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du 6 se passa en reconnaissances de part et d'autre, et en dispositions d'attaque de la part des Français. Les deux armées étaient à peu près de force égale, chacune d'elles se composant d'environ cent trente mille combat

tants.

Le 7, à deux heures du matin, Napoléon réunit ses maréchaux sur la redoute qui avait été emportée la veille. Il leur donna ses instructions; puis on lut à l'armée, qui était sous les armes, l'ordre du jour suivant:

<<< Soldats!

» Voici la bataille que vous avez tant de» sirée! Désormais la victoire dépend de vous; » elle vous est nécessaire; elle vous donnera » l'abondance, de bons quartiers d'hiver, et un » prompt retour dans la patrie. Conduisez» vous comme à Austerlitz, à Friedland, à » Witespk, à Smolensk; que la postérité la » plus reculée cite avec orgueil votre conduite » dans cette journée, et qu'on dise de vous : » ils étaient à cette grande bataille sous les » murs de Moscou. »

A six heures du matin, l'artillerie donna le signal du combat. L'astre du jour se leva radieux, et Buonaparte s'écria, dit-on : C'est le soleil d'Austerlitz! C'était celui du moins, qui,

devait éclairer son dernier triomphe (1). Tous les efforts des Français furent dirigés d'abord contre la gauche de l'ennemi, qui fut tournée. La gauche de l'armée française s'étant portée en avant, marcha contre le village de Borodino, dont elle s'empara. A sept heures, le maréchal Ney (2) attaqua le centre de la position de l'ennemi. Alors l'affaire devint générale, et de chaque côté, mille pièces de canon vomirent la mort avec un fracas épouvantable. Après quatre heures d'un combat opiniâtre et des plus sanglants, les Russes furent enfoncés et chassés des redoutes qu'ils avaient élevées en avant de leur gauche et de leur centre. Cependant ils parvinrent, après le premier choc, à se remettre en ligne sous le canon même des Français, et ils s'avancèrent en colonnes serrées pour reprendre leurs retranchements. Trois cents bouches à feu, et plusieurs charges de cavalerie, portèrent la mort dans leurs rangs; et, malgré des efforts prodigieux, ils furent repoussés de nouveau.

(1) Les avantages que Napoléon a obtenus les deux années suivantes, en Allemagne et en France, ne peuvent être comparés aux victoires qu'il avait remportées auparavant, et n'ont fait que retarder sa chute.

(2) Ce maréchal, qui contribua éminemment au succès de la journée, fut en conséquence créé prince de la Moskowa.

Les positions de droite de l'ennemi furent attaquées ensuite; on les enleva en peu d'instants; mais bientôt, assaillis par des forces supérieures, les Français en furent chassés à leur tour. Les Russes, encouragés par ce succès, se précipitèrent sur le centre de l'armée française; et le combat se ranima avec furie. Des troupes fraîches se portèrent contre les colonnes ennemies, qui restèrent long-temps immobiles et indécises sous le feu de cent pièces de canon. La cavalerie française les ayant alors chargées, se fit jour à travers leurs rangs, et les mit en déroute.

Telle fut cette bataille mémorable de la Moskowa, à laquelle les Russes donnent le nom de Borodino, et dont le gain fut plus funeste aux vainqueurs, que ne l'eût été la défaite la plus sanglante, puisqu'en leur livrant Moscou, cette fatale victoire leur a fait perdre le temps nécessaire pour opérer leur retraite.

Le 14 septembre, l'armée française parut devant l'ancienne capitale de la Moscovie, que les Russes révéraient à un tel point, qu'ils la qualifiaient de ville sainte et de Jérusalem nouvelle. Il y régnait le plus profond silence. L'ordre de l'évacuer entièrement avait été donné par le gouverneur comte de Rostopchin, et presque tous les habitants avaient obéi. Le petit nombre

de ceux qui étaient restés, et qui étaient ou des français, ou d'autres étrangers, s'étaient barricadés dans leurs maisons. S'il y avait quelques créatures humaines dans les rues, c'étaient des vieillards et des enfants, ou des hommes de la lie du peuple. Les églises étaient ouvertes et les autels parés comme aux jours des plus grandes solennités. Mille flambeaux y brûlaient en l'honneur des saints, sous le nom desquels ces temples étaient consacrés, et ils attestaient que, jusqu'à leur départ, les pieux Moscovites n'avaient cessé de les invoquer (i).

Buonaparte, qui s'était arrêté à l'une des portes de la ville, où il attendit que les magistrats vînssent le complimenter, n'ayant vu paraître personne, remit son entrée au lendemain. Elle se fit sans aucun appareil et par un temps nébuleux, ce qu'il fut loin, sans doute, de considérer comme un sinistre présage. Il n'en connaissait encore que de favorables, quoique déjà la fortune l'eût abandonné.

(1) Dans les premiers moments, des patrouilles nombreuses furent commandées pour parcourir la ville, et, à la lueur des feux qui s'élevaient de tous côtés, elles ne tardèrent pas à entrevoir des hommes couverts de lambeaux, qui couraient de place en place, et s'introduisaient dans les maisons pour y allumer les matières les plus inflammables.

Les Russes, en se retirant, avaient mis le feu à la Bourse, vaste et superbe édifice qui renfermait quantité de marchandises de prix. Dans la nuit du 14 au 15, un autre incendie éclata; mais on parvint à l'éteindre. Peu de temps après, des flammes s'élancèrent de toutes parts, et un vent violent, qui s'éleva le 16, à neuf heures du matin, en favorisa les progrès, auxquels les Français, étonnés de l'apathie que montraient le peu d'habitants restés dans la ville, n'opposèrent plus aucun obstacle.

L'embrasement alors devint général, et il dura six jours consécutifs. L'atmosphère était transformée en une voûte de feu, sons laquelle s'élevaient continuellement des tourbillons de fumée. Différents effets de lumière se succédaient rapidement sur ce vaste théâtre, dont l'embrasement offrait un caractère surprenant de majesté et de désolation. Mais ce n'était point une vaine illusion; partout on entendait les cris des malheureux atteints par les flammes et les rugissements des chevaux et des autres animaux domestiques qui se débattaient au milieu des habitations enflammées.

les

Buonaparte, qui s'était logé au Kremlin, put, comme un autre Néron, suivre des yeux progrès de l'incendie; mais lorsqu'on lui eût annoncé qu'on venait d'arrêter des misérables

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