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couvraient un espace de plus de quatre lieues. Toutes, excepté celles qui étaient consacrées au transport des munitions de guerre, étaient chargées de fourrages, de toutes sortes de vivres, et principalement de farine, de vins, de sucre, de café, de thé et de liqueurs. Elles emportaient aussi les riches dépouilles de Moscou, l'or, l'argent, les fourrures et toutes les choses précieuses que l'incendie avait épar gnées.

La température n'était pas encore froide le jour du départ; mais la pluie qui survint le lendemain rendit les chemins très difficiles. Les chevaux, qui étaient mal nourris, n'avaient point de force, et bientôt on fut forcé d'abandonner quantité de voitures. Le soldat manquait déjà de tout en arrivant, le 23, à Borrowsk, lieu qui était entièrement désert, et dont toutes les maisons furent livrées au pillage.

Le 24, à la pointe du jour, une forte canonnade se fit entendre. L'ennemi avait été rencontré à Maloï-Jaroslawetz, où il soutint up combat très vif; et il fut impossible de le forcer à quitter la position formidable qu'il occupait. L'action fut renouvelée le lendemain, et dirigée en personne par Napoléon, dont la garde de service fut tout-à-coup entourée d'une nuée cosaques poussant des cris épouvantables.

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Ils traversèrent le chemin en un instant, frappant de leurs lances tout ce qu'ils rencontraient, et leur impétuosité fut telle qu'on n'eut pas le temps de se mettre en bataille. Il paraît que cette charge, dont la hardiesse fut remarquable, puisqu'elle se fit sur le centre même de l'armée française, avait pour objet d'enlever Buonaparte; ce qui fut sur le point d'être exécuté. Plusieurs autres charges de cavalerie eurent lieu sur les derrières de l'armée, et les cosaques se montraient partout. Cependant le plateau de Maloï-Jaroslawetz fut emporté après une vive résistance de la part des Russes, qui ne cédèrent le terrain que pied à pied. Les Français eurent quatre mille hommes de tués et un pareil nombre de blessés : « Encore deux com. » bats comme celui-ci, disaient les soldats, et » Napoléon n'aura plus d'armée. » Les ennemis, à ce qu'on rapporte, furent plus maltraités encore. Le champ de bataille offrait un spectacle effrayant; les coteaux et les ravins étaient couverts de morts et de mourants. Au milieu des décombres de la ville, qui avait été incendiée pendant le combat, on découvrait les cadavres torréfiés des malheureux blessés qui s'étaient réfugiés dans les maisons, et que le feu y avait surpris. On pouvait juger par l'expression de leur physionomie et l'affreuse

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contraction de leurs membres, des tourments horribles qu'ils avaient soufferts.

Au lieu de poursuivre l'ennemi, comme tout semblait l'annoncer, l'armée fit un mouvement en arrière et se porta, dans la nuit du 26, vers Borrowsk. Cette ville était en feu lorsqu'on y arriva. L'armée en partit le lendemain et s'achemina vers Mojaïsk, pour rejoindre la grande route de Moscou à Smolensk. Comme Napoléon avait gardé le silence sur ses intentions, ce fut seulement alors qu'on put juger que la retraite était décidée.

On franchit avec la plus grande célérité l'espace qui sépare Borrowsk de Mojaïsk. La marche fut si rapide, que les cosaques eurent à peine le temps d'inquiéter l'armée, qui, de la sorte, gagna quinze lieues sur l'ennemi. Elle fut jointe à Mojaïsk par la jeune garde qui avait été laissée à Moscou, avec ordre de faire sauter le Kremlin. On avait rempli de poudre les caves et les souterrains pratiqués sous les édifices renfermés dans cette vaste enceinte. Des mèches, dont on avait calculé la longueur de façon que le feu ne gagnât les mines que lorsque les troupes seraient à une distance où elles ne pussent être atteintes, furent cachées en différents endroits. Les Français se furent à peine éloignés, qu'attirée, par l'espoir du pillage, la popu

lace se porta au Kremlin et se répandit dans tous les appartements (1). Bientôt les mines jouent, et des milliers de malheureux sont lancés dans les airs, puis ensevelis sous un amas de ruines. Ainsi disparut le Kremlin, ce monument singulier, d'un style à moitié oriental, à moitié italien. Le palais impérial de Péterskoé fut également l'objet des ordres barbares du moderne Attila; il fut en partie réduit en cendres. Buonaparte, avant son départ de Moscou, avait fait enlever la croix dorée de l'église d'Ivan Veliki, l'aigle qui surmontait la porte de Nikolski, et le saint George du Sénat. Il se proposait de les étaler à Paris; mais il n'y rapporta que la honte. Ces trophées d'une conquête extravagante furent repris par le général Winzingerode, et on les a replacés sur les édifices élevés sur les ruines de ceux dont ils faisaient l'ornement.

Le pays que l'armée française avait à traverser dans sa retraite, était désert; et, depuis six semaines, il avait été totalement dévasté, tant

(1) M. Bourgeois, Tableau de la campagne de Moscou, en 1812, pag. 91, est, je crois, le seul qui rapporte cette particularité. Il dit la tenir d'un officier de la jeune garde. Il est à remarquer cependant que cette garde était hors de Moscou lors que le Kremlin sauta.

par elle-même que par les Russes. De semblables ravages avaient été commis de chaque côté

du chemin à la distance de plus de dix lieues. Toutes les munitions de bouche consistaient donc en ce qu'on avait emporté de Moscou, et niême elles étaient déjà fort réduites par la consommation qu'on en avait faite depuis dix jours. On avait été forcé d'abandonner beaucoup de voitures chargées de vivres et de fourrages. Une grande partie de l'armée, qui avait occupé des positions autour de Moscou, n'avait pu se pourvoir de substances alimentaires; car elle y avait éprouvé des privations. Tous ceux qui sortaient de cette capitale étaient écrasés sous le poids de l'or, de l'argent et de quantité d'ob jels précieux, dont ils s'étaient chargés de préférence à des vivres. Ainsi, à quinze lieues seu lement du point de départ, l'armée manquait des choses de première nécessité. Pour comble de misère, l'hiver s'annonçait d'une manière effrayante; et on n'avait, pour se soustraire à la rigueur du froid, que les fourrures qu'on avait tronvées à Moscou. A la vérité, il était peu d'officiers qui n'en fussent munis; mais la plupart des soldats n'avaient que leurs vêtements ordinaires ; et un grand nombre d'entre eux manquaient de chaussures.

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On disposa les corps d'armée avec tout l'or

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