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dérant la capacité des prisons qui les renfermaient (V. 2 septembre 1792). Cet évènement, tout affreux qu'il est, ne saurait être mis en parallèle avec la Saint-Barthélemy (24 août 1572). Qu'on écoute le véridique Mézerai. « Pour faire un petit tableau de cet horrible <«< massacre, il dura sept jours entiers les trois premiers, savoir, depuis le dimanche jour de la Saint-Barthélemy jusqu'au mardi, « dans sa grande force; les quatre autres, jusqu'au dimanche sui<< vant, avec un peu plus de ralentissement. Durant ce temps, il fut « tué près de cinq mille personnes de diverses sortes de mort, et plu«sieurs de plus d'une sorte; entre autres cinq ou six cents gentils«< hommes. On n'épargna ni les vieillards, ni les enfants, ni les « femmes grosses : les uns furent poignardés; les autres, tués à coups

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d'épée, de hallebarde, d'arquebuse ou de pistolet; quelques-uns précipités par les fenêtres, plusieurs traînés dans l'eau, et plu« sieurs assommés à coups de croc, de maillet ou de levier. Il s'en « était sauvé sept ou huit cents dans les prisons, croyant trouver un << asile sous les ailes de la justice; mais les capitaines destinés pour le << massacre se les faisaient amener sur une planche, près de la vallée « de Misère (partie du quai de la Mégisserie, près la place du GrandChâtelet), où ils les assommaient à coups de maillet, et puis les • jetaient dans la rivière. Un boucher, étant allé le mardi au Louvre, « dit au roi qu'il en avait tué cent cinquante la nuit précédente; et << un tireur d'or se vanta souvent, montrant son bras, qu'il en avait « expédié quatre cents pour sa part.....

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Ceux qui étaient

« logés dans le Louvre ne furent pas épargnés : après qu'on les eut désarmés, et chassés des chambres où ils couchaient, on les

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égorgea tous les uns après les autres, et ON EXPOSA LEURS CORPS « TOUT NUDS A la porte du LOUVRE; LA REINE-MÈRE Étant a une fe« NÊTRE, QUI REPAISSAIT SES YEUX DE CET Horrible spectACLE. Ce déluge de sang enveloppa aussi quantité de catholiques qui furent dépêchés par ordre des puissances souveraines, ou par l'instiga« tion de quelques particuliers. C'était être huguenot que d'avoir de - l'argent ou des charges enviées, ou des ennemis vindicatifs, ou des héritiers affamés..... Lorsque l'amiral (Coligny) cut

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« été assommé, on jeta son corps dans la cour; le duc de Guise, qui

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était au bas, essuya le sang qui lui couvrait le visage, pour le reconnaître. Après cela, un Italien lui coupa la tête et la porta à « la REINE-MÈRE... La populace s'acharna furieusement

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« sur ce malheureux tronc; elle lui coupa premièrement les mains et les parties viriles, puis le laissa sur un fumier. L'après-dinée,

« elle le reprit; le traîna trois jours dans les boues, puis sur le bord « de la rivière; et enfin à Montfaucon. Elle l'y pendit par les pieds « avec une chaîne de fer, et alluma du feu dessous, dont il fut à demi grillé... Le mardi, troisième jour des massa

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après avoir ouï solennellement la messe, pour remercier Dieu de la grande victoire obtenue sur l'hérésie, et commandé de fabriquer des médailles pour en conserver la mémoire, il ( Charles IX) alla tenir son lit de justice au parlement, où il avoua toute « l'action. Quelques jours après, il envoya ordre à cette compagnie d'employer l'autorité des lois pour la justifier, et pour cela de travailler incessamment à faire le procès à l'amiral et à ses complices; à quoi ils obéirent aveuglément..... Deux mois durant, cette horrible tempête couvrit toute la France, plus ou moins sanglante, selon la disposition des pays et des gouvernants. Elle fut fort cruelle à Meaux, à Troyes,

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à Orléans, à Nevers, à Lyon, à Toulouse, à Bordeaux et à « Rouen, et fit périr près de vingt-cinq mille hommes. A Toulouse, « ils pendirent cinq conseillers du parlement, en robes rouges, à un « orme, dans la cour du palais. Les monstres qui dirigèrent les journées de septembre 1792 ne reproduisirent, comme on voit, qu'une partie des atroces détails des journées d'août 1572. Deux cent vingt ans plus tard, les ordonnateurs du crime, et sur-tout le peuple de Paris, se sont conduits avec moins de barbarie; et les Tallien, les Péthion n'ont pas atteint, dans la carrière des crimes publics, les Guise, les Médicis et les Valois. La catastrophe de 1572 restera donc encore, suivant l'expression de Péréfixe, « une action « exécrable qui n'a jamais et qui n'aura, s'il plaît à Dieu, jamais de « semblable ». La diffusion des lumières produit donc quelque avantage, si elle borne l'impudence et rétrécit la mesure du forfait.

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Citons, de plus, l'édit d'Écouen (1559) rendu par Henri II, qui ordonne de punir de mort tous les luthériens, avec défense au juge de diminuer la peine, comme ils l'avaient fait. Rappelons encore l'édit du 29 avril 1686, confirmatif de la révocation de l'édit de Nantes, et s'exprimant ainsi : « Les protestants malades qui refuseront le viatique doivent être considérés comme apostats, s'ils reviennent en santé; les hommes être condamnés aux galères perpé tuelles, les femmes à la prison et à la perte de leurs biens; en cas de mort, leurs biens être vendus, leurs cadavres exhumés et jetés à la voirie. » — Ainsi les jacobins n'ont fait que copier les actes de proscription exercés sous des princes Valois et Bourbons. Et qu'im

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porte l'espèce de fanatisme qui produit cette démence sanguinaire? Horreur éternelle à tout fanatisme persécuteur!

Le régicide judiciaire est le seul attentat que nos révolutionnaires aient emprunté à l'histoire d'un autre peuple. Mais les modèles en étaient trop frappants pour échapper à l'imitation. Les échafauds de Louis XVI et de Marie-Antoinette semblent avoir été les échafauds mêmes de Marie Stuart et de Charles Ier. Une épitaphe mise sur le tombeau de la reine d'Écosse, à Péterborough (épitaphe qui fut promptement enlevée), portait : Elle meurt,

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« et avec elle tous les rois assimilés au peuple meurent civilement. Ci gît, parmi les cendres de Marie, la majesté de « tous les rois violée et foulée aux pieds. Ce monument silencieux Horrible transmission! Puisse-t-elle être

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parle assez.....

à jamais interceptée !

C'est bien à tort qu'on jugerait que les actions de l'homme s'isolent, ont un effet local et ne laissent que de faibles vestiges. Obser-vons cette étincelle de liberté populaire, étincelle allumée sous Charles Ier. Les puritains l'emportent en Amérique; elle s'y entretient, et cent ans après, en 1765, elle s'y développe dans la conflagration simultanée de treize colonies anglaises. Elle repasse l'océan; elle est noyée à Londres (1780) dans le sang de quelques centaines de proIétaires soulevés par lord Gordon; mais elle se propage en France, et y devenant aussitôt une flamme dévorante, elle embrase ce royaume avec plusieurs contrées voisines. La combustion achevée, ou peutêtre suspendue en Europe, la fusée incendiaire revole au-delà de l'Atlantique chez les Espagnols. Là, les chefs des indépendants se voient secourus par des Français et des Anglais. C'est dans les ports des États-Unis, dans les ports des nègres de Haïty, que s'équipent et s'arment les vaisseaux qui attaquent si audacieusement le commerce et la puissance de la métropole des Espagnes, de cette métropole despotiquement gouvernée. Il y a donc une propagation d'idées, une filiation de théories à travers les siècles, comme il y a une succession d'individus dans les espèces animales, une reproduction perpétuelle dans les végétaux. Il y a donc une génération de révolutions.

Mais, lorsqu'un peuple se soulève contre son gouvernement, la violence du soulèvement est en proportion du poids ou de l'injustice de l'oppression et de la dégradation morale des opprimés. Quatre crises analogues offrent à la génération actuelle quatre degrés de comparaison. 1o Les Américains du nord, possédant des notions

positives sur la liberté civile et un long exercice de leurs droits, ont, en secouant le joug, été mis en action par ce sentiment raisonné de l'indépendance qui guide l'homme pénétré de la dignité de son être, et sachant apprécier le but de la Providence. Car (suivant Bossuet lui-même), la vraie fin de la politique est de rendre la vie commode et les peuples heureux. 2o Les Français tourmentés en divers sens, par des institutions féodales ou d'outrageantes prétentions, par le fanatisme et la superstition, essayèrent vingt fois, depuis les révoltes de la Jacquerie (1358), et des Maillotins (1383), de briser des liens aussi honteux qu'oppressifs. L'occasion renaît en 1789; ils la saisissent avec cette fougue inconsidérée qui signala toujours leurs mouvements. Ils se précipitent dans les hasards de la liberté, en hommes dévorés d'impatience, suivant aveuglément des guides ou peu clairvoyants, ou intéressés à faire fausse route. De là, des erreurs, des crimes mêlés à des actes héroïques pour l'indépendance extérieure de la patrie.- 3o On a vu les nègres de SaintDomingue, dont l'esclavage entretenait l'abrutissement, entendre le mot de liberté, et se porter soudain aux derniers excès de la déraison, de la scélératesse et de la vengeance.. -La populace d'Amsterdam, habituée à la plus exacte distribution de la justice, livrée à d'industrieuses occupations, ne s'est souillée, à l'entrée ou au départ des Français, d'aucune de ces horreurs que commirent, à chaque bouleversement des choses, les lazzaroni de Naples, cette lie de la dernière des nations chrétiennes. -4° Enfin le peuple suédois, obligė de se sauver lui-même, a rejeté son roi (V. 13 mars, 10 mai, 6 juin 1809), mais sans l'assassiner, mais sans le dépouiller de son patrimoine, mais sans lui refuser une pension convenable, mais sans insulter à son infortune, sans maltraiter ses serviteurs, ne cessant de respecter les marques du rang suprême, quoiqu'on ôte le pouvoir an prince. Que les apôtres de l'ignorance, que les sectaires ultramontains réfutent ces leçons de l'histoire contemporaine! Qu'ils disent si les vices qu'engendrent l'arbitraire des favorites, le despotisme des ministres de cour, ou la confusion aristocratique, n'amènent pas nécessairement les excès de la licence!

Sans doute, il faudra du temps pour nous identifier avec les saines théories de liberté, de justice. Nous retenons encore de cet esprit de servilité inhérent aux peuples trop long-temps courbés sous le joug; et nous avons ces fougueuses appréhensions des hommes qui viennent de s'y dérober et qui ne peuvent se réconcilier avec ses apparences. Ce que je craindrais (a dit Rousseau aux Polonais,

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« sur le projet d'affranchir leurs paysans), ce n'est pas seulement « l'intérêt mal entendu, l'amour-propre et les préjugés des maîtres, « ce sont les vices et la lâcheté des sujets. La liberté est un aliment « de bon suc, mais de forte digestion; il faut des estomacs bien sains « pour le supporter. - « La liberté (dit Shéridan, Histoire de la « révolution de Suède, en 1772), n'est pas une plante qui croisse tout-à-coup. L'expérience seule enseigne les moyens de la défendre <«< et de la cultiver. En vain établirait-on chez un peuple une forme « de gouvernement qu'on croira destinée à le rendre libre, s'il n'est pas préparé à la recevoir : l'harmonie dont dépendra sa stabilité « ne peut résulter que de l'accord du génie du peuple, avec la nature « du gouvernement libre qu'on lui donne. »

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Une constitution, quelque généreux qu'en soient les principes, quelque facile qu'en soit l'application, avec quelque solennité qu'elle soit promulguée, célébrée et jurée, reste inefficace pour répandre sur une nation les bienfaits de la liberté. S'il en était autrement, les peuples les plus dépravés par la servitude seraient susceptibles de devenir, en un clin-d'œil, les peuples le plus heureusement libres. Le texte d'une Charte, d'un bill des droits, ne saurait suffire. La nation doit posséder le sentiment et connaître la mesure de ses droits ainsi que de ses devoirs; il doit exister dans les hautes classes, et sur-tout dans les hommes investis du pouvoir, une conviction que leur propre bonheur sera moins exposé, lorsque la liberté du peuple sera mieux fondée : sinon, la meilleure constitution, rédigée par les publicistes les plus vertueux et les plus éclairés, revêtue des plus fortes garanties, des serments les plus explicites, n'est qu'une matière privée de l'esprit vivificateur; elle peut d'abord présenter le fantôme de la liberté, mais la tyrannie, en corps et en ame, s'avance derrière ce fantôme.

Si nous reçûmes de nos aïeux d'injustes lois, des maximes corrompues et des modèles de perversité, faisons en sorte de ne laisser à nos neveux que des principes et des exemples fondés uniquement sur le goût de l'ordre, sur l'amour de l'humanité et sur un respect inviolable pour toute espèce de propriété; et, nous dégageant entièrement des traces de l'ancien régime, répudions à jamais les débris de ce malfaisant héritage.

De tous les débris de ce gouvernement, il n'en est pas qui présente un plus indigne aspect que la cour. On peut en croire Montesquieu, disant : « L'ambition dans l'oisiveté, la bassesse dans l'orgueil, le desir de s'enrichir sans travail, l'aversion pour la vérité,

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