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naires. La délibération a commencé sur l'adoption d'un projet de déclaration au peuple français, à l'occasion des détails affligeants qu'on a reçus de plusieurs provinces où la sûreté des personnes, la conservation des propriétés et le paiement des impôts sont ouvertement méconnus. Dans le cours de la discussion sur ce projet dont le but est de calmer l'effervescence, d'assurer la liberté publique et de confirmer les propriétaires dans leurs droits; le vicomte de Noailles, remontant aux causes de l'insurrection qui se propage dans tout le royaume, déclare que le moyen de l'apaiser est, avant de procéder à la constitution, de remplir les premiers vœux du peuple, en le délivrant à l'instant même des vexations dont il est victime. II propose l'égale distribution de toutes les charges publiques, le remboursement de tous les droits féodaux, et la suppression sans rachat des corvées seigneuriales et des servitudes personnelles. Les ducs d'Aiguillon et du Châtelet, le comte de Grammont étendent cette proposition. Le marquis de Foucault demande qu'on frappe sans ménagement sur les pensions et les places de la cour, accordées pour la plupart aux plus basses intrigues. Aussitôt les membres du clergé et de la noblesse, transportés d'une sorte d'ivresse philanthropique, renoncent à l'envi l'un de l'autre, à tous les droits et priviléges qui pèsent sur les peuples, qui l'humilient et s'opposent au progrès de son bien-être. Un jeune homme, le vicomte Matthieu de Montmorenci, se présentant en scène, excite encore l'enthousiasme universel, en proposant d'arrêter sur-le-champ toutes ces dispositions. Aussitôt et sans délibération, on abolit, avec les droits féodaux et les justices seigneuriales, tous priviléges, franchises ou immunités de pays d'états, de villes, de communautés, d'individus ; on supprime la vénalité des charges de justice; les annates et déports, comme les droits casuels des curés de campagne; on déclare rachetables les dîmes de toute nature et les redevances féodales : on reconnaît que tous les Français sont également admissibles aux emplois civils et militaires; on interdit la pluralité des bénéfices et des pensions ecclésiastiques; on décrète la révision des pensions. L'étincelle électrique n'est pas plus rapide que ce mouvement patriotique. L'exaltation des opinions et des sentiments généreux est à son comble, et tient lieu d'examen, de discussion; tout ce qui est offert est reçu, soit que l'offre vienne du possesseur ou de celui qui envie la possession. Et dans ce violent tumulte, l'évêque de Chartres demande l'abolition du droit de chasse; un noble d'épée, celle de la vénalité des offices de judicature; un homme de loi, celle

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des justices seigneuriales. Toutes les motions sont adoptées par acclamation, aussitôt qu'énoncées, et suivies d'un torrent de renonciations. On s'empresse, on se foule pour déposer sur le bureau, non-seulement des priviléges odieux, des prérogatives nuisibles, mais aussi des droits justes et nullement onéreux qui paraissent des obstacles à la fraternité, à l'égalité de tous les citoyens. Toutes les dépouilles des classes privilégiées sont confusément jetées sur l'autel de la patrie; et sur les débris de tant d'intérêts immolés, on ne distingue que l'ardeur à fournir des holocaustes. Une espèce d'inspiration surnaturelle semble commander aux préjugés invétérés. Chacun les abandonne, dans l'espoir de régénérer l'état, de rétablir les finances, de mettre un terme à la disette du jour, d'appaiser les troubles et de satisfaire l'énergique impatience de la nation qui réclame la liberté pleine et entière, et une forme précise et constante de gouvernement. Ce qui n'est pas moins remarquable, c'est l'impétuosité de ces élans patriotiques de la part de plusieurs députés qui tiennent à cette sordide espèce de courtisans, déprédateurs si hardis du trésor public, qui, dans ces temps d'arbitraire fiscal, obtenaient des engagements, des inféodations, des aliénations de domaines, au grand préjudice de l'état; qui recevaient des graces excessives, accumulaient des pensions non méritées, dont la surcharge retombait sur le peuple; et qui, depuis le renversement du pouvoir absolu, transformés en démagogues, s'empressent de tout abandonner, de tout déposer en faveur du peuple. - Plusieurs prélats, les ducs de Castries et de Villequier-d'Aumont, renoncent à leurs prérogatives, en les signalant comme des abus très-répréhensibles. Le vicomte de Beauharnais demande l'égalité des peines pour tous les citoyens et leur égale admission à tous les emplois. Le marquis de Mortemart dit : qu'il n'y a plus qu'un vœu de la part de la noblesse, de hâter le décret qui consomme tous les sacrifices.

Cette détermination unanime de l'assemblée nationale, mais si précipitamment amenée, en détruisant d'un seul coup tous les abus, doit entrainer les plus graves désordres et conduire à d'injustifiables excès. Une transaction entre des partis politiques ne saurait être solide qu'autant que chaque contractant voit ses sacrifices compensés, ou du moins réduits dans de certaines limites. L'Angleterre, la Suède, sont deux exemples très-frappants de cette nécessité, ou de cette convenance. Chez nous, les classes privilégiées ont déja fait voir une majorité généreuse renonçant à ces prérogatives reconnues nuisibles, mais qu'une ancienne possession et l'état de la

société avaient consacrées (V. 23 mai et 27 juin). Cette majorité cède sans effort, comme sans hypocrisie, à l'impulsion du siècle. Il ne s'agirait donc que d'attendre un très-petit nombre d'années pour amener de grands biens sans mélange. Mais d'autres hommes, trop fougueux défenseurs des droits généraux, ardents et ambitieux tribuns, refusent d'admettre le temps comme élément de la réformation sociale; ils abattent l'édifice avant d'avoir formé le plan de reconstruction. De ces hommes, si les uns sont séduits par des considérations abstraites, d'autres nourrissent de perfides intentions ou d'ignobles ressentiments; et tous n'obtiennent une première concession, que pour en demander une seconde, en exiger une troisième, en prescrire une quatrième. Ils procèdent avec une jalouse fureur au renversement de toutes les institutions; ils détruisent tous les appuis de la morale, de l'ordre public; ils ébranlent le respect dû à la propriété, en attaquant sans ménagement toutes les anciennes propriétés. Et, pour tous ces maux qu'ils déversent à-la-fois sur la France, ils ne présentent d'autres palliatifs que des théories, des conceptions métaphysiques. En prononçant les mots de liberté, d'égalité, ils croient en avoir établi l'usage.

Cependant la nation applaudit avec transport. L'excuse de cette nation ne peut se trouver que dans son ignorance des moyens d'amener la félicité publique; ignorance qu'entretinrent avec un soin si attentif et un si malheureux succès, pendant un siècle et demi, les ministres des deux prédécesseurs de Louis XVI, qui lui ont légué les funestes résultats de leur systême de gouvernement. A mesure que les lumières se propageaient, ils redoublaient d'efforts pour soutenir les abus, ils reproduisaient les actes du pouvoir absolu. Aussi l'inconsidération qui doit caractériser les députés de la nation, pendant tout le cours de cette session, est déja profondément marquée dans cette nuit du 4 au 5 août.

On peut envisager cette nuit de destruction, comme l'explosion d'une troisième révolution politique, ou comme une troisième éruption du volcan ouvert sous la France. C'est le complément de la journée du 17 juin, où le tiers-état s'investit de l'autorité souveraine en s'attribuant tous les droits de la nation; c'est le sceau de la journée du 14 juillet, où les Parisiens en armes, se faisant les interprètes de l'opinion générale, ont déployé la force populaire, renversé la Bastille, et précipité sur ses ruines le pouvoir arbitraire. Au 17 juin, les lois cessent d'émaner de la volonté royale; au 14 juillet, l'action exécutive n'appartient plus au gouvernement; au 4 août, dispa

raît la puissance de la noblesse et du clergé. Ainsi tombe en quelques semaines, et disparait en entier le systême si faussement posé d'un ministre et d'un Roi à grande renommée, l'œuvre du superbe Richelieu et du fastueux Louis XIV. Exemple terrible qui devrait éclairer et qui n'éclairera pas les princes absolus!

9. Finances publiques. -- Décret portant création d'un emprunt de trente millions à quatre et demi pour cent, sans retenue. Cet emprunt se doit aux non-rentrées de plusieurs impôts que, dans la plupart des provinces, le peuple refuse de payer. Il ne se remplira pas (V. le 27).

10. Décret et proclamation de l'assemblée nationale, pour rétablir la tranquillité publique. — Proclamation illusoire! Ce n'est point avec des exhortations à l'ordre, qu'on y ramène des prolétaires fougueusement soulevés.

12. Décret.- Suppression de la díme ecclésiastique sans rachat. Ce décret est en contradiction avec le décret du 4. Il établit une disposition injuste, en dépouillant d'une propriété ceux qui en jouissent depuis plusieurs siècles, et cela sans leur assigner d'indemnités; inconsidérée, en abandonnant ce tribut à ceux qui le doivent; inutile à l'état qui devait puiser d'abondantes ressources dans le rachat. Ainsi les premiers pas de l'assemblée nationale dans la route de la liberté, sont des injustices perdues pour la nation, et contagieuses pour l'avenir. Le peuple, voyant supprimer soudainement ce que jusque alors il a respecté, perdra toute pudeur, en se livrant à l'impétuosité des passions qui lui seront inspirées. Dès-lors les provinces offriront le plus affligeant spectacle : le pillage des titres seigneuriaux ; l'incendie de beaucoup de châteaux, de plusieurs abbayes, et aussi de quelques manufactures; des meurtres fréquemment renouvelés et souillés de barbaries; des dévastations qui accableront le revenu public comme celui des particuliers. Les moyens répression seront sans force; car les institutions judiciaires, qui pourraient contenir les malfaiteurs, sont livrées à la déconsidération, au mépris même des classes inférieures.

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12. L'assemblée nationale arrête dans ses bureaux que chacun de ses membres recevra une indemnité de dix-huit francs par jour. -Cette mesure retient les députés qui ne jouissent que d'un trèsfaible revenu et qui, formant le grand nombre, auraient affaibli l'assemblée par leur retraite, au point de l'exposer à se dissoudre.

18. Insurrection démocratique à Liége, qui chasse le prince-évêque, et s'empare du gouvernement. -Les factieux se donneront une constitution. Ils appelleront à leur tête le prince Ferdinand de Rohan,

archevêque de Cambrai, qui ne craindra pas l'indignation de l'Europe, en répondant à leurs desirs ( V. 12 janvier 1791 ).

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23. Décret qui proclame que Nul homme ne doit être inquiété

dans ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation « ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

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27. Finances publiques. Décret ordonnant un emprunt de quatre-vingt millions, moitié en argent, moitié en effets publics. Le pouvoir exécutif en fixera le mode. Cet emprunt n'aura pas plus de succès que l'emprunt décrété le 9 (V. 6 octobre).

31. Ordonnance du Roi qui supprime les gardes- françaises. Septembre 9. Décret constitutionnel. - L'assemblée nationale sera permanente.

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10. Décret portant que le corps législatif ne sera composé que d'une chambre.-Très-peu de députés conçoivent les inconvénients de cette disposition. On ne saurait en citer que cinq ou six dont l'opinion paraisse arrêtée sur ce point essentiel : Lally - Tollendal, Dupont de Nemours, Mounier, Malouet, Cazalès. Le premier a vainement, dans un discours aussi profond qu'éloquent, développé tous les avantages qui résultent d'une monarchie constituée avec deux chambres législatives. Tous ces Français qui veulent un gouvernement représentatif, sont tellement dans l'ignorance, à l'égard de la distribution des pouvoirs, que ce discours est écouté avec défaveur, interrompu par de bruyants murmures. Trop peu de membres du tiers-état savent, qu'en concentrant en eux seuls toute l'autorité des états-généraux avec l'autorité royale, qu'en s'étant constitués assemblée unique, ils ont ouvert la porte au despotisme de la démocratie, qui, s'il n'est pas le plus durable de tous les despotismes, en est le plus terrible, à cause de l'infixité de ses agents et de la continuelle mobilité de ses caprices.

Aussi-bien ce parti nombreux, qui est populaire, mais qui n'est point la faction démagogique, qui n'a point de coupables ou d'ambitieux desseins, ce parti s'irrite de plus en plus contre les nobles qu se séparent de plus en plus des intérêts généraux. Il repousse cet élément de stabilité, parce qu'il n'envisage que la conduite actuelle de ceux qui seraient appelés à la chambre haute. Les priviléges et les prétentions de la noblesse ont profondément blessé la nation. Quelque avantageuse que pût être la perspective d'institutions analogues aux institutions qui régissent nos voisins d'outre-mer, les Français refuseraient l'établissement d'une magistrature patricienne. L'aversion est générale. On repousserait même un sénat semblable à celui des Etats-Unis, dont les membres so nt renou

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