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ROYALISTES AU 18 FRUCTIDOR.

1797.

LOUIS XVIII commençait à voir la France telle qu'elle était. Un rapport fidèle de M. de la Ferronnière sur l'état des esprits et des opinions avait éclairé le prince sur l'espèce de concessions nécessaires, et le roi n'avait plus hésité à se mettre en communication avec le parti constitutionnel, non pas qu'il eût précisément oublié ses antipathies pour les patriotes de 1791, tels que MM. de La Fayette, de Latour-Maubourg et de Narbonne; mais il s'était formé un parti puissant contre la faible et fatigante administration du directoire, et comme ce parti s'appuyait sur la constitution de 1791, ce fut avec ces fractions du conseil des cinq cents et des anciens que Louis XVIII entama des négociations.

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Depuis la constitution de l'an III et le renou

vellement fractionnaire, les deux conseils s'étaient composés en majorité d'hommes fort raisonnables et en opposition avec le système républicain. Il y avait d'abord des royalistes avoués et sur lesquels Louis XVIII pouvait compter; tels étaient Imbert-Colomès, Henri Larivière, Dandré, Pichegru qui avait obtenu la présidence. Puis venaient les constitutionnels modérés, MM. Portalis, Siméon, Camille-Jordan; puis les constitutionnels de 1791, enfin les orléanistes qui pensaient que la monarchie était le seul gouvernement convenable à la France, mais qui ne croyaient à la possibilité d'une monarchie constitutionnelle qu'avec un changement de dynastie.

Les efforts des négociateurs tendaient donc à fortifier la fraction purement royaliste, et à fondre toutes ces nuances diverses dans les intérêts de Louis xvIII. La nécessité d'une constitution paraissait généralement admise, et le prétendant n'en était pas éloigné. Dès que des négociations avaient été entamées avec les conseils, il fallait bien admettre ces deux corps comme base de la constitution nouvelle. On allait jusqu'à ce point d'établir que Louis XVIII prendrait la place pure et simple du direc

toire, et qu'on centraliserait le pouvoir des directeurs en son gouvernement. Les négociateurs étaient-ils de bonne foi en faisant ces promesses? Il est possible que le désir de s'emparer des rênes du gouvernement, les ait engagés à ces grandes concessions, en se réservant toujours, une fois maîtres de l'autorité, de la façonner sur le modèle de l'ancienne constitution monarchique.

pas

Quoi qu'il en soit, les diverses nuances du parti des clichistes ou des monarchistes se confondaient dans une haine commune contre le directoire, centre du gouvernement. Le directoire lui-même était divisé. Barthélemi votait avec la réunion clichiste; Carnot n'en était séparé, quoique opposé au rétablissement des Bourbons; mais il voyait avec peine la marche du gouvernement qui pesait sur la république. Peut-être adhérait-il au système d'une large monarchie constitutionnelle au profit de Louis XVIII ou du parti d'Orléans. Le ministre de la police Cochon et l'agent Dossonville marchaient dans le sens des clichistes; ils étaient désignés par l'intrigue royaliste comme des appuis sur lesquels on pouvait s'étayer.

D'un autre côté, l'action des journaux secon

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dait le mouvement. La plus grande licence de la presse régnait alors. Les journaux qui n'étaient soumis à aucune condition restrictive, qui ne payaient qu'un faible timbre, remuaient chaque jour les esprits au profit de la cause de Louis XVIII et contre le directoire. Notre liberté actuelle, grave et constitutionnelle, ne peut être comparée à ce débordement d'épigrammes, à ce feu roulant d'invectives et d'injures.

La Quotidienne et quarante autres journaux au moins, grands et petits, ne tarissaient pas sur les dilapidations de Barras et sur son épicurisme; sur Merlin de Douai, Larevellière-Lepeaux, avec sa théophilantropie, et sur tous les membres des deux conseils qui secondaient les directeurs. Les salons n'étaient occupés que de ces feuilles éphémères, souvent spirituelles. Les jeunes gens de bon ton, les muscadins à collet noir, en répétaient les bons mots aux théâtres et dans les cafés.

Au milieu de ce mouvement d'opinion, la fraction attaquée du directoire exécutif prenait ses mesures pour sauver son pouvoir et empêcher la restauration royaliste de s'accomplir. Bonaparte, dans sa campagne d'Italie, s'était emparé à Venise d'un porte-feuille du comte

d'Antraigues, ministre de Louis XVIII. Il contenait diverses pièces, et particulièrement les notes d'une conversation avec le comte de Montgaillard, dans laquelle tout le plan des intrigues avec les deux conseils se trouvait développé. Quoique le comte d'Antraigues eût refusé de signer les papiers saisis, ils furent envoyés à Paris, et le directoire, qui venait de recevoir les dépositions de Duverne de Presle sur la conspiration royaliste de l'intérieur, fit de ces pièces la base de ses projets contre les conseils. En même temps, le républicain Augereau, détaché de l'armée d'Italie, venait en toute hâte à Paris, pour seconder les mesures du directoire.

Dans cette situation de choses, il fallait se hâter d'agir, mais les différentes nuances du parti clichiste ne s'entendaient pas, et toutes les opérations traînaient en langueur. Ceux qui avaient reçu de l'argent de l'extérieur, le gardaient pour eux, de sorte que les inspecteurs de la salle du conseil n'avaient pas même de fonds pour organiser et solder une police. Pichegru apporta toute l'hésitation de son caractère; enfin la mauvaise foi des agens royalistes à l'égard des constitutionnels para

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