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11. Traité de Paris entre les maréchaux Ney, Macdonald, le général Caulincourt, plénipotentiaires de Napoléon, et les ministres d'Autriche, de Russie et de Prusse.

Napoléon renonce, pour lui et les siens, à tout droit de souveraineté et de domination, tant sur l'empire français et sur le royaume d'Italie, que sur tout autre pays. L'île d'Elbe, désignée pour le lieu de son séjour, formera, sa vie durant, une principauté SÉPARÉE, qui sera possédée par lui EN TOUTE SOUVERAINETÉ et propriété. Il lui sera réservé, à lui et à sa famille, dans les pays auxquels il renonce, un revenu de cinq millions.-L'impératrice Marie-Louise recevra, en toute propriété et souveraineté, les duchés de Parme et de Plaisance, lesquels passeront à son fils (V. 10 juin 1817 ). - Il sera formé un établissement convenable, hors de France, au prince Eugène, vice-roi d'Italie.

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L'Angleterre accède à ce traité, pour les stipulations relatives à la possession et souveraineté de l'île d'Elbe et des états de Parme; mais elle n'est point partie contractante aux autres stipulations. quatre puissances s'engagent à obtenir l'adoption et la garantie de laFrance pour tous les articles.-Le gouvernement provisoire accède à l'instant même. L'adhésion du roi Louis XVIII est constatée par la déclaration de son ministre (Talleyrand), en date du 30 mai. ACTE D'ABDICATION DE L'EMPEREUR NAPOLÉON.

Il le souscrit à Fontainebleau, en recevant le traité de ce jour. Les puissances alliées ayant proclamé que l'empereur Napoléon « était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l'em<< pereur Napoléon, fidèle à son serment, déclare, qu'il renonce, pour lui et ses héritiers, aux trônes de France et d'Italie, parce qu'il n'est << aucun sacrifice personnel, même celui de sa vie, qu'il ne soit prêt « à faire à l'intérêt des Français ».

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On a rapporté que, ayant accompli cette détermination, Napoléon montra le plus grand calme, la plus noble résignation. L'auteur des Mémoires sur la campagne de 1814, (le colonel Kock), ouvrage excellent et dont l'exactitude se trouve rarement en défaut, dit ( t. 2, p. 610, 11, 12), qu'après la signature de cet acte, Napoléon parut soulagé d'un lourd fardeau et s'entretint familièrement, en simple citoyen, avec les officiers-généraux de sa cour, des suites de la révolution, comme si elle lui avait été étrangère, et leur fit une longue allocution pleine de beaux sentiments. On doit regretter qu'un écrivain aussi recommandable, et trop ami de la vérité pour s'être laissé aller au desir de faire effet, en traitant un grand évènement à la

manière dramatique de Tite Live, ait été mal informé de cette circonstance. Toutes les personnes qui ont fréquenté ou seulement entrevu la cour ou le quartier-général de Napoléon, savent combien peu il se laissait approcher, même des personnes du premier rang et des officiers de sa maison. Il tenait toujours tout le monde à une très-grande distance de lui. Pendant son séjour à Fontainebleau, il fut encore moins abordable; il paraissait absorbé, et se tint constamment renfermé dans son cabinet; il ne voyait presque, que le prince de Neufchâtel ( Berthier), les ducs de Bassano, de Vicence (Maret, Caulincourt), et les maréchaux qui furent chargés pour lui de la négociation. Aussi l'on peut regarder comme apocryphes les discours que lui prête l'auteur de cet ouvrage.

Ainsi tombe Napoléon, homme extraordinaire entre tous les hommes extraordinaires qui passèrent sur la terre, et qui vivront dans l'histoire de l'univers. Les plus lointains rivages ressentirent le choc ou le reflux de sa puissance. Son nom restera jusqu'à la fin des temps, marqué d'une empreinte réservée pour lui seul. Tout avait concouru à favoriser son essor vers la plus haute région à laquelle un être créé puisse atteindre, la nature en le douant des plus étonnantes facultés intellectuelles; le destin qui, consommant avec une célérité inouie le bouleversement des institutions sociales de la première des nations, déconcertant la politique des nations amies, rivales ou ennemies, combina pour lui toutes les chances de succès; la nature et la fortune encore, qui produisirent le même jour, une foule de génies éminents dans chaque carrière, et les mirent, sans réserve, à sa disposition, afin de lui assurer un triomphe impérissable. Car tel est le résultat des dissensions intestines, que les hommes doués de grandes facultés prennent les places que ces facultés leur assignent. Jamais on ne vit une rencontre aussi-bien concertée, un rapport aussi intime des hommes et des choses pour l'exaltation d'un homme; aucun âge sans doute ne les reverra. Il lui avait été donné d'effacer tout ce qui parut de grand, d'héroïque, de merveilleux, depuis la naissance du monde. Mais il s'est rabaissé à force d'orgueil, il a répudié sa noble destinée; il ne lui a pas suffi d'une première place sous le ciel, il a détruit volontairement sa propre nature, et, au lieu d'être à jamais le mortel par excellence, il ne sera pour la postérité que le plus célèbre des aventuriers.

Non, malgré la transcendance de ses facultés, il ne fut point un génie du premier ordre; car il établit le pouvoir arbitraire. César, Trajan, Charlemagne, Louis IX, Henri IV, Gustave-Adolphe, re

connaissaient des limites à leur autorité. On vit au contraire tous les célèbres ambitieux dont l'esprit ne s'élevait point au vrai beau, parce qu'ils avaient moins de génie que de calcul, Auguste, Cromwell, Philippe II d'Espagne, Ferdinand II d'Autriche, Charles XI de Suède, Louis XIV, se montrer impatients de la moindre résistance à leurs volontés. Ils n'eurent que cette ambition des rois vulgaires, de dominer impérieusement. La plus sublime des inspirations, parvenir à l'immortalité en contribuant au bonheur de leurs semblables, leur avait manqué.

Conduit par une noire ingratitude, Napoléon éleva l'édifice de son despotisme sur les ruines du trône et de la tribune, sur les débris de l'ancien régime, et sur les décombres de l'anarchie révolutionnaire. Il débuta par le langage des Brutus, et finit en agissant comme Tarquin et Octave. Au seul geste de sa main, au froncement du sourcil de ce Jupiter parvenu, les trônes tombent; ils se relèvent pour d'obscurs plébéiens. Il ordonne à la renommée de transformer ses défaites en victoires. La fuite d'Égypte, ainsi que l'hégire du célèbre imposteur de l'orient, avec lequel il offre de si nombreux traits de ressemblance, amène son triomphe. Le monde croira long-temps que rien n'est impossible, en voyant l'étendard d'un Corse, né sans fortune, flotter sur les tours des plus orgueilleuses capitales du continent. Le merveilleux n'aura plus rien que d'ordinaire aussi pour celui qui dispose, en se jouant, des provinces, des états, des couronnes; qui met à ses pieds un peuple de rois. Aujourd'hui, la soldatesque l'admire au bivouac; demain, les hommes les plus polis des anciennes cours le contemplent avec extase dans les salons. Couvert d'abord du bonnet jacobin, il l'a remplacé par la couronne de lauriers de Charlemagne et par la couronne de fer de Didier. Il dicte des lois, sur un radeau, au czar. Il désigne une Autrichienne, aussitôt elle devient sa compagne. Il exile, dans l'autre hémisphère, la maison de Bragance. Il jette ses filets sur l'Espagne, et soudain tous les Bourbons sont enveloppés. Il se montre, et la monarchie de Frédéric II s'éclipse. Contemplez-le dans son empire: enchaînant la presse, il se déclare le protecteur des lettres; arrêtant la diffusion de la pensée, il accorde son appui à la philosophie; il excite, encourage les sciences, et proscrit l'exercice de l'entendement, qu'il appelle idéologie. Se faisant un jeu du sang des hommes et de la violation de tout ce qui existe de sacré, il a mis en principe la guerre perpétuelle.

Napoléon l'a voulu lui-même; on ne peut plus le mettre en pa

rallèle qu'avec Attila, Gengis, Timur, Nadir; avec les plus bruyants exterminateurs de l'espèce humaine qu'engendra l'orient. Ainsi qu'eux, il s'est signalé par les ravages; et seul, par une inconcevable exception, il ne laisse après lui aucun débris de sa puissance. Il disparaît, et toutes ses conquêtes sont effacées à l'instant, comme le sillage du navire. Il finit, tout finit avec lui.

Comment, par quel prodige nouveau, a pu s'anéantir lui – même, s'abîmer tout entier, celui qui, au premier jour de sa domination, disposait de la France; celui qui, à peine consul par élection, pouvait tout sur les Français ?

Il trouve le royaume de Louis XVI, plus la Savoie, Nice, Avignon; plus, les neuf départements de la Belgique; plus, les quatre départements du Rhin; quel premier degré ?

A la vérité, les frontières de cette vaste république viennent d'être menacées. Mais le danger n'existe déja plus; Masséna à Zurich ( V. 25 septembre 1799), Brune à Alckmaer ( V. 18 octobre 1799), l'ont dissipé. Le fantôme de Suwarow s'est évaporé; quelques faibles bataillons russes, disant un triste adieu aux fertiles campagnes de l'Italie et de la Souabe, reculent humiliés, vers les steppes de la Tartarie (V. 31 octobre 1799). L'Angleterre n'est déja plus ce rocher qui brise les tempêtes, on en voit les bases trembler et prêtes à s'entr'ouvrir; la révolte atteint sa flotte et l'Irlande; sa banque, le gouvernail de Pitt, penche sur l'abime. L'orgueil britannique a fléchi, il vient traiter avec les successeurs de Robespierre, et il ne faut pas moins que l'ineptie de directeurs comme Barras, Merlin dit de Douai, François dit de Neufchâteau, pour faire échouer les négociations (V. 18 septembre 1797).-Le cabinet prussien, qu'estil, depuis le traité de Bâle (V. 6 avril 1795 )? Un suppliant de la fortune, dans une humble attitude, un négociateur de petits échanges de territoire. L'Autriche se montre forte encore; mais toujours, un coup vigoureusement frappé l'étourdit. Il ne faut qu'une campagne gagnée sur elle; et, pour des soldats français, une campagne n'est souvent qu'une bataille. Bonaparte, qui, en douze mois (depuis le 12 avril 1796, à Montenotte, jusqu'au 15 avril 1797, à Léoben ), détruisit ou décomposa cinq armées impériales, doit en 1800 renverser l'Autrichien d'un premier choc. Quand on a Moreau, Masséna, pour généraux d'armée; Macdonald, Gouvion - Saint-Cyr, Lannes, Lecourbe, Soult, Suchet, pour généraux de division, on peut braver les décisions du conseil aulique.

Bonaparte triomphe de la seconde coalition, et s'annonce comme

Titus après le siége de Jérusalem. Il montre la paix au monde, le repos à l'Europe, et le bonheur à la France.

Mais son bonheur à lui existe dans le fracas du pouvoir. Le sang de la guerre est son élément. Tout conquérir et tout mettre dans la dépendance de la France: tel fut le systême de la politique de Brissot, de Robespierre, de Rewbell et de Barras; il appartient plus particulièrement à celui qui a pris leurs principes, comme il réunit leurs pouvoirs, Il est impossible d'ouvrir une carte de l'Europe, et d'y trouver une contrée où Napoléon n'ait pas commis quelque spoliation, enfreint quelque traité, méconnu quelques-unes des lois des nations. Des batailles, des victoires, des conquêtes, hors de leur seul but justifiable', la justice et la paix, ne sont pas de la gloire, mais le triomphe de la fraude et de l'usurpation. Se faisant un jeu de l'effusion du sang humain et de la violation de tout ce qui existe de sacré, il a mis en principe la guerre perpétuelle. Enfant parricide de la liberté, il veut l'étouffer sous des lauriers. La vertu, il la méprise; s'il en emprunte le secours, c'est quand elle devient un instrument utile. Le crime est de même accidentellement à son usage; il ne rejette pas cette arme dangereuse, lorsqu'elle peut lui servir. Des milliers d'hommes n'offrent à ses yeux qu'une parcelle d'atômes insensibles à leur existence. Une créature humaine ne lui semble qu'un chiffre, une lettre algébrique. Il considère les peuples en masse, comme les éléments de ses calculs de domination, comme une matière morte, un champ d'expériences que le destin lui livre. La pleine coupe du pouvoir ne saurait étancher son ambition. Sa tyrannie, la plus formidable tyrannie qui se soit développée depuis l'invasion des barbares, pesera douze ans sur l'occident, jusqu'à ce que les peuples se soulèvent au nord, au midi, à l'est; s'avancent, en obligeant leurs chefs de les conduire, et l'accablent d'un poids irrésistible. Le triomphateur succombe. L'Europe, étonnée de cette chûte, peut à peine croire à la fin du règne de celui qui se disait le chef d'une dynastie impérissable, de celui dont la voix proférait des oracles sinistres ; qu'on entendit plusieurs fois s'écrier: TELLE MAISON A CESSÉ DE RÉgner.

Chose inouie! de ce trône immense, il ne reste pas un débris. Il s'est englouti tout en entier; et l'histoire de Napoléon n'est, le lendemain même de son renvoi, qu'une tradition. A peine il est découronné, et ses ministres, ses lieutenants, apparaissent comme des ombres mythologiques. Vivant, il subit le jugement de la postérité. Ses prodigieux succès avaient presque achevé la soumission de '

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