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Si cependant, entraîné par des circonstances imprévues, il avait prêté un serment sur la tombe de Frédéric, il ne l'aurait pas violé après la bataille d'Austerlitz; il aurait tiré d'une fausse détermination le seul parti honorable, en restant fidèle à des alliés maltraités par la fortune.

En 1812, s'il avait cru pouvoir oublier qu'à Tilsitt la Russie avait fait en faveur de la Prusse tout ce que permettaient les circonstances, et s'il avait signé l'alliance avec la France, il y aurait été fidèle. Il aurait trouvé, dans des événemens inattendus, l'occasion de faire jouer un beau rôle à la Prusse, malgré sa foiblesse, et de manifester des sentimens non douteux, et dont il aurait pu, dans le tems, invoquer l'honorable souvenir. Cette résolution loyale eut concilié à la Prusse l'estime même de ses ennemis. Elle aurait servi non leur haine, mais leurs véritables intérêts; car le général d'Yorck n'aurait pas trahi, et les Russes n'auraient pas passé le Niemen; le général Bulow n'aurait pas trahi, et les Russes n'auraient pas passé l'Oder, et ne se seraient point exposés à la catastrophe qui les menace; enfin, la France sentant le besoin d'un intermédiaire entre elle et la Russie, l'aurait trouvé dans la Prusse fidèle, et aurait consenti à aggrandir, pour l'intérêt de son système, pour la paix et le repos du monde qui en est l'unique but, une puissance dont la sincérité aurait été mise à l'épreuve.

Aujourd'hui, M. le baron, que reste-t-il à la Prusse? Elle n'a rien fait pour l'Europe; elle n'a rien fait pour son ancien allié; elle ne fera rien pour la paix. Une puissance dont les traités ne sont que conditionnels, ne saurait être un intermé diaire utile; elle ne garantit rien; elle n'est qu'un sujet de discussion; elle n'est point une barrière.

Le doigt de la Providence est empreint dans les événemens de cet hiver; elle les a produits pour démas quer les faux amis et signaler les amis fidèles, et elle a donné à S. M. assez de puissance pour assurer le triomphe des uns et le châtiment des autres.

En terminant mes rapports avec vous, M. le baron, je me félicite d'avoir à vous faire connoître la satisfaction de S. M. pour votre conduite, pendant le temis où vous avez résidé près d'elle. Elle vous plaint, et comme militaire, et comme homme d'honneur, de vous être trouvé obligé de signer une pareille déclaration.

J'ai l'honneur de vous envoyer les passeports que vous m'avez demandés.

Agréez, je vous prie, M. le baron, l'assurance de ma haute considération.

(Signé) Le duc de BASSANO.

Après la lecture du rapport, MM. les conseillers d'état présentent deux projets de sénatus-consulte (Voyez ci-après séance du 3 Avril), et M. le comte Defermon expose les motifs du premier de ces projets de la manière suivante:

Monseigneur, Sénateurs,

"Vous venez d'entendre les communications que S. M. a ordonné de vous faire; les circonstances actuelles rendent indispensable une augmentation de notre état militaire: c'est l'objet du sénatus-consulte que nous sommes chargés de vous présenter. "Si l'on doit regretter la défection d'un allié, encore vaut-il mieux le voir à découvert dans les rangs ennemis, que d'être exposé à ses trahisons journalières. Les forces disponibles de la Prusse ne sont pas telles que l'empire ne puisse la faire repentir d'ètre rentrée en lutte avec lui; mais vous le savez, Messieurs, il faut, lorsqu'on désire la paix, l'obtenir par des succès qui puissent en garantir la durée; et pour atteindre ce but il faut employer de suite de grands moyens, plutôt que de s'épuiser lentement en de faibles efforts.

"Le titre 1er du projet met à la disposition du ministre de la guerre 180,000 homines pour être ajoutés aux armées actives. Quatre-vingt-dix mille hommes pris sur la conscription de 1814, dont la levée a déjà été autorisée, n'éprouvent qu'un changement de destination.

"Quatre-vingt-dix mille doivent être levés conformément aux dispositions des titres II et III du projet.

"La défection de la Prusse peut augmenter d'environ 80 à 100,000 hommes les forces de nos ennemis, et il est aussi convenable que nécessaire d'accroître dans la même proportion l'armée de l'Empire.

"Le titre II crée quatre régimens de gardes d'honneur à cheval, au complet de 10,000 hommes.

"Les départemens ont demandé la formation de compagnies de gardes-du-corps. Cette institution, nécessaire au trône, ne peut se réaliser que progressivement.

"Les officiers ne pourraient être pris que dans les premiersgrades de l'armée, et leur présence près des corps qu'ils commandent est aujourd'hui nécessaire. S'ils étaient pris dans les grades moins élevés, ce serait manquer le but et dénaturer l'institution, puisqu'on ne placerait pas à la tête de ceux qui seront spécialement responsables de la sûreté de l'empereur et de sa famille, des hommes revêtus des premières dignités de l'armée et de l'état.

D'ailleurs les gardes-du-corps ne sont pas le besoin du moment: la gendarmerie, les troupes de la garnison et 5 à 6 mille hommes de la garde impériale, tant à pied qu'à cheval, qui existent à Paris, et qui se composent d'anciens soldats moins en état de faire la guerre, et de jeunes gens, tous commandés par des officiers d'élite, garantissent le maintien du bon ordre dans la capitale.

"Cependant il est utile de marcher vers la formation de ces compaguies de gardes-du-corps et de rallier à l'armée des hom

mes encore dans la force de l'âge, dont les armes sont le métier et qui languissent sans état.

Enfin, il faut ouvrir la carrière à des jeunes gens qui sont détournés par l'education qu'ils ont reçue, de prendre parti comme soldat, et qui, ayant atteint leur vingt-quatre ou vingt-cinquième année, se regardent comme trop âgés désormais pour courir les chances d'un avancement lent dans la carrière militaire.

"C'est d'après ces vues qu'ont été conçues les dispositions du titre 2.

"Les hommes appelés à composer les quatre régimens devront s'habiller, s'équiper et se monter à leurs frais; mais ils ont l'assurance d'obtenir le brevet d'officier après douze mois de campagne, et ils seront admissibles dans la formation des quatre compagnies des gardes-du-corps lorsqu'après la campagne il y sera procédé; il pourra même en être employé des détachemens de trois à quatre cents hommes pour concourir au service de l'im pératrice et du roi de Rome.

"Ces régimens recevront la solde des chasseurs à cheval de la garde impériale.

"Enfin les membres de la légion d'honneur ou leurs fils pourront, s'ils n'ont pas assez de fortune, être équipés et montés aux frais de la légion.

"Ces avantages réunis porteront, sans doute, les enfaus des membres des colléges électoraux de départemens et d'arrondissemens, des conseils municipaux, les fils des plus imposés des départemens et des communes, de tous ceux enfin qui sont dépo sitaires de l'autorité publique, à se faire inscrire dans ces régimens; et il ne restera plus d'excuse à ces jeunes gens oisifs qui se plaignent de n'avoir pas de carrière ouverte et donuent trop souvent lieu de réprimer leurs écarts.

"Le titre 3 fait un nouvel appel de 80,000 hommes sur le premier ban, tant pour le recrutement de l'armée que pour la formation d'une armée de réserve; il en excepte les hommes mariés avant la publication du sénatus consulte.

"Cet appel donnera des soldats de l'âge de 21 à 26 ans, et par conséquent des hommes dans la force de l'âge, susceptibles d'entrer dans les cadres, aussitôt qu'ils auront reçu la première inst:uction.

"Des cohortes formées par le premier appel sur ce ban, justifient d'avance ce qu'on doit se promettre du nouvel appel proposé.

Nous ne nous dissimulons pas tout ce que peut avoir de pénible cet appel des classes arriérées; mais quel est le citoyen français qui ne sente qu'il est préférable de faire aujourd'hui un effort qui en évite pour l'avenir de plus grands, dont on ne pourrait pas attendre le même résultat?

"Au surplus, les appels et leurs époques doivent être déter minés par des arrêts du conseil, et ces mesures d'éxecution

ne seront prises que de la manière la plus propre à prévenir toute injustice et toute difficulté.

"Vous connaissez, Messieurs, l'esprit de prévoyance qui dirige toujours S. M. dans ses projets: ainsi, pour prévenir toute espèce de dangers, et même d'inquiétudes, elle a jugé nécessaire d'organiser une armée de réserve qui, campée sur nos frontières, veille tout-à-ia-fois, à leur garde et au maintien de l'ordre chez nos alliés.

"Le titre 4 rend disponible les 90,000 hommes de la conscription de 1814, qui avaient été destinés à la défense de nos frontières de l'ouest et du midi; ils formeront l'armée de réserve sur les frontières de l'est, où ils rempliront cette nouvelle destination.

"C'est à l'honneur et au courage des gardes nationales, que l'empereur confie la défense des six grands ports de la marine militaire; c'est aux gardes nationales qu'il confie le soin de repousser toute attaque de nos ennemis sur les côtes de l'empire. "Vous n'avez pas oublié, Messieurs, avec quel empressement les habitans de nos côtes marchèrent contre l'expédition dirigée sur le port d'Anvers.

"Mais ce zèle a besoin d'être guidé, et ce qui se passa en 1809 a démontré combien il était important d'organiser le service de la garde nationale dans les parties de l'empire où il serait jugé nécessaire

"Les départemens qui sont spécialement appellés à concourir à la défense de nos ports, sont désignés par le titre 4.

"La garde nationale sera organisée dans les départemens, s'il en est besoin, et les compagnies de grenadiers et chasseurs seront complettés de manière à présenter dans chaque arrondissement une force de 15 à 30,000 hommes effectifs, présens, et toujours disponibles.

"C'est dans le sein du sénat que Sa Majesté, Messieurs, veut choisir les généraux qu'elle chargera de présider à l'organisation de ces compagnies et d'en prendre le commandement.

"En donnant aux citoyens pour les guider dans ce sentier de l'honneur, des chefs qui réunissent tant de titres à la considétion générale, S. M. a voulu encourager la confiance des gardes nationales, leur rendre l'obéissance plus facile, et leur garantir les égards et les ménagemens qui pourront se concilier avec les besoins du service.

"Il ne sera mis en activité dans chaque arrondissement que 1,500 à 3,000 hommes, lesquels seront placés sur les points où leur présence sera jugée nécessaire et seront renouvellés tous les trois mois, ou plus souvent, de manière à n'être pas trop long-tems détournés de leurs occupations et de leurs affaires.

"Le contingent de chaque arrondissement sera prêt à se porter sur les points qui seraient attaqués; mais ne s'éloignera

TOME V.

N N

de sa famille que dans ce cas, et seulement pendant le tems que durera le danger.

"Ce contingent réduit au minimum de 15,000 hommes par chacun des arrondissemens, donne 90,000: en y joignant 20,000 gardes-côtes, 60,000 hommes de troupes de la marine, 20,000 ouvriers, existans dans les grands ports, la garde nationale locale, environ 40,000 hommes dans les dépôts de l'armée de terre qui se trouvent à portée des côtes, enfin, 6,000 hommes de gendarmerie, répartis dans les mêmes arrondissemens, la défense de nos côtes se trouve garantie par plus de 250,000 hommes, indépendamment de la réserve des grenadiers et chasseurs, qui n'entrent pas dans le premier contingent, et qui s'élèvent encore à plus de 120 mille hommes.

"C'est cependant par le moyen de cette mesure, qui n'appelle pas plus d'un millième de la population des six arrondissemens, et seulement pour un service temporaire, que les 90,000 hommes de la conscription de 1814 sont rendus disponibles.

"La situation actuelle de l'Europe, la nécessité où se trouvent nos ennemis de disséminer leurs forces en Sicile, en Portugal, dans le Canada, éloigne toute idée que nos côtes puissent être attaquées; mais quelque improbable que soit une attaque, il suffit qu'elle ne soit pas impossible, pour que dans sa haute sagesse, S. M. n'ait pas balancé à adopter les mesures qui vous sont proposées.

"En les consacrant, Messieurs, vous assurez la défense de nos côtes et de nos ports; ainsi l'empire aura une armée de 400,000 hommes sur l'Elbe, une de 200,000 en Espagne, et 200,000 hommes, tant sur le Rhin que dans la 32e division militaire et en Italie.

"Et c'est à l'aspect de pareilles forces que nos ennemis conçoivent le projet insensé de démembrer l'empire et de faire entrer des départemens en indemnité dans leurs calculs politiques.

"Cette lutte est la dernière: l'Europe prendra une assiette définitive, et les événemens de l'hiver de 1813 auront du moins pour la France l'avantage de lui avoir fait connaître ses amis et ses ennemis; l'étendue de ses moyens, le dévouement des peuples et leur attachement à la dynastie impériale.

M. le comte Boulay succède à M. le comte Defermon et développe ainsi les motifs du second projet de sénatus-consulte. Monseigneur, Sénateurs,

L'article 92 des constitutions du mois de Frimaire, an 8, prévoit le cas où des circonstances graves compromettraient la sû. reté de l'état dans une partie de l'empire, et autorise, pour cette partie, la suspension du régime constitutionnel.

C'est à vous, Messieurs, que par le sénatus-consulte organique

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