Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Art.

La transcription d'un acte, c'est-à-dire la 1347. copie littérale qui, dans certains cas, doit être étendue en entier sur les registres publics à ce destinés (1), ne peut également servir que de commencement de preuve. Il faut même, pour cela, 1o qu'il soit constant que toutes les minutes du notaire, de l'année dans la quelle l'acte paraît avoir été fait, soient perdues, ou que l'on prouve que la perte de la minute de cet acte a été causée par un accident particulier; 2o qu'il existe un répertoire en règle du notaire qui constate que l'acte a été fait à la même date. Et lorsqu'au moyen du concours de ces deux circonstances, la preuve testimoniale est admise, il est nécessaire que ceux qui ont été témoins de l'acte soient entendus (2).

Cette combinaison a été prise dans le Traité des Obligations de Pothier (3), qui l'avait très sagement imaginée pour mettre d'accord Boiceau et son commentateur (4). Elle se rapporte moins aux dispositions qui concernent le commencement de preuve par écrit, qu'à celles qui exceptent de la prohibition de la preuve par témoins le cas où le créancier a perdu son titre par suite d'une force majeure, ou d'un événement fortuit, imprévu. J'en parlerai bientôt.

C'était, dans l'ancien droit, une grande question que celle de savoir si le livre d'un marchand fait preuve, contre une personne non marchande, des fournitures qui y sont portées. Lorsque le marchand est connu pour homme loyal et probe, quem vocamus liberalem aut legalem, disait Dumoulin, quoique son livre ne fasse pas une preuve entière, ni même une demi-preuve, néanmoins il en résulte une présomption qui suffit pour faire recevoir son serment: Quia rationes ejus, quamvis non ad plenam probationem, nec omninò semi-plenam inducant, tamen adferunt aliquam præsumptionem ex quâ possit ei deferri jura

(1) Code civil, art. 2181. (2) Ibid., art. 1336.

(3) No 738.

(4) Voyez le Traité de la Preuve, etc., partie 1, chapitre 11, et les additions de Danly sur ce chapitre.

Art.

mentum, ità ut per se rationes probent (5). » Cette doctrine, antérieure à l'ordonnance de 1347. Charles IX, a été répétée par Pothier, puis érigée en loi par les rédacteurs du Code civil (6). Je l'ai déjà dit : une mauvaise interprétation de quelque texte du droit romain, puissamment favorisée par les habitudes du droit canonique, avait enraciné chez nous l'usage du serment supplétif. C'est un désaccord de systèmes que de l'avoir conservé dans la loi nouvelle. Ici, l'on se défie du témoignage des hommes, au point de ne pas admettre la déposition du témoin le plus irréprochable quand il s'agit d'une valeur excédant 150 francs; et là, dans toutes les affaires, on autorise les juges à juger par la bouche d'une partie, qui rarement aura assez de vergogne pour se condamner elle-même! Iniquum est aliquem suæ rei judicem fieri (7). Cependant, et comme s'il eût voulu démontrer mieux les vices de ce jus vagum, M. Toullier en a poussé les conséquences jusqu'à cette extrémité : « Si la loi permet expressément, de déférer au marchand demandeur le serment supplétif, à l'appui de ses livres, lors. qu'il existe en leur faveur vraisemblance et présomption de bonne foi, nous pouvons en conclure qu'elle permet implicitement, par une raison à fortiori, l'admission de la preuve testimoniale in coadjuvationem scripturæ; car admettre le témoignage du demandeur ou son serment, pour décision dans sa propre cause, c'est infiniment plus que de lui permettre d'invoquer le témoignage de personnes désintéressées, témoignage qui ne lie point les juges, et qui peut, d'ailleurs, être balancé par les témoins que le défendeur peut toujours faire entendre. En permettant le plus, la loi est toujours censée permettre le moins: Non debet cui plùs licet quod minús est non licere (8). » A ce compte, les juges ayant toujours la faculté de déférer d'office le serment à l'une des parties, quelle

(5) Ad lib. 4 Cod.

(6) Art. 1529.

(7) L. 7, ff. de Judiciis. Voyez mon 1er volume, pag. 356.

(8) Tome 9, no 70, in fine.

Art. que soit la valeur du litige, il s'ensuivrait 1347. qu'ils sont toujours autorisés à ordonner,

même d'office, que des témoins seront entendus, en vertu de l'axiome : qui peut le plus, peut le moins. Ainsi disparaissent les règles prohibitives de la preuve testimoniale, ainsi le commencement de preuve, s'il en est encore besoin, peut sourdre non-seulement d'un écrit émané d'une autre personne que celle contre qui la demande est formée, mais d'un écrit émané de celle-là même qui a formé la demande; ainsi les lois s'en vont.

Rien ne doit être abandonné à la discrétion des tribunaux, pour l'idonéité de l'écrit d'où l'on veut tirer un commencement de preuve, si ce n'est l'aperçu de ses rapports avec le fait allégué. Le Code n'a pu tarifer les quantités positives ou négatives de la vraisemblance.

Il n'est pas toujours nécessaire qu'un écrit ait été tracé ou signé par la main d'une personne, pour que l'on dise qu'il est émané d'elle. Concluez de cette distinction que les clauses d'un acte authentique, les dires consignés en un procès-verbal de bureau de paix ou d'une opération judiciaire, les réponses à un interrogatoire sur faits et articles (1), les requêtes, les mémoires, peuvent servir de commencement de preuve contre ceux qui ont comparu, répondu, ou au nom de qui les significations ont été faites, quoique toutes ces sortes d'écrits ne soient pas de leur main, et lors mêms qu'ils ne sauraient écrire ni signer (a).

Je n'ai jamais douté qu'une écriture qui n'est ni déniée ni méconnue, et qui contient des énonciations propres à rendre vraisemblable le fait allégué, ne fût un commencement de preuve selon la loi, quand bien même on aurait dù y ajouter quelque forme de plus, pour lui donner la valeur d'une

(1) Voyez ci-après, chap. 26. V. encore Dalloz, XXI, 204, Cour royale de Paris du 11 janv. 1827. Jurisp. de Brux., 1827, II, 298. Brux., 16 janv. 1828. Jur. du XIXe siècle, 1828, III, 130. Liége, 15 août 1835. Jur. belge, 1855, II, 48.

(a) On peut encore considérer comme commencement de preuve, des écrits non émanés de celui à qui on les oppose, mais qu'il s'est en quelque sort rendu propres en en faisant lui-même usage. Brux., 15 fév. 1825, et 4 juin 1830. Jur. de

preuve complète tel un billet non entière- Art.
ment écrit de la main qui l'a signé, et sur le- 1347.
quel ne se trouve pas l'approbation de la
somme en toutes lettres; tel encore un acte
synallagmatique qui ne porte pas la mention
qu'il a été fait double. Il n'y a plus rien à dire
sur ce point, depuis la réfutation que M. Toul-
lier a faite de l'opinion contraire de M. Duran-
ton (2). Les fluctuations de la jurisprudence
ont cessé, elle tend à consacrer le système
du professeur de Rennes (b).

La cour de cassation a jugé avec grande
raison qu'un acte privé dont l'écriture est dé-
niée ou méconnue ne peut servir de commen.
cement de preuve (3). C'est une observation
que Danty n'avait pas manqué de faire (4).
M. Toullier l'a combattue, propter præ-
sumptionem juris quæ pro scriptură stare
videtur (5). Ces mots de Boiceau qu'il a invo-
qués, n'ont aucun trait à ce côté de la ques-
tion. La présomption qui revêt un écrit de
l'apparence d'une preuve, lorsqu'il est émané
de la personne contre laquelle la demande
est formée, se subordonne nécessairement à
l'existence d'une cause première, à la réalité,
à la vérité de l'écrit. Si cet écrit est faux, il
n'y aura plus rien d'apparent, de commencé,
plus d'émanation, plus de présomption. Il
faut que la cause soit vérifiée, avant de calcu-
ler la portée de l'effet.

La loi défend la preuve testimoniale, parce
qu'elle veut que l'on passe des actes; elle ne
la défend plus, toutes les fois qu'il n'a pas été
possible d'avoir facilement une preuve litté-
rale. C'est l'expression de Pothier; elle indi-
que très-bien qu'il ne s'agit ici que d'une im-
possibilité morale, d'une grande difficulté
locale ou momentanée, d'un grand embarras
de se procurer un écrit.

Brux., 1825, I, 365. 1830, I, 394. Jur. du XIXo
siècle, 1825, III, 59. Merlin, Questions de droit,
III, 328.

(2) Voyez M. Toullier, nos 81 et 82.

(b) V. les arrêts rapportés dans Dalloz, XXI, p. 215 et suiv.

(3) Sirey, 6-1-183.

(4) Additions au chap. 1er du Comment. de Boiceau, 2o partie, no 1er.

(5) Tom. 9, no 64.

Art.

Le Code civil en donne les exemples sui253. vants:

1348. 1o L'obligation qui naît d'un quasi-contrat: quelqu'un, en mon absence, et sans que j'y aie consenti, a fait valoir mes terres; il en a recueilli les fruits et les a vendus. Il me doit rendre compte de cette administration. S'il dénie, quelle autre preuve pourrais-je avoir contre lui, que la déposition des témoins qui l'ont vu cultiver et recueillir, puisque je n'y étais pas? Ou bien je demande réparation d'un délit, d'un quasi-délit : certes, il y aura impunité, s'il ne m'est pas permis d'amener devant la justice les témoins du fait; car, d'ordinaire, les gens n'annoncent point par des écrits les méchantes actions, les soustractions, les fraudes, les simulations et les dommages qu'ils se proposent de commettre (1).

2o Les dépôts nécessaires faits en cas d'incendie, ruine, tumulte et naufrage: In his enim locus vel tempus non patitur plenius deliberandi consilium (2). Chenu rapporte un arrêt du mois d'août 1573, qui, nonob. stant la prohibition de l'ordonnance de Moulins, permit aux enfants d'un huguenot, tué à la Saint-Barthélemy, de prouver par témoins le dépôt que leur père avait fait, le jour même du massacre, entre les mains d'un homme qui le niait. Meritò has causas deponendi separavit prætor, quæ contineat fortuitam causam depositionis ex necessitate descendentem, non ex voluntate proficiscentem... Hæc aulem separatio justam rationem habet, cùm verò extante necessitate deponitur, crescit perfidiæ crimen et publica utilitas coercenda est, vindicandæ reipublicæ causú (3). C'est une espèce de dépôt nécessaire que celui fait par un voyageur en logeant dans une hôtellerie (4). La nécessité de s'en rapporter à la bonne foi des hôtes est considérée comme

[blocks in formation]

une autre impossibilité de preuve littérale: Art. Necesse est plerumque eorum fidem 253. sequi et res eorum custodia commit- 1348. tere (5). Toutefois, la preuve testimoniale ne doit être reçue, en ce cas, qu'avec une sage réserve, suivant la qualité des personnes et les circonstances du fait. Supposez qu'un aventurier, mal famé, ou mal aisé, vienne prétendre qu'il a porté chez son hôte de l'argent ou des effets d'une valeur considérable, on ne permettra point à cet homme d'amener des témoins qui pourraient s'entendre avec lui pour ruiner un honnête aubergiste (6). Le Code dit : les dépôts faits par un voyageur EN LOGEANT dans une hôtellerie; d'où il suit que si vous allez déposer de l'argent ou des marchandises chez un hôtelier de la ville que vous habitez, sans prendre de lui une reconnaissance, vous vous ne serez pas admis à prouver ce dépôt par témoins, car c'était un dépôt ordinaire, vous n'y étiez point astreint par la nécessité, et vous devez vous imputer votre défaut de précaution. Ce fut ainsi jugé par arrêt du 21 mai 1594 (7).

3o« Les obligations contractées en cas d'accidents imprévus, où l'on ne pourrait pas avoir fait des actes par écrit (8). » Cette disposition est un dédoublement de l'art. 5, titre 20 de l'ordonnance de 1667 : « N'entendons exclure la preuve par témoins pour dépôts nécessaires en cas d'incendie, ruine, tumulte et naufrage, NI en cas d'accidents imprévus où on ne pourrait avoir fait des actes. « La rédaction était un peu confuse, elle n'était pas élégante; mais, à mon sens, c'était comme si l'on eût dit : N'entendons pas non plus exclure la preuve par témoins, en cas d'accidents imprévus, etc. Danty ne l'avait pas compris autrement; après avoir parlé des exceptions relatives aux dépôts nécessaires et aux choses apportées dans une hôtellerie, il ajoutait : « L'or

(6) Voyez Rodier, sur l'article 4, titre 20 de l'ordonnance de 1667.

(7) Chenu, Centurie, 1, quest. dernière. (8) Art. 1348, no 3.

27

Art. donnance de 1667 excepte aussi en général, 253. tous les cas d'accidents imprévus auxquels 1348. on ne pourrait avoir fait des actes, ce que celle de Moulins n'avait point expliqué (1). » Cependant M. Toullier a beaucoup exalté le § 3 de l'art 1348 du Code civil; il l'a con-sidéré comme une précieuse innovation, comme la réparation merveilleuse d'un fåcheux oubli. Je crois qu'il y a erreur dans cette distribution d'éloges et de blâme, et que l'ordonnance avait également pourvu à toutes les difficultés et à toutes les exigences des preuves, pour les dépots confiés, comme pour les obligations contractées dans les cas de néces sité et d'événements imprévus, quels qu'ils fussent, heureux ou malheureux.

Ainsi, je trouve, en voyageant sur un chemin peu fréquenté, et loin de toute habitation, un homme que je connais; il est presque nu, des voleurs viennent de le dépouiller. J'ouvre ma bourse, et je lui prête ce qu'il lui faut d'argent pour se vêtir el continuer sa route. Nous n'avions là ni plume, ni encre, ni papier. Cet homme meurt, et ses héritiers refusent de reconnaître cette dette sacrée, parce que je n'en ai pas la preuve écrite. Ne devrai-je pas être admis à prouver le prêt par le témoignage des personnes qui m'accompagnaient, ou de celles qui en ont recueilli l'aveu de la bouche de l'emprunteur? Sans aucun doute, a dit M. Toullier (2); et je pense de même. Mais cette justice m'aurait été tout aussi bien assurée par l'ancienne que par la nouvelle loi.

[blocks in formation]

fortuit qui a donné lieu à la perte de titres Art. soit constant. Par exemple, il faut qu'il soit 253. reconnu, ou que je sois en état de prouver 1348. que ma maison a été incendiée ou pillée, pour que je puisse être reçu particulièrement à la preuve testimoniale des prêts d'argent, ou des payements dont je prétends avoir perdu les billets ou les quittances dans l'incendie ou le pillage de ma maison.

« Si celui qui demande à faire la preuve testimoniale allègue seulement qu'il a perdu ses titres, sans qu'il y ait aucun fait de force majeure constaté, par lequel la perte serait arrivée, il n'y peut être reçu. Autrement l'ordonnance qui défend la preuve par té moins, pour prévenir les subornations, deviendrait illusoire; car il ne serait pas plus difficile à quelqu'un qui voudrait prouver par témoins quelque prêt ou quelque payement qu'il n'aurait pas fait, de suborner des gens qui déposeraient qu'ils ont vu entre ses mains des obligations ou des quittances, comme d'en suborner qui diraient qu'ils ont vu compter l'argent (5) »

C'est le résumé de la législation de tous les âges et de tous les pays. Actorum namque interitu veritas convelli non solet. Voyez les titres du Digeste et du code de Fide instrumentorum et amissione eorum. Il y avait une formule de Marculfe dans laquelle on disait: Dùm instrumenta cremata esse cognovimus, per hunc præceptum plenius Din ei nomine circà eum suffultum atque confirmatum absque ullius inquietudine, vel refragatione teneat et possideat. Les lettres que le prince octroyait, en pareil cas, post inquisitionem, s'appelaient præcepta de chartis combustis (4).

Comment se doit faire cette preuve ? Fautil que les témoins déposent qu'ils étaient présents lorsque le titre a été pris, ou brûlé, ou déchiré? Boiceau répond à ces questions :

Il n'est pas nécessaire que les témoins déposent précisément et par détail de la manière en laquelle la perte est arrivée; mais

(5) Pothier, Traité des Oblig., no 781.

(4) Liv. 1er des Formules, chap. 33, et les notes de M. Bignon sur ce chapitre.

Art.

1348.

il suffira qu'ils affirment avoir autrefois vu 253. le titre, et qu'ils en ont lu ou entendu lire le contenu, se olim vidisse instrumentum et ejus tenorem legisse, audivisse, aut percepisse ; qu'ils savent l'endroit où le propriétaire de ce titre avait coutume de placer ses papiers, scire quo loco dominus in strumenti omnia sua instrumenta condere solebat; et que depuis ils ont vu la maison périr par un incendie, ou qu'ils l'ont vu piller par des gens de guerre ou des voleurs; que l'endroit où étaient les papiers n'a point été épargné, qu'il a été brûlé, ou forcé, etc.; locumque instrumentorum effractum, et instrumenta capta, fracta, · dispersa, aut flammis tradita (1). » On n'a rien écrit de mieux ni sur les ordonnances, ni sur le code.

1341.

En matière commerciale, les juges ont conservé le privilége de pouvoir admettre la preuve testimoniale, quelle que soit la valeur du litige, et sans qu'il soit besoin d'un commencement de preuve par écrit.

M. de Lamoignon disait dans la conférence tenue pour l'examen du titre 20 de l'ordonnance: « A l'égard de l'exception que l'on fait pour les juges consuls, encore que l'article ne décide rien précisément (il renvoyait aux anciens usages), ils croiront avoir un titre qu'ils expliqueront en leur faveur, on a toléré qu'ils aient reçu la preuve par témoins au-dessus de 100 livres, lorsqu'on a cru qu'ils étaient aidés par quelques adminicules; mais il serait dangereux d'en faire un article de l'ordonnance, parce qu'ils en pourraient abuser.... Que ce qui était de meilleur en ce qui concernait cette juridiction, c'est que tant qu'elle en userait bien, elle se maintiendrait, et qu'elle ne saurait subsister en faisant mal. »

L'exception a été confirmée, et la juridic tion subsiste.

Néanmoins, la faculté d'entendre des témoins cesse dans les tribunaux de commerce, pour certains cas où la loi exige des actes,

(1) Lib. 1, cap. 15, in fine.

[ocr errors]

comme pour les sociétés en commandite et Art. collectives, les assurances, les contrats à la 253. grosse, etc.

J'ai cru qu'il convenait d'exposer les principes du droit civil touchant la preuve testimoniale, avant d'aborder le système d'action qui va les animer et s'unir à leurs fins. La disposition de ces règles de détail et de ces formes d'application resterait incomprise, si l'on ne connaissait pas la pensée qui doit présider à leur mouvement, à leur accord. Quel motif trouveriez-vous, par exemple, à ce bref agencement de délais que la partie la plus diligente fait courir contre elle-même, et à la rigoureuse précision avec laquelle ils doivent être observés, si la loi ne vous avait pas dit d'avance tous ses soupçons, toutes ses craintes, et ses défiantes précautions contre l'influence des suggestions et les tentatives de subornation? C'est ce qui m'a fait entrer dans les explications préliminaires auxquelles je viens de me livrer. Il me fallait éclaircir mon horizon de procédure, et le purger de ces nuages de caprices et de préjugés, de ces milieux trompeurs où tant de réfractions dif férentes dénaturent les lignes et les formes. J'ai eu quelquefois la témérité de ne pas suivre les opinions de notre Pothier moderne; mais je me suis attaché à ce qui m'a parù le plus strictement conforme à l'intention de la loi, en dépit des interprétations ennemies que l'ordonnance de Moulins eut à subir. Je crois que la doctrine de M. Toullier incline trop, quelquefois, pour l'admissibilité de la preuve testimoniale; il n'en avait peut-être pas vu les abus de si près.

Jusqu'à la publication du code civil, les tribunaux de Genève avaient eu à faire l'application de deux systèmes opposés : l'un pour le pays de Gex où l'ordonnance de 1667 était en vigueur, l'autre pour la Savoie où la preuve par témoins était admise sans aucune limite. « Il nous a été facile d'en comparer les résultats, disait M. Bellot (2), et de nous

(2) Exposé des motifs de la loi de procédure pour le canton de Genève.

« ZurückWeiter »