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qui cherchaient à mettre le feu en plusieurs endroits de ce palais, il se retira dans celui de Peterskoé, qui était situé hors de la ville.

On avait présumé d'abord que l'incendie de Moscou était occasionné, soit par quelque accident, soit par l'imprévoyance des habitants qui avaient laissé du feu dans leurs maisons, soit par la négligence des soldats; mais on ne tarda pas à reconnaître que cette catastrophe était l'effet d'un calcul suggéré par le désespoir. Le gouverneur, comte de Rostopchin, avait formé un corps d'incendiaires, composé d'agents de la police, de cosaques déguisés, de malfaiteurs à qui on avait rendu la liberté, et même, dit-on, de quelques étudiants en théologie, à qui l'on avait persuadé qu'ils feraient une action méritoire en livrant la ville sainte aux flammes, pour empêcher qu'elle ne fût profanée (1). On rapporté aussi que le pre

(1) Malgré le nombre considérable de personnes qui se réfugiaient journellement à Moscou, les habitants de cette ville furent tenus long-temps dans l'erreur sur la situation des choses. Le gouverneur leur protestait que, si le péril devenait imminent, il les en instruirait. Il avait coutume de leur dire : Soyez tranquilles; jamais les Français ne verront la tour d'Ivan. » La bataille de la Moskowa fut livrée, et, loin qu'on en fît connaître le véritable résultat, des salves d'artillerie et

mier qui, dans la nuit du 14 et 15 septembre, s'arma d'une torche enflammée, fut un carrossier, possesseur d'une immense quantité de voitures, auxquelles il mit le feu, afin qu'elles ne pussent être utiles à l'ennemi. Les deux tiers d'une des plus grandes cités du monde ne tardèrent donc pas à être réduits en cendres. Moscou vit disparaître ses édifices fastueux, ses coupoles dorées, les flèches de ses nombreuses églises, ses couvents, ses palais, ses hôtels magnifiques (1), ses bibliothèques, ses musées, et ses jardins délicieux tracés à l'imitation des jardins de Schiraz et d'Ispahan, tous ces asiles des sciences, des arts, des plaisirs et du goût,

des réjouissances publiques annoncèrent une victoire éclatante. Lorsqu'il ne fut plus possible de dissimuler, et que le général en chef cût réclamé l'exécution des mesures secrètes qui avaient été concertées d'avance, le gouverneur publia la marche victorieuse des Français, et ordonna à tous les habitants de se retirer, sous peine d'encourir la disgrâce de l'empereur et d'être considérés comme traîtres à la patrie. Il paraît qu'on eut peu temps pour se préparer: car on trouva une infinité de maisons où tout annonçait qu'on ne faisait que de les quitter. Ce fut seulement après l'évacuation qu'on ouvrit les prisons, et qu'on remit aux malfaiteurs les mèches au moyen desquelles ils devaient mettre le feu.

de

(1) Il y avait à Moscou seize cents églises, mille palais et hôtels en pierre, et huit mille maisons en bois.

les chefs-d'oeuvre des artistes les plus célèbres, et les fruits de la munificence de tant de souverains. Mais les flammes qui dévorèrent les édifices, allumèrent la vengeance dans le coeur des Russes; et son ardeur fut entretenue avec soin par les prédications des prêtres, par les discours du patriarche Platow, qui était âgé de près de cent ans, et par les proclamations énergiques du comte Rostopchin.

On arrêta quelques malheureux occupés à propager l'incendie, à l'aide de pièces d'artifice. Buonaparte les fit fusiller (1); et leur supplice n'empêcha pàs qu'ils ne trouvassent des imitateurs. On fit les plus cruelles menaces aux habitants de la campagne, qui livraient aussi aux flammes leurs propres villages. On les voyait, tenant d'une main leur femme ou quelqu'un de leurs enfants, et de l'autre un flambeau allumé, mettre le feu à leurs chaumières, à leurs meubles et à leurs vivres. Ils marchaient à la suite de l'armée, jusqu'à ce qu'ils eussent

(1) Il paraît que les incendiaires étaient au nombre de trois mille, qu'il y en eut cinq cents de mis à mort, et que les autres furent conduits, comme prisonniers de guerre, sur les derrières de l'armée. On avait donné l'ordre de tuer ces derniers, lorsque, épuisés de fatigues, ils ne pourraient plus continuer leur route; et leurs cadavres jonchaient les chemins.

trouvé un lieu de sûreté où ils pussent déposer leur famille, puis ils se joignaient aux combattants, ou allaient massacrer les Français sur les ruines de leurs habitations. Plusieurs starostes et notables furent traduits devant Buonaparte, qui leur enjoignit de maintenir la tranquillité dans leurs cantons, leur disant qu'il les en rendait responsables sur leurs têtes. Ces courageux et fidèles sujets lui répondirent qu'ils ne pouvaient recevoir ses ordres, et qu'ils étaient liés par leur serment de fidélité envers l'empereur Alexandre.

La ville de Moscou, quoique incendiée, renfermait encore des richesses immenses, fruits de son commerce avec l'Europe et l'Asie. Elles furent livrées au pillage (1), ce qui n'empêcha pas que bientôt les vainqueurs ne fussent plongés dans la plus profonde misère. La plupart des soldats n'avaient plus que des lambeaux pour vêtement. La garde impériale seule conservait un maintien militaire. La famine ne tarda pas non plus à faire éprouver ses horreurs, et elle s'accrut au point qu'il ne fut plus possible de se procurer un morceau de pain. Il y

(1) On trouva beaucoup de marchandises, telles que de Phuile, de la viande et du poisson salés, des vins, de l'eau-devie, et une prodigieuse quantité de sucre et de café.

avait des luttes continuelles entre les Français et les Russes, dans les jardins et dans les champs où l'on pouvait recueillir encore quelques ra

cines.

Il serait difficile de croire que, sous un prince humain, tel que l'empereur Alexandre, on eût pu, sans les motifs les plus puissants, ordonner une mesure aussi terrible que l'incendie de Moscou, dont on a cependant révoqué en doute l'utilité. On a prétendu qu'il n'était point nécessaire pour forcer les Français à la retraite. Un témoin oculaire de cette grande catastrophe, M. Labaume, qui a publié un livre intéressant sur la campagne de Russie, nous semble détruire complètement cette objection. Moscou, dit-il, était approvisionnée pour huit mois; l'armée française, en l'occupant, pouvait attendre jusqu'au retour du printemps, et rentrer en campagne avec les armées de réserve qui campaient à Smolensk et sur le Niémen; tandis qu'en brûlant cette capitale, on contraignait les Français à faire une retraite précipitée au milieu de la saison la plus rigoureuse. Il n'y avait pas lieu de craindre non plus, poursuit le même auteur, qu'ils prissent position nulle part, puisque leurs ravages avaient fait un désert de tout le pays qu'ils. avaient traversé, et que l'imprévoyance habi

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