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guerre fût née de cette triple alliance et qu'une victoire eût laissé des dépouilles, croit-on que Talleyrand n'eût pas tendu les deux mains pour prendre la part de la France?

Il est vrai qu'avec le roi de Saxe sur le Rhin, les frottements de la Prusse et de la France que rêvait l'Angleterre (1) ne pouvaient plus se produire. Sur ce point Talleyrand remarquait, que nous ne pouvions pas faire de conquêtes sur un État qui serait notre protégé et qu'il nous faudrait abandonner désormais toute vue sur le Rhin. Mais sans parler d'offensive, la Saxe placée sur ce fleuve eût-elle fortifié notre système de défense, eût-elle résistée plus que la Bavière à l'hégémonie prussienne? Beaucoup affirment que non.

Malgré le secret gardé sur l'alliance défensive du 3 janvier, il apparaît une telle résolution dans l'attitude des. puissances alliées que les Russes et les Prussiens sont intimidés; et comme tout le monde a peur de la guerre, on demanda un contre-projet à Metternich. A ce moment, les Français furent admis aux conférences, Gentz écrit à l'hospodar, le 4 janvier : «Du moment qu'il s'est manifesté que les puissances alliées ne pouvaient se mettre d'accord entre eiles, M. le prince de Metternich, de concert avec lord Castlereagh, a hautement demandé l'admission des plénipotentiaires français (2).

D

Le contre-projet autrichien fut prêt le 28 janvier; il exposait que l'Autriche avait cru pouvoir établir « des idées d'Équilibre sur le principe de la reconstruction de la

(4) Castlereagh à Wellington le 10 oct.« Je suis toujours porté à reprendre la politique que M. Pitt avail fortement à cœur, et qui consiste à mettre la Prusse en contact avec la France sur la rive gauche du Rhin. (Letters, and Dispatches. 17.)

(2) Dépêches, I, 139.

monarchie prussienne sur l'échelle la plus forte de ses dimensions antérieures. Plus l'Autriche a prouvé qu'elle regardait la puissance prussienne forte et indépendante, comme un poids nécessaire dans la balance des grands intérêts de l'Europe, moins l'empereur a dù prévoir que les matériaux pour la reconstruction et pour le renforcement de la monarchie prussienne seraient pris sur des objets qui compromettent directement les intérêts de la monarchie autrichienne. Ce résultat pourrait avoir lieu dans plusieurs suppositions... 2o Par l'incorporation de la Saxe à la Prusse ou par des coupures de la Saxe tellement fortes que le roi ne trouverait plus dans les bornes étroites de sa nouvelle position des moyens d'administration utile; 3° par un déplacement du roi de Saxe en le transférant sur un point où il se trouverait sous l'influence directe d'une puissance étrangère aux liens fédératifs de l'Allemagne » (1). Et Metternich offrait aux Prussiens 800.000 Saxons. Hardenberg céda enfin : « S. M. prussienne consentait à ce que le roi de Saxe fùt rétabli dans une partie de ses États » (2). Il restait au roi dépossédé plus de 1.300 mille àmes, de quoi constituer un état de troisième classe, formant une masse importante dans le système politique de l'Europe centrale (3).

Pour incliner les Prussiens à la conciliation, Alexandre se crut obligé de leur donner en Pologne plusieurs palatinats, dont le grand duché de Posen. La Prusse, sans rentrer dans tout ce qu'elle avait possédé, gardait pourtant

(1) Annexe B au 4e protocole de la séance du 28 janvier des Plénipotentiaires des Cinq puissances. Angeberg, 677-678.

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(3) Lettre de Talleyrand à Louis XVIII, du 15 février 1815, Mem., III, 61. Traité entre la Saxe et la Prusse, signé à Vienne le 18 mai 1815. Annexe no 4 à l'acte final du Congrès de Vienne. Angeberg 1191 et 1393.

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les meilleures places sur la Vistule (Dantzick, Grandentz, Thorn...) comme ligne de défense (1). De son côté l'Autriche recouvrait en Galicie, les districts qui en avaient été détachés par le traité de Vienne de 1809 (2).

Malgré ces différentes cessions, l'empereur Alexandre gardait ce qui constituait essentiellement la Pologne, c'està-dire le bassin de la Vistule de Sandomir à Thorn. Il devait avoir ainsi Varsovie et il avait a peu près « gagné cette espèce de gageure qu'il soutenait contre l'Europe » (3). La répartition entre les trois puissances était done loin d'être égale, comme le désirait l'Angleterre pour mainte nir l'Equilibre du Nord. Castlereagh en manifestait beaucoup de regrets « Le vou que sa cour a constamment manifesté a été de voir en Pologne un État indépendant, plus ou moins considérable en étendue, qui serait régi par une dynastie distincte et formerait une puissance intermédiaire entre les trois grandes monarchies (4). Mais l'empereur de Russie persistant dans son projet et l'Autriche et la Prusse ne s'y opposant plus « il ne reste plus au soussigné, qui néanmoins ne peut se départir de ses représentations premières à ce sujet qu'à former sincèrement le vœu qu'il ne résulte, pour la tranquillité du Nord et l'Equilibre général de l'Europe, aucun des maux que cette mesure peut faire craindre... »

La réponse des ministres russes est remarquable au point de vue des principes qu'elle expose. L'Empereur protégera la nationalité polonaise, autant que cela

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(1) Traité entre la Prusse et la Russie du 3 mai 1815. Annexe

no 2 à l'acte final; op. cit., 1454.

(2) Traité entre l'Autriche et la Russie, du 3 mai 1815.

no 1 à l'acte final; op. cit.; 1147.

(3) Thiers, Consulat et Empire, XVIII, 554.

(4) Circulaire de Castlereagh du 12 janvier, op. cit., p. 795.

Annexe

peut se concilier avec le maintien d'un juste Equilibre entre les Puissances de l'Europe, qu'une nouvelle répartition de forces doit désormais établir. A cette considération se joignent celles non moins importantes qui démontrent l'impossibilité de faire renaître, dans l'ensemble de ses combinaisons primitives, cet ancien système politique de l'Europe dont l'indépendance de la Pologne faisait partie... (L'Empereur aura ainsi établi) un système d'Équilibre, qui placé désormais sous la sauvegarde des puissances du premier ordre et à l'abri de toute prépondérance, aura acquis par la politique loyale de la Russie les moyens de résister, s'il le faut, à la force même qui aura le plus contribué à l'établir » (1).

Il restait, pourtant, des débris de la Pologne une imperceptible république, Cracovie (2), qui fut ville libre jusqu'en 1846. A cette époque, l'Autriche l'annexa, parce que la ville, loin d'être un centre d'études, était devenue un foyer de désordre et le refuge des révolutionnaires (3).

III

Les affaires de Saxe et de Pologne terminées, on put travailler sans arrière-pensée (4) au véritable objet du

(1) Note de Rasoumoffski et Nesselrode du 19 janvier. Annexe sub. litt. N. au protocole du 21 février. Angeberg, p. 798.

(2) Tr. de Vienne du 3 mai 1815, annexe no 3 à l'acte final; Angeberg, p. 1165.

(3) V. note autrichienne du 10 décembre 1814. Constitution de la République de Cracovie du 3 mai 1815, et convention de Vienne du 6 nov. 1846 entre l'Autriche, la Prusse et la Russie. Martens, Nouveau recueil, IX, 380.

(4) Cela finit bien, disait le comte Pozzo di Borgo, nous n'avons

Congrès, la reconstruction de l'Europe. Et ce but semblait maintenant si simple à atteindre, les bases générales en ayant déjà été posées au traité de Paris du 30 mai, qu'on chargea Gentz de préparer un projet de Déclaration annonçant la fin des travaux; le secrétaire l'apporta le 20 février, elle était conçue en termes élevés : « Il s'agissait de reconstruire l'édifice politique avec les vastes décombres dont un bouleversement affreux avait couvert le sol de l'Europe, de relever et de fortifier des États nécessaires au système général, qui s'étaient entièrement écroulés sous le poids de leurs infortunes, de rendre à d'autres leurs justes dimensions... d'empêcher enfin par une sage répartition des forces entre les principaux corps politiques la funeste prépondérance d'un seul et le retour des dangers, dont l'exemple venait d'effrayer et d'instruire le monde... Les souverains sont plus que jamais convaincus... que les traités les plus solennels ne sont que des ressources impuissantes, si la justice et la modération ne dirigent pas les conseils des Cabinets, et que la meilleure garantie de la tranquillité générale est la volonté ferme de chaque puissance de respecter les droits de ses voisins et la résolution bien prononcée de toutes, de faire cause commune contre celle qui, méconnaissant ce principe, franchirait les bornes que lui prescrit un système politique revêtu de la sanction universelle... » (1)

que

Cette Déclaration contenait implicitement le plan de ce l'Assemblée réunie à Vienne avait encore à faire. Le grand problème à résoudre était qu'aucun État n'étant assez fort pour envahir, il le fût assez pour se conserver

perdu que l'illusion du sentiment, nous en sommes maintenant à un mariage de raison sans amour et sans divorce possible. » (Villemain, Souvenirs, II, 70).

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