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CONSPIRATION

DE GEORGES, PICHEGRU ET MOREAU.

1804.

LE dessein du consul à l'empire n'était plus un secret. Les tribuns Curée et Siméon n'avaient point encore prostitué leurs voix pour appeler le despotisme impérial; mais le tribunat, le sénat, le corps législatif étaient prévenus. Déjà Lucien avait publié sa fameuse brochure sur le parallèle de Monck, Cromwell et Bonaparte. Les préfets avaient recu l'ordre de préparer les esprits à la constitution nouvelle, dont on discutait les bases dans les réunions de SaintCloud et parmi les confidens du conseil-d'état. César visait à la pourpre d'Auguste.

Dans cette situation d'esprit, un véritable mécontentement se manifestait dans l'armée. Bonaparte trouvait bien un dévouement absolu parmi la garde consulaire, dans ses jeunes lieu

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tenans des armées d'Italie et d'Egypte, et dans quelques généraux sans idées politiques, tels que Lefebvre, Junot, Savary; mais Moreau, Masséna, Jourdan, tous les vétérans des armées de Sambre et Meuse et du Rhin détestaient l'ambitieux jeune homme qui aspirait à la dictature impériale. Déjà cette opposition de l'armée s'était manifestée lors de la publication du concordat et des cérémonies du culte catholique. Un vieux général républicain s'était écrié : «< Bonaparte, tu veux donc rétablir les préjugés que nous avons effacés dans le sang? » Un autre avait dit : « C'est beau, mais il n'y manque que le million d'hommes sacrifiés pour détruire toutes ces capucinades. »

Bonaparte revenait bien tout éclatant de la gloire de Marengo, mais la bataille de Hohenlinden était un fait d'armes plus décisif encore. Moreau s'était couvert de lauriers, et rapportait une réputation plus pure, plus désintéressée que celle du premier consul; son étatmajor le chérissait, lui était dévoué surtout; ses lieutenans Lecourbe, Dessolle et Lahorie, tous les hommes de son école, ne dissimulaient pas la haine qu'ils portaient à Bonaparte.

Les royalistes, toujours à l'affût des chances

favorables qui pouvaient s'ouvrir pour le rétablissement de la maison de Bourbon, cherchaient à se rapprocher de cette partie mécontente de l'armée. Pichegru avait quitté Londres pour se rendre à Paris. Il avait servi de lien naturel au complot contre le gouvernement de Bonaparte. Pichegru avait connu Moreau à l'armée du Rhin. On annonçait même que quelques ouvertures sur le rétablissement de la maison de Bourbon avoient déjà été faites à Moreau. Une grande partie des officiers de Georges Cadoudal étaient arrivés de l'armée royale du Morbihan à Paris. De fréquentes entrevues avaient eu lieu entre Lajolai, aide-de-camp de Moreau, et Pichegru. Quel pouvait en être l'objet? On ne sait pas si Moreau voulait la restauration des Bourbons, mais il n'est pas douteux qu'il n'adoptât avec faveur tout projet qui tendait à renverser le pouvoir de Bonaparte.

Bientôt la police fut prévenue que MM. Armand de Polignac, Jules de Polignac, Charles de Rivière étaient à Paris, qu'ils y avaient vu Georges et ses lieutenans. Rien ne transpirait sur leur dessein. Il n'existait encore aucune conviction. Le premier consul ordonna cependant qu'ils fussent tous arrétés: Georges, les

deux MM. de Polignac, le marquis de Rivière, Pichegru et Moreau lui-même.

L'arrestation de Georges fut violente. Le fougueux chef de l'armée du Morbihan renversa d'un coup de pistolet l'officier de paix qui tenait la bride de son cheval. MM. de Polignac et de Rivière furent successivement saisis chez une femme qui leur avait donné asile. Ils subirent leur interrogatoire, dont il résulta de curieux détails sur les projets de restauration.

Le conseiller Réal demanda à Georges : Quel est le motif qui vous a amené à Paris. — J'y suis venu dans l'intention d'attaquer le premier consul. - Quels étaient vos moyens d'attaque?

L'attaque devait être de vive force. - Où comptiez-vous trouver toute cette force-là? Dans toute la France. Il y a donc dans toute la France une force organisée à votre disposition et à celle de vos complices ? → Non, mais il y aurait eu une réunion de forces à Paris. Quels étaient donc vos projets et celui de vos conjurés? -De mettre un Bourbon à la place du premier consul. Quel était le Bourbon désigné? Louis-Xavier-Stanislas, ci-devant MONSIEUR,

reconnu par nous pour

Louis XVIII.

M. Armand de Polignac fut également inter

rogé.

Quels motifs ont déterminé votre

voyage et votre séjour actuel en France?-Le désir de voir mes parens, ma femme et mes amis. Le prince comte d'Artois n'était-il pas attendu en France pour le mois de février? Je n'en ai pas la certitude; mais si le prince en avait eu l'intention, je suis assuré qu'il ne se serait rien passé de vil ni d'odieux. Si Georges et les siens sont ici d'après les ordres du prince, ils n'auraient rien entrepris sans que le prince fût arrivé, et alors il y aurait eu engagement personnel et loyal entre le prince, soutenu de ses partisans, et le premier consul.

M. de Rivière répondit ainsi à l'interrogatoire suivant : Quels sont les motifs de

votre voyage?

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De m'assurer de l'état des partis et de la situation politique intérieure, afin d'en faire part aux princes qui auraient jugé, d'après mes observations, si'ls devaient venir en France ou rester en Angleterre. Je dois dire que je n'avais reçu aucune mission particulière d'eux dans ce moment.

-

Quels sont les moyens dont on voulait se servir pour assurer ou opérer le rétablissement que le prince et tous ses adhérens regardaient comme prochain? - Je ne sais pas positivement, mais je crois que

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