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obtenue sur Chaline, Marolle, Martignac, Lavalterie, Tarteron, et plusieurs autres traducteurs. Enfin c'est un athlète que je ne veux pas blesser, à qui même je ne dispute rien: je viens seulement rompre une lance. pour Juvénal dont la réputation m'est chère, parce qu'il ne s'est proposé que le bonheur des humains. Je prétends relever sa statue, rendre à sa taille le port majestueux que je lui connois, réparer les traits mutilés de sa physionomie, faire entendre à peu près son langage, et détruire le préjugé qui a terni sa gloire. J'oublie M. D. pour remonter à la source de ses méprises, et j'aggrave la témérité pour qu'on me la pardonne; car je déclare la guerre à Schrévelius et à ses associés du commentaire Variorum, cet antique colosse qui n'a d'imposant que son nom.

Quoi ! le grand nombre des lecteurs resteroit dans le doute d'entendre le plus sublime des poëtes, parce qu'il a plu à Lubinus, Turnebius, Farnabius et autres de le défigurer, ou à Schrévelius de leur prêter des inepties puériles ou grossières ! Par quelle manie ont-ils tout expliqué? ou par quelle fatalité le jugement n'est-il pas toujours le premier attribut du savoir ? Là ils vous présentent un sens unique, mais il est faux. Ici vous en trouvez plusieurs, tous op posés entre eux, et noyés, qui plus est, dans un fatras d'éru dition étrangère au sujet; ensorte qu'ils ont égaré ou embrouillé le timide lecteur, et répandu l'obscurité sur un poëte qui n'en présente aucune quand on lui donne l'attention qu'il mérite. Qui pourroit se défendre d'un sentiment

de pitié en voyant Schrévelius, après avoir planté les ronces et les épines dans le champ qu'il devoit labourer, se rengorger, s'applaudir ridiculement par des pièces de vers?

J'entends quelqu'un qui me dit à l'oreille: Ce début est trop ferme, trop positif; et n'eût-on pas soi-même besoin d'indulgence, encore devroit-on ménager les autres. Il falloit m'avertir plutôt ; au lieu de mon avis, je vous aurois rapporté celui d'Henninius dans ses Prolégomènes, que vous trouverez en tête de la belle édition de Juvénal, Utrecht, 2685, in-4°. Il disoit à l'occasion des notes de Schrévelius et compagnie, «que les savans étoient indignés de voir » que des inconnus, possédés de je ne sais quelle fureur » bacchique, eussent osé sans jugement, sans commiséra» tion, déchiqueter par lambeaux les commentaires des » érudits; et, fiers de leurs pitoyables rapsodies, les pro» duire sous le titre fastueux de Variorum.» Si vous ne m'en croyez pas, lisez ses propres termes que voici : De notis Variorum, quæ sunt ex doctorum commentariis a Corn. Schrevelio aliisque excerpta interpretationes, nemini ignotæ esse possunt eruditorum querelæ, quibus displicent qui nescio quibus agitati bacchicis furoribus, quosvis doctorum labores in pannuceos centunculos sine nomine, sine judicio, sine miseratione dilacerant ; et dein miserabiles suas quisquilias invidendo, splendido VARIORUM titulo ostentant. Je vous aurois rapporté encore le sentiment de M. Sélis, qui a traduit Perse avec succès, et qui par état avoit droit de prononcer sur cette matière. Voici la remarque qu'il a faite, note 18

sur la première Satire: «On sait que les commentateurs » sont en possession d'expliquer grossièrement ce qui est » fin, et finement ce qui est simple. »

On me réplique que mes citations sont exactes, mais qu'il ne suffit pas d'imputer vaguement des méprises. Quoi! vous exigez que je relève toutes les fautes de sens de ce commentaire ! que je rapporte sur chacune les preuves historiques, grammaticales ou de raisonnement! que je fasse bâiller le lecteur dès le premier vers de la première satire! que je mortifie par contre-coup M. D. et lui donne lieu de soupçonner que je me suis ménagé des jouissances qui n'appartiennent qu'à l'envie ! Non, jamais. Comment donc faire ? car enfin il faut prouver, sans quoi votre traduction est inutile. Eh bien, je consens de choisir trois méprises bien marquées, parmi celles faites sur la première Satire seulement, et de les relever dans mes notes. Dans le cours de cette Préface, je serai contraint d'en indiquer quelquesunes encore ; mais c'est tout ce que je puis faire, et ma traduction doit tenir lieu des autres remarques.

On voit par ce que je viens de dire, que j'ai fait quelques notes sur chaque satire ; et j'observe à ce sujet, qu'il est bien difficile de pressentir les connoissances ou le degré d'attention des lecteurs pris en général, puisqu'il est impossible de connoître ceux que l'on doit avoir. J'ai donc pris le parti de ménager les notes, et de rassembler dans ce Discours la matière de beaucoup d'autres. Cependant, si quelqu'un trouve que j'en aie fait d'inutiles, voici ma

réponse. Le voyageur qui connoît bien sa route, s'amuse à considérer les sinuosités du ruisseau qui fertilise une prairie émaillée de fleurs, la sombre majesté d'une épaisse forêt, ou la molle ondulation des épis balancés par le volage amant de Flore: au contraire, celui qui fait pour la première fois une route de longue haleine, s'arrête tout court à l'aspect d'une étoile qui lui présente plusieurs chemins, il examine tous les poteaux, et questionne encore les passans dans la crainte de s'égarer: ainsi les savans ne liront ni ma traduction, ni mes notes; mais le tout sera utile aux personnes peu familiarisées avec Juvénal.

L'Index de Schrévelius rerum ac verborum, est commun à Juvénal et à Perse, et renvoie toujours à sa compilation fautive, que l'on cessera probablement de consulter; d'ailleurs, il ne contient pas le cinquième des mots : il m'a donc paru indispensable d'en faire un autre, et j'ai eu ce courage, parce que rien ne coûte quand on se propose sincèrement l'utilité publique pour but de son travail. J'espère que la partie typographique ne paroîtra pas négligée non plus, puisque les caractères sont neufs, et que j'ai fait tous les petits sacrifices qui m'ont été conseillés par l'imprimeur. Mais c'est assez parler de moi, occupons-nous à présent de Juvénal.

On peut conjecturer, d'après le vers 319 de sa troisième Satire, qu'il étoit natif d'Aquin, et d'après quelques vers de la septième, qu'il avoit d'abord été rhéteur, qu'ensuite il s'étoit adonné au barreau : la marche méthodique de ce poëte fortifie encore mon opinion qui n'est pas nouvelle;

b

cependant, à défaut de preuves, je ne la présente que comme une conjecture.

M. D. dans son Discours préliminaire, qui lui fera toujours un honneur infini, et dans la note relative, a posé comme un fait certain, que notre poëte étoit né vers le commencement du règne de Néron; il a même cité à l'appui de son calcul les vers 16 et 17 de la treizième Satire ; mais les deux vers cités forment une preuve négative, puisqu'au lieu d'indiquer l'âge de Juvénal, ils indiquent celui de Calvinus à qui cette satire est adressée. Je crois même que Juvénal a supposé ce nom à quelque personnage réel, qui ne mettoit pas à profit l'expérience que doivent donner les années; il l'a nommé Calvinus, parce que l'argument avoit plus de force, étant fait à un homme qui touchoit à la vieillesse, et commençoit à devenir chauve; et si l'on y fait attention, l'on reconnoîtra que Juvénal a usé trèssouvent de la liberté de composer des noms, par ménagement sans doute pour les individus dont il parloit. L'on y trouve jusqu'à des noms formés du grec, et cette observation me paroît décisive,

M. D. a écrit encore, après beaucoup d'autres, que l'empereur Domitien avoit relégué notre satirique dans la Pentapole de Lybie*, pour le punir d'avoir lancé quelques traits contre le pantomime Pâris. Je n'ai pas pu me ranger à cet avis, comme on le verra note 8 de la septième Satire.

* Le mot Pentapole exprime une contrée formée de cinq villes. La Cyrénaïque, dont il s'agit ici, comprenoit Bérénice, Arsinoé, Ptolémaïde, Apollonie, et Cyrêne.

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