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tuelle de Napoléon n'avait rien ménagé pour faciliter leur retour. Il est donc très vraisemblable que ce sacrifice, bien que l'humanité doive en gémir sous plus d'un rapport, en occasionnant la ruine de l'armée de Buonaparte, a été une mesure utile à la Russie et même à l'Europe entière, qui peut dater, de cette époque, le commencement de sa délivrance.

CHAPITRE III.

Retraite de Moscou.

BUONAPARTE, renfermé dans le Kremlin, où il était revenu après que l'incendie eut cessé d'exercer ses ravages, et dont les portes étaient palissadées et les remparts hérissés de canons, eut recours à ses artifices accoutumés. Il fit croire à ses soldats qu'il allait prendre ses quartiers d'hiver, et que la paix était prochaine. Chaque jour on répandait de faux bruits : Riga s'était rendu; le maréchal Macdonald était entré à Saint-Pétersbourg et l'avait livré aux flammes; le chemin de Wilna à Smolensk était couvert d'innombrables chariots qui transportaient des vêtements d'hiver et d'autres objets nécessaires à l'armée; le maréchal Victor s'avançait avec de puissants renforts; dès le printemps l'armée française devait se trouver tout aussi formidable qu'elle l'était à l'ouverture de la campagne; si les Russes ne faisaient point la paix, Napoléon partagerait leurs possessions d'Europe eu deux grands duchés, sous la dénomination de duché de Smolensk et de duché de St.-Pétersbourg; et enfin l'empereur AlexanBuonap.

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dre, si on daignait le laisser sur le trône, ne régnerait plus qu'en Asie.

Tandis qu'on débitait toutes ces impostures, Napoléon faisait des propositions de paix qui étaient rejetées. Cependant il ne désespérait pas encore de traiter à des conditions avantageuses. Aveuglé par ses anciens succès, réfléchissant que le gain d'une seule bataille lui avait livré toute la monarchie prussienne; et que deux fois l'Autriche, épouvantée par la conquête de sa capitale, avait souscrit aux sacrifices les plus douloureux, rien ne lui paraissait impossible. Cette confiance en son étoile explique en partie le temps irréparable qu'il perdit sur les décombres d'une ville anéantie. Son indomptable orgueil ne pouvait si tôt se résoudre à plier sous le joug de la nécessité : il le fallut cependant. Buonaparte offrit de se retirer à Wiasma, si l'on voulait conclure un armistice; mais on lui répondit qu'on était surpris de recevoir une telle proposition à l'instant où la guerre allait seulement commencer pour la Russie.

Le prince Koutouzoff, en sortant de Moscou, où il s'était retiré momentanément après la bataille de la Moskowa, s'était porté vers le sud par les routes de Kalouga, de Toula et d'Arel, couvrant ainsi les riches provinces méridionales de la Moscovie. Il avait assis son camp

dans cette po

sur la rive droite de la Nara; et, sition, il recevait des vivres en abondance. Son armée s'était renforcée de plusieurs régiments d'infanterie, de bataillons de Landwehr, et de quatre-vingts régiments de cosaques du Don, ainsi que des malades et des biessés heureusement rétablis, et d'un nombre infini de volontaires. I surveillait sans relâche les mouvements de Buonaparte; il leresserrait journellement dans les environs de Moscou, qui n'étaient plus qu'un désert, et il lui coupait tous les vivres. Chaque jour des milliers de soldats français sortaient de leurs cantonnements, les uns pour découvrir un peu d'or au milieu des ruines, les autres pour chercher des subsistances et des fourrages;mais les forêts et les lieux marécageux étaient remplis de paysans armés qui fondaient à l'improviste sur eux ; et, s'ils en évitaient les coups, ce n'était le plus souvent que pour tomber entre les mains des cosaques. La position de Napoléon devenait donc tous les jours plus critique ; le mécontentement des soldats se déclarait hautement, et l'espoir d'obtenir la paix s'affaiblissait de plus en plus. Enfin il fallut, après un séjour de cinq semaines, se décider à quitter Moscou (1). Avant de commencer sa re

(1) Le 18 octobre, à la pointe du jour, Murat, qui comman

traite, Napoléon dit à ses soldats : « Je vais ss vous conduire dans des quartiers d'hiver : si » je rencontre les Russes, je les battrai ; si je » ne les rencontre pas, tant mieux pour eux. » Mais les Russes, quelque formidables qu'ils fussent en ce moment, ne devaient pas être les ennemis les plus terribles pour l'armée française.

Du 15 au ig octobré, cette armée, qui était réduite à environ cent mille hommes, partit de Moscou et dirigea sa marche vers Kalouga. Elle était suivie d'un nombre de voitures si prodigieux, que, marchant sur huit files, ce qu'un chemin três large permettait de faire, elles

dait un corps de quarante mille hommes, posté près du bourg de Taroutino, fut attaqué à l'improviste par une armée russe d'élite et aux ordres du général Benigsen. L'ennemi tomba sur la cavalerie légère dans le temps où elle était à pied, occupée à recevoir des vivres. Cette troupe aurait été entièrement sabrée si Murat n'était accouru à son secours, à la têté de sa grosse cavalerie. Les Français perdirent plus de deux mille hommes, tués ou blessés; et l'ennemi, s'il fallait en croire son rapport, se serait emparé d'un étendard d'honneur, de trente-huit pièces de canon, de quarante chariots de munitions, et de tous les bagages, y compris même ceux de Murat. Quoi qu'il en soit, les bruits de paix que Napoléon avait fait circuler dans son armée, ne pouvant plus se soutenir après cette affaire, il en profita pour don ner, le jour même, l'ordre du départ,

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