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la France et avec le caractère national de ses peuples qu'il est si facile d'enflammer, surtout pour la gloire des armes. Tant que l'usurpation durera, quels que soient le caractère, le genre d'esprit et le talent de l'usurpateur et de tous ceux qui pourraient lui succéder, le trouble et la dévastation se perpétueront avec eux. L'usurpation, ainsi que l'usurpateur qui en est le pouvoir exécutif, ne peuvent se maintenir que par l'appui des armes; et pour conserver cet appui, il faut faire de la guerre un état permanent, il faut soudoyer amplement officiers et soldats, les employer sans cesse, leur offrir fréquemment l'attrait de la débauche et du pillage, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, laissant respirer un moment la partie dévastée, pour en aller ravager une autre, et revenir ensuite à celles qui ont eu le temps de se rétablir. Ce sera cette continuelle navette de manœuvres destructives qui réglera la nature des traités qui pourraient être stipulés avec cette monstrueuse et dévorante puissance. On aurait tort de s'en étonner, puisque c'est un besoin absolument nécessaire au maintien de son existence.

» Une dernière question, et qui est la plus essentielle, la plus importante de toutes à bien considérer, c'est de savoir s'il existe, s'il peut exister un remède plus efficace à opposer à l'usurpation que celui de la légitimité. On répond encore positivement: Non... Tout autre participerait plus ou moins du vice inhérent à l'usurpation.

» Il s'agit donc maintenant de résoudre ce grand problème auquel tient l'existence de toutes les sociétés. D'un côté, sous les étendards de l'usurpation se pressent en foule tous les fléaux qui affligent aujourd'hui les nations le meurtre, le brigandage, le mépris de toutes les lois, le renversement de toutes les contitutions qu'un long espace de temps avait consacrées, l'abandon de toute moralité, la dépravation des peuples et la dissolution entière des sociétés. D'autre part, sous la bannière de la légitimité replacée dans son poste, se rassemblent, par l'effet

naturel de la nécessité, tous les attributs propres à réparer les malheurs passés, à prévenir ceux de l'avenir: la paix, la concorde, le retour des idées morales, le respect pour la religion, qui est le premier anneau où s'attache le bonheur des peuples; enfin tous les principes conservateurs de l'ordre politique et social. Il ne s'agit plus d'aucune opinion particulière sur le caractère, sur la capacité de celui qui, revêtu par l'ordre des destinées, du droit de légitimité, serait appelé à venir l'exercer. Eût-il tous les défauts réunis, au lieu des qualités que possède celui en qui réside aujourd'hui ce droit, il lui serait impossible, absolument impossible de ne pas faire asseoir avec lui tous les principes tendant à établir, maintenir et prolonger au dehors comme au dedans la tranquillité et l'harmonie, dont toutes les plaies à guérir dans son royaume lui feraient une indispensable nécessité.

>> On pourrait donc réduire toutes ces questions à deux principes:

» L'usurpation prolongée doit perpétuer pendant plus d'un demi-siècle la guerre et tous les fléaux qu'elle entraîne.

» La légitimité replacée sur le trône de France peut seule rendre le repos à l'ordre politique et social, et donner à l'Europe une paix générale.

>> C'est donc entre ces deux systèmes que les arbitres du sort de l'Europe, les souverains et leurs ministres ont à choisir. Toute autre idée partielle, tout autre intérêt individuel ne saurait être mis dans la balance, avec la vérité fondamentale qu'on a cherché à développer. Elle est la clef de la grande voûte, de laquelle dépend la conservation ou la ruine de tous les autres édifices politiques, dont une si grande partie a déjà été renversée depuis vingt années par le fléau dévorant de l'usurpation.

>> Lorsque la Providence aura jugé dans sa sagesse que le temps est arrivé de dissiper la nuit épaisse qui empêche encore de voir et de saisir le véritable fil de direction dans ce dé

dale politique, lorsqu'elle voudra enfin faire cesser cette plaie désastreuse dont elle punit et afflige l'humanité, alors les regards se reporteront sur Louis XVIII, et l'épigraphe qui précède cette note trouvera sa juste et entière application. »

Nous trouvons, répétons-le, dans cette note, reflet complet des opinions, des préjugés aveugles et des espérances des anciens royalistes en 1812, la pensée tout entière de 1814.

Qui eût montré cependant à Napoléon, maître du Kremlin, le nuage royaliste qui se formait à Paris; qui lui eût découvert cette note, où l'outrage burlesque à nos armées victorieuses coudoie une appréciation très-juste de la prochaine réaction bourbonnienne; qui eût mis sous ses yeux les petites intrigues de quelques émigrés rentrés en France grâce à sa protection, l'aurait fait sourire de pitié. Napoléon ne prenait point au sérieux les Bourbons, et la retraite d'Hartwell ne le préoccupa jamais. Il s'inquiétait davantage du parti républicain, des idéologues. La conspiration Malet, dont l'audace dépasse tout ce que l'on connaît en ce genre, lui révéla des dangers d'une nature autre que les prétentions du frère de Louis XVI, et qui lui prouvèrent combien son établissement dynastique avait peu jeté de racine dans l'esprit national.

L'armée française quittait les ruines de Moscow, lorsque cette conspiration éclata. Tous les incidents en sont remarquables.

Ici, ce n'est plus le culte platonique de quelques vieux royalistes qui se nourrissent de conjectures sur les éventualités d'une restauration; c'est un homme hardi, déjà éprouvé dans les sociétés secrètes, dans les complots. Après avoir froidement calculé toutes les chances, étudié le diagnostic de l'opinion pu blique, et reconnu que l'empire n'est qu'un fait, il essaie de supprimer ce fait par un coup de main, sauf à faire ensuite un appel au droit et à galvaniser la fibre révolutionnaire. Les conspirations de place publique, dont le plan se trame à huis los, pour renverser les pouvoirs établis, n'ont pas ordinaire

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