Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

ajournée jusqu'après l'audition des ministres. Un message est envoyé à la chambre des Pairs et à l'Élysée, porteur du décret de l'Assemblée. Dans l'intervalle arrive une communication de l'empereur, qui annonce son retour dans la capitale, cherche à pallier le désastre de Mont-Saint-Jean, et termine en disant qu'il est venu à Paris « pour conférer avec les ministres sur les moyens de rétablir le matériel de l'armée, et pour se concerter aussi avec les Chambres sur les mesures législatives qu'exigent les circonstances. >>

Solennels et pleins de gravité, les événements demandaient une grande énergie. Les deux pouvoirs législatif et exécutif se trouvaient en présence, c'est-à-dire la liberté et le despotisme, chacun épiant la conduite de l'autre, et prêt à profiter de la moindre faute de son adversaire pour l'absorber et l'anéantir. Quand l'ennemi était à nos portes, quand toutes les forces régulières du pays venaient d'être si violemment rompues par la catastrophe du 18 juin; lorsque les forces populaires, si puissantes dans leur irrégularité, pouvaient seules désormais sauver la patrie les rouages compliqués de la pondération des pouvoirs et de la royauté constitutionnelle devenaient un embarras fatal. Mais la dictature serait-elle exercée par Napoléon ou par les représentants de la nation; par les ministres, instruments dociles d'un maître, ou par un comité de salut public, bras intelligent et rapide de la souveraineté du peuple?

Les ministres n'ont point encore accédé à l'invitation. Un second message plus pressant leur est transmis. Enfin Carnot, Caulincourt, Fouché et Davoust écrivent au président qu'ils vont se rendre au sein de l'Assemblée. Quelques instants après, Lucien Bonaparte et les ministres sont introduits. Lucien a été nommé par l'empereur commissaire extraordinaire; sa mission est de se concerter avec l'Assemblée sur des mesures de prudence. Il demande le comité secret. Les tribunes sont évacuées; le voile des fictions officielles va se déchirer.

[graphic][subsumed][merged small][ocr errors]

Un profond silence se fait. Lucien donne lecture aux représentants d'un message de Napoléon qui contient l'exposé de la situation de l'armée. Les représentants y sont invités «‹ à s'unir avec le chef de l'État pour empêcher que la patrie ne retourne sous le joug des Bourbons, et ne devienne, comme les Polonais, la proie des Cosaques. » L'empereur propose que les deux Chambres nomment respectivement une commission de cinq membres, qui se concertera avec les ministres sur les mesures de salut public et sur le moyen de traiter de la paix avec les coalisés.

A peine cette lecture est-elle achevée que l'orage éclate. De toutes parts des cris, des interpellations s'élèvent contre les ministres. On dit que l'empereur ne demande la nomination des deux commissions que pour détourner l'attention de l'Assemblée et lui donner une satisfaction illusoire. Le représentant du Gard, Henri Lacoste, parvient à dominer le tumulte.

« Au nom du salut public, s'écrie-t-il, je demanderai au chef de l'État de nous dévoiler le secret de ses pensées, de sa politique; de nous apprendre le moyen de fermer l'abîme entr'ouvert sous nos pas... C'est à Napoléon seul que l'Europe a déclaré la guerre! Séparerez-vous désormais la nation de Napoléon? Pour moi, je le déclare, je ne vois qu'un homme entre la paix et nous. Qu'il parte, et la patrie sera sauvée ! »

Lucien Bonaparte s'élance à la tribune. Tant d'audace étonne le frère de Napoléon.

«Eh quoi! aurions-nous encore la faiblesse de croire au langage de nos ennemis? Leur but, en cherchant à isoler la nation de l'empereur, est de nous désunir pour nous vaincre, et nous replonger plus facilement dans l'abaissement et l'esclavage! Songez que notre salut dépend de notre union, et que vous ne pouvez vous séparer de l'empereur, l'abandonner à ses ennemis : sans perdre l'État, sans manquer à vos serments, sans flétrir à jamais l'honneur national!

-« Vous nous accusez de manquer à nos serments, réplique Lafayette, à nos devoirs envers l'honneur et Napoléon ! Avezvous oublié ce que nous avons fait pour lui? Avez-vous oublié que les ossements de nos enfants, de nos frères, attestent partout notre fidélité, dans les sables de l'Afrique, sur les bords du Guadalquivir et du Tage, sur les rives de la Vistule et dans les déserts glacés de la Moscovie? Depuis plus de dix ans, trois millions de Français ont péri pour un homme qui veut lutter encore aujourd'hui contre toute l'Europe! Nous avons assez fait pour lui; maintenant, notre devoir est de sauver la patrie ! »

De part et d'autre l'irritation est à son comble. Enfin les ministres sont entendus; ils présentent des états dans lesquels ils ont énuméré toutes les ressources et toutes les forces qui restent au pays. Ils démentent énergiquement les bruits qui leur ont attribué la pensée d'une dissolution de l'Assemblée. La séance se termine par un vote pour la nomination de la commission qui devra se concerter avec le cabinet. Dans la séance publique qui suit, il est décidé que cette commission sera formée du président et des quatre vice-présidents.

Pour tous ceux qui n'avaient pas assisté à la discussion secrète, ce résultat semblait destiné à resserrer l'accord entre les deux pouvoirs, puisque l'Assemblée avait adopté le projet de décret impérial portant formation de la commission de cinq membres; mais pour ceux qui savaient les violents débats des représentants, qui avaient entendu les véhémentes sorties de Lacoste et de Lafayette, soutenues, applaudies par une grande partie de leurs collègues; pour ceux-là il ne restait plus à Napoléon qu'un seul parti à prendre s'il voulait sauver sa couronne : la dissolution de la Chambre. Il en fut question à l'Élysée; on discuta longuement les avantages et les dangers de cette mesure. On disait que plusieurs représentants, entre autres Lafayette, Sébastiani, Duchêne, étaient résolus à demander lo

« ZurückWeiter »