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compromise, s'il ne cesse pas de donner des gages de la sincérité de ses intentions. Louis XVI adopte le premier avis; mais, à ce jour, comme en toute autre conjoncture, son caractère énerve, paralyse l'exécution. Il s'appuie sur les troupes, et jamais il ne parut à cheval dans leurs rangs. Les factieux se montrent, un peuple immense s'ément; et le petit-fils de Henri IV vit au fond d'un palais, dans la stricte observance de l'étiquette, en habit brodé, accessible seulement à messieurs les gentilshommes de la chambre. Il enjoint à Necker de s'éloigner mystérieusement, disgraciant de la manière la plus timide un homme qui jouit de la plus grande popularité et regardé comme seul capable de sauver l'état, parce qu'on croit encore que le salut public ne tient qu'à l'embarras des financés. Quel avenir de fautes dans cette seule faute !

12-13. Troubles de Paris. — Le prince de Lambesc, commandant une partie des troupes rassemblées au voisinage de Paris (V. 2 juillet); charge, à la tête d'un régiment allemand et d'un corps de Suisses, des attroupements formés à la place de Louis XV, et force l'entrée du jardin des Tuileries, pendant que des pelotons de gardes-françaises, qui ont pris parti pour le peuple, se fusillent, sur le boulevard voisin, avec les soldats étrangers. Au même instant, toutes les barrières sont attaquées, renversées, brûlées; et Paris se trouve entre une armée et cette foule d'hommes hideux que l'on voit toujours, au premier tumulte, sortir comme de dessous terre.

Les bourgeois, universellement pénétrés du danger général, s'assemblent dans les districts. Le tocsin sonne dans chaque quartier, tous les citoyens s'arment de leur mieux, et des patrouilles de volontaires établissent immédiatement une police de sûreté. Les électeurs des députés aux états-généraux accourent à l'Hôtel-de-Ville, et, se réunissant au corps municipal, ils créent sur-le-champ la milice parisienne. Quarante-huit mille citoyens s'enregistrent dans un seul jour; les soixante assemblées de districts les forment en bataillons, en compagnies. Enfin, l'assemblée de l'Hôtel-de-Ville établit un comité de sûreté permanent, qui prend l'arrêté suivant : « Les désor« dres..... ayant déterminé à rétablir sans délai la milice parisienne, « il a été décidé : Le fonds de cette milice sera de quarante-huit a mille hommes.... formant seize légions....... L'état-major « général, composé d'un commandant-général, d'un commandant « en second, d'un major-général, et des états-majors de chacune des a seize légions; tous les officiers seront nommés par le comité perLes couleurs de la ville ayant été adoptées par

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« l'assemblée générale des électeurs, chacun portera la cocarde bleue » Tel est le premier acte d'autorité publique qui a constitué la force populaire. Le 16 juillet, le Roi approuvera la dénomination de Garde Nationale qu'a prise la milice bourgeoise. Les provinces ne tarderont pas à imiter Paris; par-tout les gardes nationales s'organiseront sur le même plan. Trois millions de Français vont être sous les armes pour soutenir les principes de la révolution.

13. Assemblée nationale. Décrets. Les ministres et leurs agents sont personnellement responsables de toute entreprise contraire aux droits de la nation et aux décrets de l'assemblée nationale. La dette publique ayant été mise sous la garde de la loyauté française, nul pouvoir n'a le droit de manquer à la foi publique. — L'assemblée déclare persister dans ses arrêtés des 17, 20 et 23 juin. 14. PRISE DE LA BASTILLE. La fermentation s'accroît à Paris, à mesure des craintes qu'inspire la cour. Plusieurs courriers sont arrêtés; on trouve dans leurs dépêches de nouveaux sujets de défiance. Une foule prodigieuse se porte à l'hôtel des Invalides et somme le gouverneur de livrer le dépôt d'armes confié à sa garde. Il s'y refuse; et trente mille fusils sont enlevés avec vingt pièces de canon. Dès la veille, le peuple s'est emparé de toutes les armes trouvées chez les armuriers, ainsi que d'un bateau chargé de poudre. Dans plusieurs églises, lieux d'assemblées pour les districts, des ouvriers s'emploient à faire des balles.

Il reste néanmoins beaucoup d'hommes à armer, lorsque le bruit se répand que la Bastille renferme des dépôts considérables. Le peuple y court, à la suite de personnes qui portent au gouverneur une lettre du prévôt des marchands ( premier magistrat municipal). La porte de ce château est ouverte à une quarantaine d'hommes ; mais à peine sont-ils introduits, qu'une fusillade se fait entendre dans l'intérieur. La fureur de la multitude s'irrite; les portes sont enfoncées, les chaînes des ponts-levis coupées; le gouverneur (marquis de Launay) et le major sont saisis, entraînés à la place de Grève, où, après avoir éprouvé les plus indignes traitements, ils sont massacrés. Leurs têtes, mises au bout de deux piques, avec des écriteaux, sont promenées dans les rues.

Le soir, le prévôt des marchands, Flesselles, qui est généralement soupçonné de connivence avec la cour, sort de l'Hôtel-de-Ville. Frappé sur le perron, d'un coup de pistolet, il est mis en pièces par la multitude.

Cependant la nuit est tranquille: plusieurs pelotons de gardesfrançaises, et un assez grand nombre de Suisses, de soldats, de cavaliers, de dragons, qui se trouvaient sous les murs de la capitale, se sont joints à la milice bourgeoise.

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La Bastille reste confiée à cette milice, qui s'est hâtée de délivrer les prisonniers. On s'étonne de n'en trouver que sept, savoir : les nommés Béchade, la Caurège, la Roche, Puzade, tous quatre natifs d'Agen, falsificateurs de lettres-de-change au nom de Tourton et Ravel, banquiers de Paris; le comte de Solages (d'Albi), renfermé en punition de très-graves désordres, et à la demande de son père; Tavernier et l'Irlandais Whyte, hommes obscurs, fous l'un et l'autre, emprisonnés pour des raisons inconnues. — Il résulte des procédures de la Bastille, d'après les documents authentiques livrés au public, que depuis la régence, on y a renfermé quelques criminels, beaucoup de mauvais sujets, mais un plus grand nombre de personnes très-légèrement répréhensibles ou entièrement innocentes, et victimes, soit de l'intrigue, d'ennemis puissants, ou des intérêts, des passions, des méprises du ministère. C'est dans ces temps-là qu'un ministre s'écriait: S'il n'y avait pas de lettres-de-cachet, je ne voudrais pas être ministre.

Ordonnance du Roi.

«S. M. ayant été à portée de juger de l'effet qu'a produit dans ses troupes la punition des coups de plat « de sabre, établie par son ordonnance du 25 mars 1776, supprime « ladite punition; voulant S. M., que cette peine soit remplacée par « celle de la prison ou autres punitions réglées pour la discipline mi« litaire, suivant l'exigence des cas..... >>

15. Le Roi, voyant qu'il faudrait noyer l'insurrection dans des flots de sang, aime mieux la légitimer par une clémence sans réserve. Il se transporte avec ses deux frères, mais sans gardes, sans cortège et sans ministres, au lieu où siégent les états-généraux qu'il nomme pour la première fois assemblée nationale. Il annonce le renvoi de l'armée réunie près de Paris; il approuve la formation de la milice bourgeoise; il remet au président une lettre de rappel pour Necker (V. 11 juillet); et invite à envoyer des députés à Paris pour y ramener l'ordre et le calme, en y répandant ces nouvelles. Le Roi retourne au château, à pied, au milieu de l'assemblée toute entière qui lui sert de cortége. Des députés envoyés à Paris réussissent à calmer les esprits; à leur voix la multitude se dissipe. Un comité pris parmi les électeurs aux états-généraux (V. le 12, 13) exerce toutes les fonctions municipales. Le besoin d'un point de ralliement

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a fait de ce comité la seule autorité reconnue et le centre auquel tout aboutit. Il nomme Bailly maire, la Fayette général en chef, et le vicomte de Noailles major-général de la garde nationale. La nomination de ces trois députés annonce le triomphe complet du parti populaire. Dès ce jour, le Roi descend au troisième degré de puissance; car la commune de Paris occupe le second. Toutes les villes s'empresseront de suivre l'exemple de la capitale. Plusieurs centaines de mille hommes, subitement mis sous les armes, viendront demander des ordres à l'assemblée nationale, universellement regardée comme la suprême autorité. En moins de quinze jours, deux millions de gardes nationaux couvriront la France. Ces milices formeront d'abord l'armée de la faction dominante dans l'intérieur ; et en 1793, elles sauveront la France des armées étrangères.

16. En même temps que Necker est rappelé (V. 15 juillet), le maréchal de Broglie, le duc de la Vauguyon, et le baron de Breteuil, nommés ministres cinq jours auparavant, se retirent.

Le comte d'Artois, frère du Roi, le prince de Condé, prince du sang, et une foule de personnes tenant à la cour, qui redoutent la fureur populaire, s'éloignent précipitamment et se retirent au-delà des frontières. Le Roi n'a plus auprès de lui, de toute sa famille, que Monsieur (Louis XVIII) son frère, madame Élisabeth, sa sœur, la Reine et ses enfants.

16. Les membres de la minorité de la noblesse et du clergé, qui, depuis leur réunion à l'assemblée nationale, le 27 juin, persistaient à ne prendre aucune part aux délibérations, annoncent qu'ils reviennent sur cette détermination. L'abbé de Montesquiou exprime avec componction que la minorité du clergé s'est trompée et qu'elle en fait l'aveu à la nation.

17. Le Roi, accompagné de cent membres de l'assemblée nationale, se rend à l'Hôtel-de-Ville de Paris. Il est reçu aux acclamations du peuple et avec respect par les nouvelles autorités. Cependant le maire Bailly dit fort peu convenablement dans sa harangue : « Sire, j'ap« porte à V. M. les clés de sa bonne ville de Paris; ce sont les mêmes « qui ont été présentées à Henri IV. Il avait reconquis son peuple : ici, le peuple a reconquis son Roi. » Il prend la cocarde rouge et bleue, couleurs de la ville (V. 13 juillet); sa présence apaise les troubles.

22. Nouveaux désordres à Paris. La cherté des grains en est l'occasion, et devient une arme terrible dans la main des agitateurs. Foulon, ancien administrateur des armées, et son gendre Berthier de

Sauvigny, intendant de la généralité de Paris, sont massacrés par la populace, à laquelle ils sont désignés comme accapareurs de blés. Elle leur fait subir des tourments dont on ne trouve d'exemples que chez les Cannibales ou parmi les nègres révoltés de Saint-Domingue. Ces actes de férocité sont comme des signaux envoyés dans les provinces où le peuple, s'excitant au meurtre, à l'incendie, au pillage, voudra aussi se signaler par des arrestations arbitraires et des jugemeats de proscription.

26. Le général la Fayette, commandant de la garde nationale de Paris, joignant la couleur des lys à celles de la ville (rouge et bleue) présente à l'assemblée des électeurs la cocarde tricolore. Il les assure que cette cocarde fera le tour du monde. Avant la còcarde rouge et bleue (V. 13 juillet), le peuple de Paris avait pris pour signe de ralliement une cocarde vert tendre, couleur emblématique de l'espérance; mais elle fut rejetée parce que la livrée du comte d'Artois, frère du Roi, était de cette couleur, et que ce prince était l'objet de l'animosité populaire.

28. Décrets portant formation d'un comité des rapports et d'un comité d'information et de recherches.

Août 1er. Le maire de Saint-Denis est massacré par la populace de ce bourg, qu'irrite la cherté du pain. Ce meurtre annonce la longue nomenclature des violences, des dévastations, des atrocités commises dans les provinces.

Un détachement de milice bourgeoise amène à Paris l'arsenal de Chantilly, où, entre autres objets, se trouvent vingt-sept pièces de canon, dont quelques-unes avaient été données au grand Condé, après la victoire de Rocroi, et deux au dernier prince de Condé, après la bataille de Johannisberg. —L'arrivée de ce convoi militaire, ainsi que la saisie de dix-sept canons trouvés à l'Isle-Adam, château du prince de Conti, fortifieront les défiances populaires qu'a produites une foule de brochures et d'affiches touchant les princes et les nobles qui ont abandonné la France.

DECRETS DO 4 août. Dans la séance du matin, l'assemblée nationale a décrété que la constitution sera précédée de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. « En produisant cette déclaration, a dit le vicomte Matthieu de Montmorenci, donnons un

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⚫ grand exemple à l'univers; présentons-lui un modèle digne d'être « admiré. »

La séance du soir, ouverte à huit heures, et continuée fort avant dans la nuit, présente une scène inattendue et des plus éxtraordi

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