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bientôt terminé; car cette victoire de Leipsick est le coup de cloche de l'agonie de Bonaparte, et un second doit l'achever. » Position difficile d'une race appelée à régner sur la France, et qui se croyait obligée de se réjouir de ces grands désastres qui frappaient nos armées!

Si les émigrés faisaient ainsi reposer leurs espérances sur les succès des alliés, les grandes cours ne tenaient point compte des Bourbons dans leurs négociations pour la paix ou dans les chances de guerre. Lorsque, le 2 décembre 1813, un congrès fut fixé à Manheim, aucune note publique ou secrète des cabinets ne parla du rétablissement de l'ancienne dynastie. Les alliés purent éluder, par des motifs particuliers, les bases proposées par M. de SaintAgnan pour la paix avec Napoléon. L'empereur Alexandre pouvait prévoir la possibilité d'un changement de gouvernement en France, ce qu'avait indiqué la présence à ses armées de Moreau et de quelques émigrés, et dans son cabinet du baron d'Anstett; mais les alliés n'avaient certainement aucun dessein arrêté sur les Bourbons.

INTÉRIEUR DE L'EMPIRE, LE SÉNAT.

RÉSISTANCE DU CORPS LÉGISLATIF.

DÉCEMBRE 1813.

Le prestige des victoires de Napoléon avait disparu. Pour la seconde fois il arrivait à Paris en fugitif. Il venait demander des ressources nouvelles, des conscriptions, des levées d'argent. Son but était alors de rendre la guerre nationale. L'empereur avait dit au sénat : << Toute l'Europe marchait avec nous il y a un an; toute l'Europe marche aujourd'hui contre nous. C'est que l'opinion du monde est faite par la France ou par l'Angleterre. Nous aurions donc tout à redouter sans l'énergie et la puissance de la nation. La postérité dira que si de grandes et critiques circonstances se sont présentées, elles n'étaient pas au-dessus de la France et de moi. >> Un sénatus-consulte mit 300 mille conscrits à la disposition de Napoléon.

L'opposition du sénat avait grandi. De sourds mécontentemens se faisaient sentir, même parmi les plus dévoués. Les uns craignaient pour leur existence, les autres sentaient une pudeur secrète de tant d'obséquiosité. Le parti constitutionnel, les sénateurs Lambrechts, Grégoire, Lanjuinais, Boissy-d'Anglas, Destutt de Tracy, voulaient sauver le territoire de l'invasion : mais ils cherchaient à faire profiter la liberté, de tant de sacrifices. M. de Talleyrand, sans prendre encore aucun parti décisif, étudiait les événemens, les voyait venir pour en profiter et les diriger à temps. Quelques assemblées intimes et politiques avaient lieu chez lui; on y prévoyait un dénouement, mais sans le préciser encore. Une autre réunion à laquelle M. de Caulaincourt n'était pas étranger, songeait à la régence de Marie-Louise, comme un moyen d'arriver à la paix. Au reste, la majorité du sénat restait avec toute sa servilité. Elle aurait voté, au bruit des phrases sonores de M. de Fontanes, que l'empereur avait sauvé la France à Moscou et délivré la patrie à Leipsick.

Le corps législatif avait vu se former une opposition plus saillante et plus vive. Sur plusieurs projets de loi, presque un tiers de

boules noires avait constaté une résistance forte à l'arbitraire de Napoléon. Par le renouvellement des séries, le parti constitutionnel avait encore grandi. Il était entré dans le corps législatif plus de cinquante membres nouveaux qui s'associaient à l'ancienne opposition, et parmi lesquels on comptait MM. Lainé, Maine de Biran, Flaugergues, Raynouard, Gallois, dont les opinions se rattachaient aux grands principes de la liberté. Quelques uns d'entre eux, et particulièrement M. Lainé, avaient été, diton, travaillés par les émissaires des Bourbons; tous prévoyaient la possibilité d'un changement, avec ou sans la dynastie impériale, qui pourrait profiter à la liberté publique.

Napoléon avait un mépris affecté pour toutes les théories libérales : c'était une manie chez lui de confondre toute résistance rationnelle des corps constitués, avec la sédition et l'anarchie. Après la retraite de Moscou, ses premières paroles au conseil d'Etat avaient été de vives déclamations contre l'idéologie politique. C'est ainsi qu'il désignait tous les principes constitutionnels, le gouvernement représentatif, en

un mot.

Depuis la conspiration de Mallet, surtout,

où personne n'avait pensé à l'hérédité du trône impérial et au roi de Rome, les organes du gouvernement, les adresses des villes, la presse ne cessaient de parler des droits sacrés de la couronne, du cri de nos pères, le roi est mort, vive le roi ! C'était une guerre violente et puérile contre toutes les idées de liberté. Napoléon était alors préoccupé de toute sa haine contre les constitutionnels, et il ne voyait pas qu'en rappelant tous les souvenirs de la vieille monarchie, il creusait le tombeau de sa propre race.

Un acte arbitraire blessa profondément le corps législatif; ce fut la présidence inconstitutionnelle de M. le duc de Massa. Le comte Molé, qui avait pris le ministère de la justice en 1813, fut chargé de présenter un projet de sénatus-consulte qui laissait à l'empereur le choix direct du président du corps législatif : il était fondé sur les plus frivoles prétextes. «< Jusques ici, disait le ministre, Sa Majesté a choisi entre les cinq candidats que le corps législatif lui avait présentés.

>> Mais il peut arriver que les hommes portés sur cette liste, quelque honorables et distingués qu'ils soient par leurs lumières, n'aient jamais été connus. de l'empereur.

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