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CHAPITRE V.

Première partie de la Campagne de 1813, en Allemagne.

LES

ES malheureux débris de la grande armée avaient été poursuivis par les Russes, aussi vivement que l'avait permis la rigueur de la saison. Le comte de Wittgenstein était entré à Koenisberg, le 6 janvier 1813; et le général Platoff s'était emparé d'Elbing, dix jours après. Ces mouvements contraignirent Murat à porter son quartier-général à Posen. Dégoûté d'un commandement qu'il n'avait accepté qu'à regret, il s'en démit; et déguisé, dit-on, en juif allemand, il partit pour l'Italie. Napoléon ne fut pas plutôt instruit de ce départ, que la note suivante fut publiée par son ordre : « Le roi de » Naples étant indisposé, a dû quitter le com» mandement de l'armée qu'il a remis entre les » mains du vice-roi. Ce dernier a plus d'habi»tude d'une grande administration; il a la » confiance de l'empereur. » Le fonds de vérité contenu dans ce sarcasme ne le rendait que

plus indécent de la part d'un homme qui avait mis la couronne sur la tête de Murat (1).

Le prince Eugène, dès qu'il eut pris le commandement en chef, s'empressa de mettre au complet les garnisons etl'approvisionnement des places de la Vistule; puis il marcha vers l'Oder, passa ce fleuve, cantonna son armée et ravitailla Custrin, Stettin, Gross - Glogaw et Spandau. Les troupes légères des Russes le suivirent de près. Quinze cents cosaques ayant passé l'Oder sur la glace, marchèrent, à la faveur de la nuit, vers Berlin, dont ils surprirent une porte. Ils pénétrèrent dans quelques rues adjacentes, et le peuple parut disposé à se joindre à eux. Quelques coups de canon et la vue des bataillons français qui formaient la garnison de Berlin, dissipèrent l'attroupement et mirent en fuite les cosaques.

Le roi de Prusse, à son arrivée à Breslau, avait ordonné à ses sujets de prendre les armes pour la défense de la patrie et du trône; mais il n'avait pas encore osé dire contre qui elles devaient être tournées. Ensuite, il fit proposer à Napoléon, par une note du 15 février,

(1) On lui reproche de ne s'être occupé en aucune sorte des besoins si multipliés de l'armée dont le commandement lui avait été confié.

une trève, d'après laquelle les Russes se seraient retirés derrière la Vistule et les Français derrière l'Elbe. Ce n'était là, très probablement, qu'une vaine démonstration de neutralité; car, le 28 du même mois, un traité d'alliance offensive et défensive fut conclu à Kalisch, entre la Prusse et la Russie (1). L'empereur Alexandre, qui s'était mis à la tête de ses troupes,visita,le 15 mars, Frédéric-Guillaume à Breslau. Le roi de Prusse versa des larmes de joie en embrassant son auguste allié, qui, attribuant son émotion au souvenir de ses malheurs, lui dit : « Consolez» vous, mon frère. Ces larmes sont les der» nières que l'empereur Napoléon vous aura » fait verser. Je jure de ne poser les armes que » lorsque l'Allemagne sera délivrée du joug des » Français!» Frédéric-Guillaume, encouragé par cette promesse d'un prince magnanime, adressa, le 17 mars, à ses sujets, une proclamation où il dévoila ses sentiments: « Nous » avons été obligés de nous courber sous la » puissance supérieure de la France, leur di» sait-il: il n'en est résulté que hauteur et per» fidie. Il n'est plus possible de nous faire illu

(1) On croit que par ce traité, qui n'a pas été rendu public, La Russie a garanti à la Prusse des dédommagements propor tionnés aux pertes qu'elle avait faites.

»sion sur notre propre situation...... Sou» venez-vous du grand Frédéric; souvenez» vous des avantages pour lesquels nos ancê» tres ont combattu la liberté de conscience, » l'honneur, l'indépendance, le commerce, » l'industrie et les sciences. Songez aux Russes, » aux Espagnols et aux Portugais. Il n'est point » de milieu entre une paix honorable ou une » chute glorieuse. Si nous devons succomber, » ce sera du moins avec honneur. Mais notre » cause est juste; Dieu donnera la victoire à » nos armes, et nous verrous enfin des temps » plus heureux (1), »

Ce touchant appel obtint tout le succès que le monarque avait droit d'en attendre. Tous les habitants en état de porter les armes se présentèrent pour la défense de la patrie, et formèrent ces nombreux bataillons de landsturm, ou de levée en masse, qui ont rendu de si grands services à la cause de la Prusse.

Le prince Eugène ayant appris que les Russes quittaient les rives de la Vistule, ne

(1) Frédéric Guillaume avait institué, le rò mars, la décoration de la Croix de Fer. Elle devait être accordée à ceux qui se distingueraient, soit en combattant l'ennemi, soit de toute autre manière, durant la lutte qui allait s'ouvrir. Dans le préambule de son ordonnance, S. M. P. avait, non sans raison, appelé temps de fer, celui où l'on vivait alors.

crut pas qu'il fût prudent de les attendre sur l'Oder. En conséquence, il se porta vers l'Elbe, au-devant des nombreux renforts que Buonaparte envoyait à son armée ; et cette retraite se fit en bon ordre. Le 3 mars, les Français évacuèrent Berlin, où, le 10 du même mois, le comte de Wittgenstein fit son entrée aux acclamations universelles des habitants, transportés de joie à la vue de leur libérateur. Les troupes françaises s'étant aussi retirées de Hambourg, le colonel Tettenborn y entra avec quatre mille cosaques; mais la délivrance des malheureux hambourgeois ne fut que momentanée. Ils étaient réservés à des maux plus grands que ceux qu'ils avaient déjà soufferts.

L'armée française, au rer. avril, était déjà plus nombreuse que celle des alliés (1). Cependant le prince Eugène fit évacuer Dresde, et établit ses principales forces sur la Saale, la

(1) L'armée russe qui avait poursuivi les Français depuis Moscou, avait fait des pertes considérables et n'avait reçu aucun renfort. Elle avait été obligée, au contraire, de laisser des garnisons en Pologne, des corps de blocus devant Dantzick, Thorn, Modlin, Zamosk, Czenstochau et Custrin, et un corps d'observation sur les frontières de la Gallicie. A la vérité, elle se voyait renforcée par la jonction des troupes de la Prusse; mais cette puissance n'était pas encore en état de faire de grands efforts, et ses finances étaient extrêmement embarrassées.

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