagne ne voulaient livrer leurs dons qu'avec des promesses d'immunités; le parlement rejetait les édits bursaux; les financiers ne prêtaient plus qu'à des taux usuraires, et l'on con

tinuait les prodigalités aux favoris, le livre rouge s'emplissait chaque jour de nouveaux dons.

Des principes nouveaux étaient jetés dans le public: la guerre d'Amérique avait fait germer dans de jeunes têtes nobilières des idées de république, de liberté anglaise; on s'occupait de réformes, de constitutions. Rien n'était plus singulier que l'esprit de la nation française lorsque la révolution éclata : tout était contradiction, la constitution et les faits; la religion et les mœurs, les rangs et la fortune, le pouvoir et les lumières; tout cela, pourtant, marchait encore et suivait son allure. C'est ce chaos qu'on appelle l'ancien régime, et qu'on a vu regretté par la restauration.

LA COUR.

1788.

La plupart des personnages de cour, qui ont figuré dans les deux restaurations, ont formé leur éducation et commencé leur vie sous le règne de Louis XVI. Cette première partie de leur carrière a dominé la seconde; ils ont rapporté, en 1814, les impressions de leur jeunesse, ces habitudes qu'ils avaient contractées dans la vieille cour. C'est là une des causes. les plus actives de la décadence des Bourbons.

Le grand dauphin laissa trois fils, dont luimême avait soigné l'éducation. L'aîné, d'abord duc de Berri, prit la couronne sous le nom de Louis xvi; le second eut le titre de MoNSIEUR, comte de Provence; le troisième, celui de comte d'Artois.

L'esprit d'enseignement de la famille royale avait pris, depuis Louis xiv, un caractère uni

forme quelques notions des sciences exactes, une connaissance superficielle de l'histoire, dirigée dans le sens du catholicisme et de la prérogative royale, et par-dessus tout, la haine contre les innovations de la politique et de la philosophie. L'éducation des princes tendait à leur inculquer l'idée du pouvoir divin de la royauté, et à leur enseigner l'obéissance absolue qu'ils devaient à l'aîné, appelé à la couronne et devenu en quelque sorte leur tuteur.

MONSIEUR, comte de Provence, s'était fait remarquer par une certaine application littéraire, non pas sérieuse et classique encore comme elle l'est devenue depuis, mais par cette littérature d'école et de boudoir, assez commune au règne de Louis xvI. On citait M. de Provence comme un bel esprit du temps: il faisait le madrigal avec assez de grâce; ramassait-il un mouchoir, envoyait-il un bouquet? aussitôt de petits vers, qu'on trouvait adorables, étaient improvisés par MonSIEUR; il charmait la cour et était les délices de la province. Dans un voyage qu'il fit en Provence, les dames se l'arrachaient, comme il le dit lui-même, tant la grâce de son menuet avait séduit les coeurs. MONSIEUR vivait au

Luxembourg, son apanage, dans une espèce de retraite favorable aux muses; il ne dédaignait pas d'associer sa plume à celle de ses courtisans littéraires. Pour un petit nombre d'amis, il ne désavouait pas la paternité de l'opéra de Panurge. On disait que les amours étaient impuissans auprès de MONSIEUR, et cette triste réputation qui se répand si vite parmi les femmes, était entretenue par le caquetage de Mme de Balbi, son amie, qui, par son titre auprès de la comtesse de Provence, habitait le Luxembourg. MONSIEUR avait déjà joué un rôle politique; il avait signé la protestation des princes du sang contre l'exil du parlement, et lors de l'assemblée des notables il présida le bureau qui demanda la double représentation du tiers. Aussi le nom de M. de Provence était-il fort populaire.

M. le comte d'Artois avait un caractère tout opposé à son frère. Son éducation était entièrement négligée; il avait un esprit de mots, d'heureuses reparties de cour, mais il n'avait pas d'instruction, et les gens de son intimité avouaient que le jeune comte ne lisait jamais rien, si ce n'est le Vicaire de Wakefield; mais en revanche, M. le comte d'Artois avait tous les

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