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9. Mort de Necker, à Coppet, près de Genève, où il vivait retiré depuis son dernier ministère (V. 4 septembre 1790).

Peu d'hommes publics furent jugés aussi diversement que cet étranger, appelé trois fois au conseil de Louis XVI. Il ne s'agit pas de déterminer sa capacité d'homme d'état, s'il l'eût exercée dans des conjonctures moins impérieuses. On ne saurait méconnaître en lui l'administrateur aussi intègre que versé dans la science financière, le citoyen épris d'une liberté sagement restreinte, et en même temps opposé à toute amélioration précipitée. Chaque page de ses écrits le montre également recommandable par l'austérité des principes et par l'indulgence envers les hommes. Il serait difficile aussi d'évaluer le degré de sincérité qu'il apporta dans ses projets, lors de son second ministère, en 1788. Mais on lui reproche, avec fondement, de s'être trop persuadé de l'ascendant qu'exercerait son nom; d'avoir trop présumé de son habileté à conduire la France dans les rontes nou velles où lui-même l'avait engagée; d'avoir cru qu'il dirigerait aisément et constamment le tiers-état, cette puissance qu'il avait produite sur l'avant-scène, ou qu'elle n'userait pas de toute la force qu'il lui avait fait déployer. Cédant toujours aux circonstances, il ne sut ni les prévoir, ni les combattre. Conduit par les évènements, il tomba victime de l'opinion populaire, après l'avoir servie en esclave. Il eut la prétention de sauver le vaisseau de l'état du nanfrage des abus et de la dissolution où le pouvoir arbitraire le précipitait; il le vit se briser pièce à pièce, sans l'arrêter à aucune ancre de secours. Son esprit fut abusé par le charme de certaines théories; et il se flatta de former et de mettre en œuvre un systême de révolution, comme un plan de finances, ou un mode de comptabilité.

Il commit une faute immense, en ne faisant pas tous ses efforts pour gagner Mirabeau, le grand moteur du tiers-état. La séduction étaitelle donc un moyen répréhensible vis-à-vis un homme profondément immoral, qui pouvait entrainer les destinées de la France ? Cette manière de voir lui fit éloigner de salutaires précautions. Recueilli dans son cabinet, il négligea de descendre dans l'arène ; et se sentant peu propre à cette lutte effective, dans laquelle l'orateur politique, semblable au gladiateur romain, se présente à découvert, il se méprit sur le peu d'importance dont elle est dans un gouvernement représentatif. La salle des séances, les bureaux des comités étaient le véritable champ de bataille. Sur ce terrain, et de plain-pied, les défenseurs du trône devaient combattre les agitateurs du peuple. Necker, absorbé par des idées générales, n'aperçut pas que les ministres du

roi ne pouvaient rester étrangers aux délibérations de l'assemblée nationale. Les inconvénients de trois chambres, il les distingua trèsbien, ainsi que les avantages de deux chambres. Cependant le moment parut, et ce moment fut même assez prolongé, où la fusion du clergé dans la noblesse eût pu s'opérer. Si Necker l'eût saisi, les bienfaits de la journée du 2 mai 1814 succédaient immédiatement aux espérances apportées le 5 mai 1789; et la charte, si heureusement retrouvée à Saint-Ouen, présentée aux états-généraux à Versailles, remplissant l'attente de la nation, comblait l'abyme de vingtcinq années.

12. Louis XVIII renvoie au roi d'Espagne ( Charles IV), l'ordre de la toison d'or, dont venait d'être décoré Bonaparte, en lui disant: « Monsieur et cher cousin....... Il ne peut y avoir rien de commun « entre moi et le grand criminel que l'audace et la fortune ont placé « sur un trône qu'il a eu la barbarie de souiller du sang pur d'un « Bourbon, le duc d'Enghien. La religion peut m'engager à pardon« ner à un assassin, mais le tyran de mon peuple doit toujours être << mon ennemi...... ... La providence, par des motifs inexplica«bles, peut me condamner à finir mes jours en exil; mais jamais, « ni mes contemporains, ni la postérité, ne pourront dire que, « dans le temps de l'adversité, je me suis montré indigne d'occuper, « jusqu'au dernier soupir, le trône de mes ancêtres. »

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13, 14. Les préparatifs d'une descente en Angleterre (V. 4, 15 août 1801), interrompus après le traité d'Amiens (25 mars 1802), ont été repris. Ils s'effectuent, depuis plusieurs mois, avec la plus extraordinaire célérité. On a construit dans les ports, sur les rivières, un très-grand nombre de petites embarcations, chaloupes canonnières, prames, péniches, bateaux plats, dont la réunion géné rale doit s'effectuer à Boulogne. Une flotille de près de douze cents de ces bâtiments, y est assaillie par une forte escadre anglaise. La flotille n'éprouve point de dommages (V. 2 octobre 1804).

28. Proclamation de Dessalines (V. 30 novembre 1803). — Ce chef des nègres de Saint-Domingue, donnant un libre cours à sa férocité, les excite à massacrer tous les blancs restés dans cette île... « Mon bras suspendu au-dessus de leurs têtes a trop long-temps différé de frapper..........Soyez cruels et sans merci, semblables à un torrent en fureur qui a rompu ses digues, et qui entraîne << tout ce qui tente de s'opposer à ses flots; votre fureur vengeresse « a renversé et emporté toute chose dans son cours impétueux..... « Où est le vil Haïtien, si indigne de la régénération, qui croie n'a

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« voir point accompli les décrets de l'Éternel, en exterminant ces

tigres altérés de sang? S'il en est un, qu'il se retire par la fuite ! La « nation indignée le rejette de notre sein; qu'il aille cacher sa honte « loin de chez nous ! L'air que nous respirons n' n'est pas fait

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pour ses or« ganes grossiers; c'est l'air pur de la liberté auguste et triomphante. Oui, nous avons rendu à ces vrais cannibales, guerre pour guerre, crime pour crime, outrage pour outrage! Oui, j'ai sauvé ma patrie; « j'ai vengé l'Amérique. L'aven que j'en fais à la face de la terre et du « ciel fait mon orgueil et ma gloire.... .. Guerre à mort aux ty« rans ! voilà ma devise. Liberté, indépendance! voilà notre cri de << ralliement. Cette proclamation produit tout l'effet qu'attend Dessalines; elle rend le nègre encore plus altéré de sang, elle éteint dans son cœur jusqu'à la dernière étincelle d'humanité. Les noirs se hâtent de courir au carnage; et sur toute l'étendue de leur domination, des milliers de blancs sont non-seulement mis à mort, mais livrés aux plus affreux tourments, aux plus indignes outrages. — Qui ne croit, au 'reste, en lisant cette proclamation du monstre noir, entendre l'écho du club des jacobins ; les motions de Brissot, de Condorcet, etc., les apologies des massacres de septembre 1792 ? même langage, mêmes fureurs. Ce sont les exterminateurs de Lyon, de Toulon, de Nantes; c'est Fouché dit de Nantes, c'est Barras, c'est Carrier (V. 12 octobre, 19 décembre 1793; 16 décembre 1794), qui en ont fourni les expressions, et préconisé d'avance les résultats. Dessalines est le copiste de Fouché.

Tel est le premier effet bien marqué de la rupture du traité d'Amiens; rupture effectuée par l'ambition de Bonaparte (V. 13 — 20 mai 1803). C'est de sa perfidie méditée dans le silence et le sang-froid du cabinet, que Dessalines s'autorise (V. 7, 1er art., 20 mai, 10 juin 1802; 30 novembre 1803, 2o art.) Il ne se versera pas une goutte de sang en Europe ou en Amérique, pendant dix ans, qui ne retombe sur Bonaparte, violateur de la paix, et moteur principal de toutes les catastrophes qui signaleront cette période.

30. Motion faite au tribunat de confier le gouvernement de la république à un empereur, et de déclarer l'empire héréditaire dans la famille du premier consul Napoléon Bonaparte. Cette motion est présentée par un membre obscur de cette chambre législative; il se nomme Curée, — « . . . . . C'est sanctionner par les

" siècles les institutions politiques, et assurer à jamais le maintien « des grands résultats qu'elles ont laissés après elle, que de ramener * et de rétablir dans un cours de succession certain, authentique,

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« héréditaire, le gouvernement qui est incorporé à ces grands résultats.... Les ennemis de notre patrie se sont

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effrayés de sa prospérité comme de sa gloire. Leurs trames se sont multipliées, et l'on eût dit qu'au lieu d'une nation tout entière, <«< ils n'avaient plus à combattre qu'un homme seul. C'est lui qu'ils << ont voulu frapper pour la détruire..... Avec lui, le peuple

« français sera assuré de conserver sa dignité, son indépendance et « son territoire. . . . . . . . Il ne nous est plus permis de marcher len«tement. Le temps se hâte, le siècle de Bonaparte est à sa qua«< trième année, et la nation veut un chef aussi illustre que sa « destinée. >>

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Mai 3, 4. Le tribunat adopte la proposition faite le 30 avril, de conférer à Bonaparte le titre d'empereur. Quoique dans le principe de son institution, la composition de ce corps fût soumise au choix du sénat, essentiellement dépendant de l'autorité consulaire, et que la seule attribution des tribuns consistât dans la discussion des projets de loi; le premier consul, redoutant néanmoins leur influence, et croyant apercevoir quelques faibles étincelles de liberté cachées dans cet élément de la constitution de l'an VIII, fit rendre le sénatus-consulte organique du 4 août 1802, par lequel les tribuns furent réduits de cent à cinquante. Dès lors Bonaparte devint le maître des délibérations.

Presque tous les tribuns sont vendus, ou intimidés, ou séduits par de fausses similitudes historiques. Leur unanimité n'est hautement troublée que par la contradiction du proscripteur Carnot; ce directeur proscrit lui-même, en 1797 (V. 4 septembre); qui, affectant d'oublier qu'il a donné à l'exécrable comité de salut public un nombre infini de signatures de confiance, ainsi qu'elles sont qualifiées par les coopérateurs de Robespierre (V. 24 août 1794, 1er avril 1795), se croit un citoyen héroïque, en affectant des sentiments généreux qui font ressortir davantage l'ignominie de ses déférences pour les plus sanguinaires tyrans qu'ait vus la France; mais alors Carnot participait à la tyrannie. Il se trouve aussi cinq ou six tribuns que l'amour sincère de la patrie et d'une sage liberté invitent à refuser leur assentiment; mais que pourraient quelques efforts individuels contre une majorité qui demande le joug, et qui confond les doctrines les plus dissemblables, sous prétexte d'amener la sécurité et la félicité publiques? C'est moins d'une récom

« pense, dont Bonaparte n'a pas besoin», dit un de ces obséquieux tribuns, nommé Siméon (V. Moniteur, no 222, an XII), « que de

notre propre dignité et de notre sûreté, que nous nous occupe<< rons........ Opposerait-on la possession longue, mais si solen« nellement renversée de l'ancienne dynastie? Les principes et les faits répondent..... Le peuple, propriétaire et dispensateur

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<< de la souveraineté, peut changer son gouvernement; et, par conséquent, destituer dans cette occasion, ceux auxquels il l'avait « confié (les Bourbons). L'Europe l'a reconnu.......La maison qui règne en Angleterre n'a pas eu d'autres droits pour exclure les • Stuarts..... ... Il fallut qu'après les avoir repris, l'Angleterre «< chassât les enfants de Charles Ier. Le retour d'une dynastie dé« trônée, abattue par le malheur, moins encore que par ses fautes,, « ne saurait convenir à une nation qui s'estime...... Ils vendaient « aux puissances dont ils s'étaient faits les clients, une partie de cet « héritage dans lequel ils les conjuraient de les rétablir...... Qu'on «< ne se trompe pas, en regardant comme une révolution ce qui n'est rien qu'une conséquence de la révolution : nous la terminerons; « rien ne sera changé dans la nation.... » Le citoyen Gillet surpasse le citoyen Siméon dans l'étalage des sophismes; il s'humilie encore plus profondément dans la servitude. Une vingtaine de tribuns, tous également obscurs: Max. V. Fréville, Jaubert (de la Gironde), Duvidal, Carrion-Nisas, Delpierre, Faure, Arnould, Chabot (de l'Allier), Grenier, Albisson, Chabaud-Latour, Challan, Carret (du Rhône), Chassiron, etc., etc., se disputent l'encensoir pour enfumer l'idole qu'ils viennent placer sur l'autel. Du moins les affranchis de Rome, et Narcisse et Pallas, acquirent de la célébrité; leurs heureuses mains amoncelèrent les trésors de Lucullus, de Crassus. Nos tribuns sont restés dans la poussière et n'ont pu se distinguer à force de complaisances. Que demandent-ils donc, en offrant l'empire à Bonaparte, à ce soldat dont plusieurs actions bien caractérisées décèlent la dépravation politique? Veulent-ils réserver à la France le sort de Rome dégénérée? C'est ainsi que l'empire fut décerné à Octave, à Tibère, à leurs successeurs. Un usurpateur sanguinaire; un fourbe détestable; le plus cruel des fous; le plus dupe des imbécilles; un monstre exécrable dont le nom est la plus forte injure; un soldat ignoblement avare; un vil débauché; un glouton immonde: tels furent, jusqu'à Vespasien, les empereurs du peuple-roi. Et voilà les dominateurs dont la France se voit menacée, si la quatrième dynastie s'y établit par le sabre des soldats et la bassesse des affranchis; que les affranchis soient tribuns, législateurs, sénateurs de l'an VIII. Bonaparte, dira-t-on, ne verse pas, comme

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