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eux et des ennemis acharnés à leur ruine. Ils font de même, ces Moskowites, battus sans relâche depuis le Niémen, et qui se rappellent sans doute qu'ils ont une commune origine avec les destructeurs d'un si grand nombre de monuments romains. Mais les Scythes d'autrefois, qui s'élançaient en troupes de bêtes féroces, ravagèrent moins cruellement les villes où leur domination s'était fixée. Le pas que les Scythes ont fait dans la civilisation semble avoir irrité leur brutalité naturelle. Défaits, ils se retirent armés de torches. On ne peut voir ici que la rage imbécille d'une nuée de barbares; il est impossible d'y reconnaître un plan de défense, une combinaison militaire. Ni le connétable de Montmorency, détruisant (en 1536) les faibles ressources que la Provence pouvait offrir à l'armée de CharlesQuint; ni Wellington, faisant enlever ou anéantir (V. mars 1811) tous les approvisionnements du Beira et de l'Estramadure, en se repliant sur Lisbonne; ni l'un ni l'autre de ces capitaines n'avaient réduit en cendres les villes dont ils ne pouvaient éloigner l'ennemi. De même que l'embrasement du Palatinat décida le triomphe de Louvois, de même le complot que trament Kutusow et Rasptochin, de livrer aux flammes l'ancienne capitale des czars, assurera leur influence. Que leur importe, alors, que cette incendie entraîne de plus grands désastres que n'en causerait le séjour de l'armée ennemie ? Les Russes ne sont-ils pas des esclaves dont l'existence dépend du bon plaisir de leurs maîtres? et ce bétail, à visage d'homme, n'est-il pas destiné à la dispersion ou à la mort, suivant l'intérêt ou le caprice de ses conducteurs ?

Napoléon aurait donc pu s'apercevoir, depuis Smolensk, qu'il avait affaire à ces mêmes guerriers, auteurs des massacres d'Ismail et de Praga, atrocités qui n'ont jamais été surpassées, dans l'histoire du monde (V. 22 décembre 1790, 4 novembre 1794, deuxième article). Il lui suffisait de voir avec quelle promptitude et quelles précautions avaient été brûlées les villes de Smolensk, Dorigobni, Wiazma, Ghiat, Mojaïsk, pour supposer le sort réservé à Moskow.

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<«< Dans tout autre pays de l'Europe ( dit l'auteur de la Campagne de 1812), une détermination semblable eût été proclamée haute«ment, et un appel solennel au peuple l'eût invité à embrasser une << mesure extrême, qui devait avoir son salut et son indépendance pour résultat. Mais... le peuple, en Russie, n'a

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- rien à perdre qu'une vie flétrie par l'esclavage le plus avilissant; le toit même qui le couvre ne peut brûler qu'aux dépens de son

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« maître. Il n'était donc pas nécessaire de le prémunir contre un

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danger qui ne lui portait point de dommage. Les étrangers, qui « sont les seuls êtres qui jouissent d'une liberté précaire, se seraient << alarmés d'une ruine certaine sans dédommagement quelconque. Il << valait donc mieux les sacrifier; d'autant plus que les Russes, se croyant déja assez avancés dans les arts et dans les sciences, n'y voient que des rivaux dangereux. C'est sur ces bases qu'on agit, « et tout se trame dans le silence. >> On pourrait, d'après cela, faire un parallèle entre Rasptochin, scythe extravagant et féroce, incendiant Moskow, et Christophe, nègre d'Afrique, incendiant le Cap-Français (V. 4 février 1802).

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Les pompes et les instruments en usage, en cas d'incendie, ont été enlevés et transportés hors de la ville; des fusées incendiaires sont distribuées aux agents de police chargés de les remettre aux malfaiteurs dont on videra les prisons, et qui devront allumer le feu dans mille endroits. Dès que la plus grande partie de cette population, surprise au sein de la sécurité dans laquelle on l'a soigneusement endormie, se sera jetée, comme en sursaut, dans les bois voisins, à défaut d'autre asyle, et que les ténèbres descendront, les émissaires infernaux de Rasptochin procéderont à l'exécution de ses ordres. Les matières inflammables, déposées dans un grand nombre de maisons désertes, les embrasent à-la-fois. Le feu a été mis aux établissements publics, et même aux hôpitaux.— Le ravage des flammes ne cesse que dans la soirée du 20, lorsque les neuf dixièmes de la ville sont en cendres. De quatre mille maisons en pierre, il n'en reste que deux cents; de huit mille en bois, que cinq cents. Plus de vingt mille malades ou blessés périssent consumés.

L'avantage que la Russie pouvait attendre de la destruction de sa capitale, celui même qu'elle en a retiré par suite du séjour si prolongé des Français ( séjour auquel on ne devait pas s'attendre), équivalent-ils encore à l'énormité du sacrifice? La réponse sera tracée, pendant un siècle encore, sur les ruines de Moskow. Ce résultat, funeste pour la Russie, n'aurait pas eu lieu, si, par une ambition dépravée, elle n'avait fait alliance avec le dominateur de la France, l'oppresseur de l'Europe civilisée. Le gouvernement russe méritait, comme le gouvernement espagnol, de recueillir les fruits amers réservés à ceux qui s'unissent aux méchants, et favorisent l'iniquité. Malheur aux simples qui encensent un génie malfaisant!

18. L'armée russe dite du Danube, qui a quitté la Moldavie, après le rétablissement de la paix avec la Porte-Ottomane (V. 28 mai), se réunit à Lutsk (en Wolhynie, sur le Styr) avec l'armée de réserve.

La première est sous les ordres de l'amiral Tschitchagow; la seconde, commandée par le général Tormasow, vient d'être battue et fortement endommagée par le prince Schwartzemberg, conduisant l'ar

mée austro-saxonne.

26. Débarquement à Riga d'un corps de troupes russes venu de la Finlande.

Octobre 11. L'armée russe, sortie de la Moldavie (V. 18 septembre), ayant rejeté le général autrichien en Gallicie, gagne Bresc sur le Bug. Cette armée, forte d'environ trente-six mille hommes, menace ainsi les communications de l'armée française avec Warsovie.

17-19. Combat de Polotsk.-Le Russe Wittgenstein, renforcé par les corps venus de la Finlande (V. 26 septembre), se flatte de pouvoir, au moyen de sa grande supériorité numérique, entamer le corps d'armée du maréchal Gouvion-Saint-Cyr, et empêcher sa retraite par la Düna. Wittgenstein est lui-même fortement endommagé et repoussé dans toutes ses attaques. Le maréchal est grièvement blessé, il fait un grand éloge des généraux Maison, Legrand, de l'adjudant-commandant d'Albignac.

18. Combat de Winskowo ( vingt lieues ouest de Moskow). – Kutusow voulant empêcher la jonction du maréchal Victor, parti de Smolensk, attaque le roi de Naples (Murat) qui couvre Moskow avec l'avant-garde de la grande armée. Murat est complètement battu.

22. Wellington, chef de l'armée anglaise en Espagne, lève, après trente-cinq jours, le siége du château de Burgos, bâtiment de construction gothique, flanqué de fortifications irrégulières et construites à la hâte, mais aussi bravement qu'habilement défendu par le général Dubreton qui, n'ayant que quinze cents hommes, a soutenu cinq assauts. Les assiégés ont perdu près de six cents tués ou blessés; les ennemis, plus de deux mille hommes.

23. Conspiration à Paris, dite conspiration Malet.

Trois ex-généraux obscurs, mûs par des mécontentements personnels, ou par on ne sait quels motifs, essaient de renverser l'immense puissance de Napoléon, au moyen d'un coup-de-main sur les principaux agents de sa police, police qui dispose de l'intérieur de la France. Car il n'a pas seulement fondé son trône sur le prestige de sa gloire militaire, sur les fastueuses illusions de ses vastes desseins, comme sur les bienfaits accidentels et la régularité de son adminis tration, ou encore sur ses prodigalités systématiques : il juge que la sécurité de son trône repose bien mieux sur cette inquisition domes

tique, introduite dans le systême du gouvernement de Louis XIV, et si désastreusement perfectionnée, au comité de sûreté générale, par les Cambacérés et les Merlin dit de Douai. Consul, à la faveur du 19 brumaire (10 novembre 1799), Bonaparte trouve au ministère de la police l'ex-conventionnel Fouché dit de Nantes, fameux d'abord par un républicanisme atroce (V. 12 octobre 1793): mais, après le gouvernement révolutionnaire, la plupart des jacobins ayant adopté d'autres règles de conduite révolutionnaire, ce ne sera plus, à l'époque du consulat, Fouché, sociétaire du comédien Collot d'Herbois, mitraillant des masses, et se mettant en défiance des larmes du repentir; ce sera Fouché, artisan de conspirations, protégeant tous les vices bas, étouffant tous les sentiments généreux. Par ses inspirations, la police, puissance occulte, dont la force réside dans l'idée qu'elle sait donner de sa force, devient le grand ressort de l'état. Néanmoins Napoléon, impatient de toutes les renommées antérieures à la sienne, qui ne veut déja de mérites et de talents que ceux auxquels il donna l'essor, ou qu'il circonscrit dans une sphère étroite, s'importune enfin de la transcendance de son ministre Fouché. Ayant fait, en toutes choses, un continuel usage de petits artifices ou de stratagêmes habilement déguisés, il prétend connaître mieux, que qui que ce soit, le systême de police approprié au despotisme. Il veut diriger, lui-même, cette branche d'administration qui tient à sa sûreté personnelle, au repos de ses nuits. Désormais il ne déposera sa confiance que dans les mains de ses plus dociles élèves, des plus fermes exécuteurs de ses volontés. Le général de gendarmerie Savary est déclaré ministre ; et le juge Pasquier, préfet de la police impériale perfectionnée. Ils remplissent avec vigilance, zèle et dextérité, leurs fonctions de visir et de pacha du sultan français ; lorsque, le 23 octobre, ils sont, à leur tour, inopinément jetés, par les généraux conspirateurs, dans ces prisons où gémissent leurs victimes. Le ministre de la guerre, si dénué de moyens en toute occasion, a, dans cette circonstance, perdu toute présence d'esprit. Mais, grace à la perspicacité de ce conventionnel, membre distingué du comité de sûreté générale, de Cambacérès, le visir et le pacha sont bientôt délivrés; l'affront fait à leur dignité, à leurs talents est vengé; et ce chétif évènement d'un jour n'offre plus au public, comme certains apologues, que l'intérêt de la moralité qui en découle, pour témoigner l'insuffisance des précautions dont s'entoure la tyrannie, et montrer la fragilité de ses supports, quelque bien choisis qu'ils puissent être,

ÉVACUATION DE Moskow.

Enfin déterminé par la défaite de Winskowo (V. le 18), le chef de l'armée française bat en retraite vers l'ouest. Le maréchal Mortier, formant l'arrière - garde, fait sauter l'arsenal, les magasins et le Kremlin, citadelle et résidence des premiers ducs moskowites. C'est après QUARANTE JOURS d'occupation, et presque d'inaction, que Napoléon abandonne une ville dont le premier jour a vu détruire les richesses et les approvisionnements. Il a cru s'enrichir des dépouilles d'une opulente cité; il n'a trouvé que son cadavre. L'impatience de triompher dans cette métropole, l'orgueil d'y trouver la date de cent décrets, lui ont fait tout sacrifier pour y parvenir. Toujours plongé dans les misérables illusions du despotisme, il prétend, des confins de l'Asie, décider les plus obscurs détails de l'administration intérieure de cette vaste France, comprenant cent trente départements. Il envoie à Paris des réglements sur les théâtres, des décrets sur l'exercice, par tel ou tel individu, de la profession de boulanger ou d'apothicaire; croyant prouver ainsi la force, l'étendue et la flexibilité de son génie. Les puérilités dans lesquelles il se complaît, sur ce qui touche à son rang ou tient à sa puissance,, ne sauraient s'expliquer dans un homme doué des plus éminentes facultés.

La situation des corps français qui manœuvrent autour de Moskow, assez avantageuse d'abord, a cessé de l'être, dès que Kutusow sort de la stupeur produite par sa grande défaite du 7 septembre. Ayant échoué dans ses opérations régulières, ce chef des Russes s'applique à soulever la population. Mauvais général, il sera bon révolutionnaire; il enflammera ses compatriotes vains, comme le sont des esclaves; superstitieux et fanatiques, comme des barbares frappés des premières lueurs de la civilisation. On les persuadera que cette guerre, fomentée par la seule politique de deux cabinets rivaux, est dirigée contre la croix grecque et contre l'existence matérielle du paysan slave.

Les combats et les marches ont affaibli l'armée française de plus de la moitié de son nombre primitif. La disette et les maladies la diminuent de jour en jour. Les plus forts régiments de cavalerie ne comptent pas cent chevaux; tous les moyens de les remplacer et d'entretenir les équipages manquent à-la-fois.

Les subsistances cessent d'arriver à Moskow; les environs sont, dans un rayon de plusieurs lieues, désolés par des partis de cavalerie irrégulière. N'importe: Napoléon suspend son départ; il ne doute pas

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