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L'Autriche, le Danemarck, la Prusse ont donné à V. M. les plus fortes assurances de leurs sentimens. La Prusse a même offert d'augmenter d'un tiers et de porter à 30,000 hommes le contingent qu'elle avait fourni en exécution dès traités.

Mais pendant que cette puissance manifestait des dispositions aussi conformes à ses engagemens et aux intérêts de sa poli tique, les intrigues de l'Angleterre préparaient un de ces évé nemens qui caractérisent l'esprit de désordre et d'anarchie que cette puissance ne cesse de fomenter en Europe. Le général d'Yorck, commandant le corps prussien sous les ordres du maréchal duc de Tarente, a trahi tout-à-la-fois son honneur, son général en chef, et son roi. Il a fait un pacte de perfidie avec l'ennemi.

Il n'est point d'intrigues, il n'est point de sourdes menées que l'Angleterre n'ait mises en œuvre pour changer les dispo sitions des souverains. Mais lorsqu'elle les a trouvées fermes dans leurs vrais intérêts et inébranlables dans leur alliance avec V. M., elle a entrepris de produire un bouleversement général en cherchant à ébranler la fidélité des peuples. Audelà des états de V. M., sire, il est peu de contrées où l'audace et les manœuvres des désorganisateurs n'aient porté l'inquiétude parmi les dépositaires de la tranquillité publique. Dans les cours des agens de corruption, dans les camps de lâches instigateurs, et dans les villes enfin, dans les écoles et jusqu'au sein des institutions les plus révérées, de faux enthousiastes travaillent sans cesse à séduire par des doctrines ténébreuses, et ceux qui doivent maintenir par la fidélité la plus courageuse l'autorité qui leur est confiée, et ceux qui n'ont d'autre devoir que celui d'obéir.

Dans de telles circonstances, sire, et lorsque les intentions même d'un prince allié n'ont pu garantir les avantages que votre système politique devait vous assurer, il devient d'une impérieuse nécessité de recourir aux moyens que V. M. trouvera dans la puissance de son empire et dans l'amour de ses sujets.

Par ces considérations, les ministres de Votre Majesté, réunis dans un conseil extraordinaire de cabinet, vous proposent:

1o. De rendre à l'armée active les cent colortes de gardes nationales;

2o. De faire un appel de cent mille hommes sur les conscriptions de 1809, 1810, 1811 et 1812.

3o. De lever cent mille hommes de la conscription de 1814, qui se formeront dans les garnisons et dans les camps, sur nos frontières et sur nos côtes, et pourront se porter où il sera nécessaire, pour venir au secours des alliés de Votre Majesté.

Par cet immense développement de forces, les intérêts, la considération de la France et la sûreté de ses alliés se trouveront garantis contre tous les événemens.

Le peuple français sentira la force des circonstances; il rendra un nouvel hommage à cette vérité si souvent proclamée par Votre Majesté du haut de son trône, qu'il n'est aucun repos pour l'Europe tant que l'Angleterre n'aura pas été forcée à conclure la paix.

Ce n'est point en vain, sire, que vous avez donné à la France le titre de grande nation. Aucun effort n'est pénible pour elle, lorsqu'il s'agit de faire éclater et son amour pour Votre Majesté et son dévouement à la gloire du nom français.

Je joins à ce rapport les pièces relatives à la défection du général d'Yorck.

Je suis avec le plus profond respect,

Sire,

De Votre Majesté,

Le très-humble, très-obéissant et fidèle sujet,

Le duc de BASSANO.

(Signé)

Paris, le 9 Janvier, 1813.

No. Ier.

Copie de la lettre de M. le comte de Saint-Marsan au ministre des relations extérieures.

Monseigneur,

Berlin, le 1er Janvier, 1813.

Un aide-de-camp de M. le duc de Tarente m'arrive, expédié par M. le prince de Neuchâtel. Il m'apporte la dépêche ci-jointe du major-général, avec les pièces qui l'accompagnent. Le tout m'est parvenu au moment où je me trouvais chez M. le maréchal duc de Castiglione, avec le chancelier baron de Hardenberg, le comte de Narbonne et le prince de Hatzfeld.

Le baron de Hardenberg a paru indigné: il s'est rendu surle champ chez le roi, qui venait de rentrer en ville. On assure que le roi a décidé de destituer le général d'Yorck, de le faire arrêter, de donner le commandement au général Kleist, de rappeler les troupes, quoiqu'il soit peu probable qu'on puisse les retirer, et de leur enjoindre de se rendre sous les ordres du roi de Naples, d'adresser tous les ordres à ce prince, de publier, à l'armée française, à Potzdam, en Silésie, dans les gazettes, un ordre du jour en conséquence.

On assure enfin qu'à cette occasion le roi a de nouveau manifesté et publiquement son attachement à la cause de S. M. I. et R., et son indignation de ce qui vient de se passer.

J'ai l'honneur d'être, etc.,

(Signé) Le comte de SAINT-MARSAN.

No. II.

Lettre du duc de Tarente au prince major-général.

Tilsitt, le 31 Décembre, 1812.

Monseigneur, Après quatre jours d'attente, d'inquiétudes et d'angoisses dont une partie du corps prussien a été témoin, sur le sort de l'arrière-garde qui, depuis Mittau, me suivait à une marche de distance, j'apprends enfin par une lettre du général d'Yorck qu'il a décidé lui-même du corps prussien.

Je joins ici copie de cette lettre sur laquelle je ne me permets aucune réflexion; elle excitera l'indignation de tout homme d'honneur.

Le général de Massenbach qui était ici avec moi, avec deux batteries, six bataillons et six escadrons, est parti ce matin saus mes ordres pour repasser le Niemen. Il va rejoindre le général d'Yorck. Il nous abandonne ainsi devant l'ennemi. Agréez, etc.

(Signé) Le maréchal duc de Tarente, MACDONALD.

No. III.

Lettre du général d'Yorck au maréchal duc de Tarente.
Tauroggen, le 30 Décembre, 1812.

Monseigneur, Après des marches très-pénibles, il ne m'a pas été possible de les continuer sans être entamé sur mes flancs et sur mes derrières. C'est ce qui a rétardé la jonction avec V. Exc.; et, devant opter entre l'alternative de perdre la plus grande partie de mes troupes, et tout le matériel qui seul assurait ma subsistance, ou de sauver le tout, j'ai cru de mon devoir de faire une convention par laquelle le rassemblement des troupes prusiennes doit avoir lieu dans une partie de la Prusse orientale, qui se trouve par la retraite de l'armée française au pouvoir de l'armée russe.

Les troupes prussiennes formeront un corps neutre, et ne se permettront pas des hostilités envers aucune partie. Les événemens à venir, suite des négociations qui doivent avoir lieu entre les puissances belligérantes décideront sur leur sort

futur.

Je m'empresse d'informer V. Exc. d'une démarché à laquelle j'ai été forcé par des circonstances majeures.

Quel que soit le jugement que le monde portera de ma con duite, j'en suis peu inquiet. Le devoir envers mes troupes et la réflexion la plus mûre, me la dictent; les motifs plus purs, qu'elles qu'en soient les apparences, me guident.

En vous faisant, Monseigueur, cette déclaration, je m'acquitte

TOME V.

D

des obligations envers vous, et vous prie d'agréer les assurances du plus profond respect avec lequel je suis, etc., etc.

Pour copie conforme, (Signé)

(Signé)

D'YORCK.

Le maréchal duc de Tarente, MACDONALD.

No. IV.

Lettre du lieutenant-général de Massenbach au maréchal duc de Tarente.

Monseigneur,

La lettre du général d'Yorck aura déjà prévenu V. E. que ma dernière démarche m'est prescrite, et que je n'en pourrais changer rien, parce que la mesure de prévoyance que V. E. fit prendre cette nuit me parut suspecte de vouloir peut-être me retenir par force, ou désarmer mes troupes dans le cas présent. Il me fallut prendre ce parti dont je me suis servi pour joindre mes troupes à la convention que le général commandant a signée, et dont il me donne l'avis et l'instruction ce matin.

V. E. pardonne que je ne sois venu moi-même pour l'avertir du procédé; c'était pour m'épargner une sensation très-pénible à mon cœur, parce que les sentimens de respect et d'estime pour la personne de V. E., que je conserverai jusqu'à la fin de mes jours, m'auraient empêché de faire mon devoir.

Le 31 Décembre, 1812.

(Signé) Le lieutenant-général MASSENBACH. Certifié conforme,

(Signé) Le maréchal duc de Tarente, MACDONALD.

Après la lecture de ce rapport, MM. les conseillers d'état présentent un projet de sénatus-consulte (voyez ci-après, séance du 11), et M. le comte Regnaud de Saint-Jean-d'Angely en expose les motifs de la manière suivante : 1

Motifs du sénatus-consulte, qui met 350 mille hommes à la disposition du ministre de la guerre.

"Monseigneur, Sénateurs,

"Le traité de Tilsitt avait rendu au nord de l'Europe une paix qui semblait devoir être durable.

"Mais l'Angleterre menacée de la guerre avec les EtatsUnis d'Amérique, redoutant avec raison la mauvaise issue que doit tôt ou tard avoir pour elle la lutte engagée en Espagne, s'est occupée de susciter à la France une nouvelle guerre, en faisant rompre l'alliance récemment jurée par la Russie.

"Les efforts de l'empereur pour la maintenir et assurer l'exécution des traités ont été inutiles, et la guerre s'est renouvelée.

"Elle a été commandée par la violation des conventions les plus solennelles, par des armemeus nombreux, par des agres

sions évidentes, par des refus répétés de toute explication, enfin par la nécessité imposée à S. M. de maintenir les droits et la considération de sa couronne et de celle de ses alliés.

"Le succès de cette lutte nouvelle a été ce qu'il sera toujours pour des Français conduits par le génie qui les a accoutumés à vaincre.

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L'ennemi forcé dans tous les postes, repoussé dans tous les combats, vaincu dans toutes les batailles, a été forcé d'abandonner sa capitale au vainqueur; mais il l'a livrée aux flammes et presque réduite en cendres.

"Delà, la nécessité de cette retraite glorieuse; retraite dans Jaquelle nous n'avons été atteints et frappés que par l'âpreté du climat, la dureté précoce de la saison, et l'excès inaccouumé de sa rigueur.

Quand le 29e bulletin de la grande armée vint étonner à-la-fois et rassurer la France, l'étendue de ses pertes dévoilées à la nation avec une simplicité si énergique, avec une si noble confiance, éveilla chez tous les Français le sentiment du besoin de les réparer; tous allèrent dès-lors au-devant des démandes qu'ils pressentaient, disposés plutôt à les prévenir et à les réparer, qu'à les débattre ou à les attendre.

"Cependant l'empereur, dont les ennemis doivent toujours craindre, les alliés et les sujets toujours espérer la venue, était arrivé dans sa capitale, lorsqu'on le croyait encore au-delà de Wilna; et se faisant rendre compte des ressources de ses arsenaux, de ses magasins, de son trésor, du nombre de ses troupes, avait annoncé à la France l'intention de ne faire aucune demande d'hommes ni de contributions nouvelles.

"Avec les impositions annuelles, et les soldats déjà sous les armes, il pouvait fournir à tous les besoins de la campagne au midi et au nord de l'Europe.

“Mais, sénateurs, les faits que le ministre des relations extérieures vient de vous faire connaître, par ordre de S. M., ́ doivent changer les premiers calculs de sa sagesse économe des sacrifices de ses peuples, et y faire succéder les calculs de la prévoyance et de la nécessité.

Déjà, messieurs, j'ai vu éclater dans cette assemblée les témoignages de l'indignation qu'éprouvera l'Europe entière au récit d'une trahison à laquelle on hésiterait de croire si elle n'était avouée, écrite par son auteur même.

"Le général prussien dont le nom deviendra désormais une injure, a trahi à-la-fois son souverain, l'honneur, les devoirs de citoyen et ceux du soldat.

"Il s'est séparé honteusement de l'armée dont il faisait partie, du corps avec lequel il marchait; il a livré ceux qui s'exposaient sur sa foi aux suites hasardeuses de son lache abandon, de sa désertion inopinée.

"Instruit de ce crime, nouveau dans l'histoire des guerres

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