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exclusivement calculée sur le rétablissement de l'ordre général... Le gouvernement britannique ne visait qu'à des garanties temporaires (l'occupation de certaines forteresses)... il insiste sur l'intégrité du territoire français, tel qu'il était en 1790 » (1).

Les patriotes allemands étaient consternés: « Nous sommes en danger de conclure une nouvelle paix d'Utrecht, écrivait le général Gneisenau à son ami le poète Arndt, et ce danger vient du même côté qu'autrefois. L'Angleterre ne veut pas qu'il arrive de mal à la France : pas de cession de territoire » (2).

Tout le mois d'août se passa en négociations secrètes; et le 19 septembre seulement, Talleyrand reçut de la part des plénipotentiaires des quatre Cours l'ultimatum des garanties qu'ils réclamaient de la France (3). On rectifiait nos frontières, de manière à les réduire à un système purement défensif. Au Nord et à l'Est on nous prenait 10 places fortes et on allait en occuper 12 pendant sept ans, à moins qu'au bout de trois ans, la situation pacifique de la France permit de supprimer cette mesure. Nous devions payer 800 millions dont 200 devaient être appliqués à bâtir contre nous des fortifications sur territoire belge et allemand.

Les plénipotentiaires français répondirent, le 21 septembre, qu'ils « ne pouvait pas y avoir droit de conquête hors de l'état de guerre: pour qu'il puisse y avoir conquête, il faut qu'il y ait guerre contre le Souverain du

(1) Gentz, Dépêches aux hospodars de Valachie, I, 176, du 5 septembre 1815.

(2) 18 août. Dans Pertz, Aus Stein's Leben, Berlin, 1857, II, 266; cité par Sorel, La seconde paix de Paris, p. 146.

(3) 51e Protocole des conférences des quatre cours. Talleyrand, Mémoires, III, p. 277.

pays. Or, dans la circonstance actuelle, il ne pouvait y avoir de conquête, puisqu'on n'était pas en guerre avec Louis XVIII, seul souverain de la France » (1). La France admettait pourtant une indemnité pécuniaire, et si un sacrifice territorial était indispensable, elle demandait au moins les limites de 1789.

Cette note était par trop subtile (2) et métaphysique, et les alliés répliquèrent le lendemain, que la France devait donner de nouveaux gages de sécurité... « MM. les plénipotentiaires de France admettent le principe des cessions relativement aux points que le traité de Paris avait ajoutés à l'ancienne France. Les soussignés ont de la peine à comprendre sur quoi cette distinction pourrait être fondée..... Il est impossible de supposer que MM. les plénipotentiaires voulussent reproduire... la doctrine de la prétendue inviolabilité du territoire français... (Malgré les cessions qu'on lui demande) la France n'en restera pas moins un des États les mieux arrondis, les mieux fortifiés de l'Europe »> (3).

Le 26 septembre, le duc de Richelieu succéda à M. de Talleyrand. Il pensait obtenir du tzar auquel il avait rendu quelques services comme gouverneur d'Odessa, des changements sensibles dans l'ultimatum des puissances. A ce moment surtout, il se manifestait chez elles un renouveau de convoitises. L'Autriche parlait de revendiquer l'Alsace et la Lorraine, et le roi des Pays-Bas, depuis que Waterloo avait ensanglanté son royaume, avait de folles terreurs et demandait la Flandre. Le démembrement des trois provinces fut si bien arrêté, qu'une ligne d'encre bleue tracée

(4) Angeberg, p. 1526.

(2) Metternich pensa même qu'elle était l'œuvre de Mlle de La Besnardière.

(3) Note du 22 septembre 1815, op. cit., p. 1536.

sur la carte désignait ces nouveaux sacrifices. L'empereur Alexandre déclarait à ce sujet à Richelieu, qu'il n'était pas absolument maître d'une négociation qui se suivait à quatre mais que jamais sa signature ne serait au bas d'un projet qui abaissait tellement la France pour agrandir l'Allemagne (1).

L'influence russe s'exerça heureusement le 4 octobre, un nouveau protocole fut signé. On ne nous demandait. plus que Philippeville, Marienbourg, Givet, Sarrelouis, Landau, le fort de Joux et l'Ecluse. Depuis le Rhône jusqu'à la mer nous reprenions notre frontière de 1790, c'est dire que nous devions restituer la partie de la Savoie que nous avait laissée le traité de Paris du 30 mai (2). L'occupation militaire était réduite à cinq ans et pouvait cesser la troisième année suivant l'état intérieur de la France. La contribution de guerre était de 700 millions, dont la plus grande partie devait servir à élever des forteresses. Le traité définitif fut signé le 20 novembre. «< Tel qu'il est, remarque M. Sorel, ce traité doit être cité comme un des rares exemples de sagesse et de modération que nous présente l'histoire » (3). Est-il téméraire d'ajouter que la France dut son salut au principe politique qu'on faisait profession de suivre et dont nous essayons de marquer les manifestations diverses?

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donnée à l'Europe. Les diplomates, qui l'avaient élaborée, avaient pensé que le bonheur du continent ne serait assuré qu'en maintenant cette œuvre dans ses principes et dans les conséquences qu'ils feraient naître. Les Anglais trouvèrent la garantie nécessaire dans l'alliance qu'ils firent conclure à Chaumont, entre les quatre grandes Cours, le 7 mars 1814, alliance qui devait durer vingt ans et qui fut renouvelée à Vienne le 25 mars 1815 et à Paris le 20 novembre de la même année. Les alliés promettaient de s'unir contre la puissance européenne qui essayerait de rompre l'ordre établi. L'Empereur Alexandre, d'une race moins positive, voulut, à sa manière, protéger le système européen et il institua la Sainte-Alliance. Elle donnait les peuples et les Etats en garde à la Providence divine. Les trois monarques de Russie, de Prusse et d'Autriche ne voyaient en eux que des frères, se prêteraient << en toute occasion et en tout lieu, assistance, aide et secours et se considéraient « comme membres d'une même nation chrétienne» (1). L'acte de la Sainte-Alliance fut signé le 26 septembre 1815, à Paris (2). L'Angleterre n'y adhéra pas, non à cause des déclarations de principes qui s'y trou vaient, mais parce que sa Constitution exigeait la contresignature d'un ministre responsable et l'acte en question était conclu directement entre les souverains.

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Telle fut du moins la raison officielle du refus des Anglais. La quadruple alliance de Chaumont leur suffisait, elle était plus précise, moins spirituelle et susceptible de remplir aussi bien son rôle de défense européenne que

(1) Art. I et II.

(2) On ne le connut que par la publication que lui donna l'Empereur Alexandre le jour de Noël 1815 (6 janvier 4816). (De Kock et Scholl, Histoire abrégée des traités de paix).

« cette apocalypse diplomatique » (1). L'alliance de Chaumont et la Sainte-Alliance constituaient une aristocratie avouée des grandes puissances, représentant en quelque sorte « un Sénat européen auquel il ne manquait qu'une forme régulière et immuable» (2). Cette aristocratie se crut indispensable au maintien de la combinaison d'Equilibre qu'on avait réalisée à Vienne, C'est là un point à retenir nous nous trouvons ainsi en présence d'un organe qui n'a d'autre utilité que de faire respecter l'ordre établi au nom de l'Equilibre. Cet organe, qui fut le concert européen, devait nécessairement naître, semble-t-il, le jour où l'on voudrait appliquer d'une manière continue et scientifique le principe de la balance des forces. Le concert européen est donc une conséquence directe de ce principe et ses actes les plus remarquables, que nous allons essayer d'examiner, seront essentiellement des actes d'Equilibre.

Au lendemain du 20 novembre 1815, la France restait en tutelle les envoyés des quatre Cours avaient eu l'ordre de se former en une conférence permanente dans laquelle on examinerait fréquemment l'état du pays, les mesures qu'il pourrait rendre nécessaires de la part des alliés et les conseils qu'il convenait de donner aux cabinets des Tuileries.

Ce fut la première intervention due aux principes de la Sainte-Alliance. Gentz appréciait en ces termes cette politique « Le système qui s'est établi en Europe depuis 1814 et 1815 est un phénomène inouï dans l'histoire du monde. Au principe de l'Equilibre ou pour mieux dire, des contrepoids formés par des alliances particulières, principe qui a gouverné et trop souvent aussi troublé et ensanglanté l'Europe pendant trois siècles, a succédé un prin

(4) Gervinus, I, 334.

(2) Heeren, Manuel historique des Etats de l'Europe, II, p. 197.

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