Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[blocks in formation]

Il est trois heures après minuit. Cambacérès s'élance à la tribune : Citoyens, en prononçant la mort du dernier Roi des Français, vous « avez fait un acte dont la mémoire ne passera point, et qui SERA

[ocr errors]

• GRAVÉ PAR LE BURIN DE L'IMMORTALITÉ DANS LES FASTES DES NATIONS.

.....

... Qu'une expédition du décret de mort soit envoyée A L'INSTANT * au conseil exécutif pour le faire exécuter DANS LES VINGT-QUATRE * HEURES de la notification. » Cette exclamation est le coup asséné sur la victime; le décret est aussitôt porté. — Celui qui, faisant entendre ce vœu d'immédiate exécution, éteint la dernière lueur d'espérance, exerçait une charge de conseiller de la cour des comptes, aides et finances du Languedoc. Dans un état assez voisin de l'indigence, il avait en 1786 reçu de Louis XVI, lui-même, à la sollicitation directe du baron de Périgord, commandant de cette province, une pensio de deux cents livres sans retenue. (V. État nominatif des pensions sur le trésor royal, imprimé par ordre de l'assemblée nationale, 1789, tome II, page 239 ). En même temps, le père de ce conseiller touchait une pension de deux mille livres; ainsi que le constate l'état dressé conformément à la loi du 15 mai 1791, applicative de la loi du 25 février précédent, relativement aux personnes comprises dans les listes des secours affectés sur la loterie royale, sur le Port-Louis et sur les fermes générales. A ce jour, les exemples les plus éclatants d'ingratitude et d'injustice sortent de la convention même. Là, parents, anciens serviteurs, ministres des cultes, dénonciateurs, ennemis personnels, députés absents, ont opiné contre Louis XVI, et en violant toutes les formes. Que ce soit dépravation de principes, cupidité, lâcheté ou scélératesse d'ame, il importe fort peu (V. l'article suivant).

20. SIGNIFICATION du Jugement DE LOUIS XVI (V. les 14, 15, 16, 17, 19). Garat, ministre de la justice (celui qui se vit souvent désigné sous le nom de Garat-Septembre, parce qu'il avait arrêté ou prévenu les procédures contre les auteurs des massacres du 2 au 6 septembre 1792); Lebrun ( de Genève), ministre des relations extérieures; Grouvelle, secrétaire du conseil exécutif (homme de lettres); deux membres du département de Paris, dont les noms restent perdus dans la foule des noms appartenant aux scélérats obscurs de cette époque; Chambon, maire, sont introduits, à deux heures de l'après-midi, par le commandant Santerre, dans la cour du Temple,

et 20.

auprès de Louis XVI. Le ministre Garat élève la voix, et sans doute pour montrer encore moins d'égards au prisonnier, il lui annonce sa mission la tête couverte. Grouvelle lit les décrets des 15, 16, 17, 19 LOUIS XVI témoigne sa résignation, mais il demande trois jours de sursis. Ces trois jours lui sont refusés. — On lui rend la faculté de voir sa famille et de l'entretenir sans témoins. On lui accorde la présence de l'ecclésiastique qu'il désignera, pour en recevoir les dernières consolations. — Il écrit, pour recommander à la bienfaisance de la nation, toutes les personnes qui lui ont été attachées ; sur-tout celles d'un âge avancé, ou qui n'ont d'autres moyens d'existence que leurs appointements. La convention passe brutalement à l'ordre du jour sur cet objet; mais, par une décision ignoblement barbare, elle lui fait déclarer, que le peuple français, toujours magnanime, prendra soin de sa famille (V. l'art. suiv.).

21. MORT DE LOUIS XVI (V. l'art. précédent). Dès la veille, toutes Jes précautions sont prises afin d'assurer l'exécution de Louis XVI. Des sans-culottes, choisis dans chaque section de Paris, des brigands, appelés de tous les départements, doivent former le cortége, au milieu duque rouleront des canons, mêche allumée. On dispose de l'artillerie sur toutes les places et sur les ponts; on en met aux barrières, et sur les principales avenues, à une distance de plusieurs lieues. Il est défendu de se tenir en groupes dans les rues, sous peine d'exécution militaire; on invite à ne pas se montrer aux fenêtres pendant le passage du cortége. Outre ces mesures, et sur la motion de Robespierre, faite la veille à la séance des jacobins, ceuxci désigneront dans leurs sections, des hommes éprouvés qui doivent se réunir sur le lieu destiné à l'exécution, et se presser autour de l'échafaud. Que de précautions pour consommer un jugement dont on proclame la justice, qu'on annonce comme l'expression de la volonté générale! — La veille encore, Legendre ( boucher ), député à la convention, a proposé aux jacobins de partager le cadavre en quatre-vingt-quatre morceaux, et de les envoyer aux quatrevingt-quatre départements!!!

[ocr errors]

LOUIS XVI se couche avant une heure du matin, dort d'un sommeil paisible, se lève après cinq heures, entend la messe, et reçoit la communion. La nuit règne encore, et le bruit des tambours, des chevaux, des canons, répand dans les rues une terreur profonde. Tout ce qui n'est pas employé pour un service commandé, se cache; les habitants retirés chez eux laissent un vide effrayant dans les lieux les plus fréquentés; Paris est, pendant plusieurs heures, une vaste

solitude. Chacun prête l'oreille, comme pour entendre ce coup sourd de l'instrument du crime. Le ciel, voilé par de sombres nuages, couvre de demi-ténèbres la ville coupable, et semble lui présager tous ces jours sinistres qui succèderont à ce jour d'effroyable deuil. - A neuf heures la victime est dressée pour le sacrifice. Louis l'annonce luimême : « Je suis prét», dit-il. Il descend l'escalier de la tour du Temple, accompagné de Jacques Roux et de Pierre Bernard, prêtres et officiers municipaux, chargés par la commune de le conduire à l'échafaud; il monte dans une voiture où son confesseur, l'abbé Edgeworth s'assied à son côté. Sur le devant, se placent deux gendarmes, dont l'aspect sinistre indique assez les ordres qu'ils sont chargés d'exécuter, s'il se fait un mouvement irrégulier ou inattendu près de la voiture. - Les individus du peuple, attirés sur les boulevards que suit le cortége, et à l'entrée des rues aboutissantes, errent isolés et dans un morne silence. Des canons sont traînés avec fracas, en avant et en arrière. Pendant le trajet, Louis XVI paraît triste, mais non abattu. Il arrive à dix heures sur la place de Louis XV, nommée alors place de la Révolution. Parvenu au bas de l'échafaud, il s'entretient pendant peu de minutes avec l'abbé Edgeworth; il met pied à terre sans hésitation. Il monte d'un pas assuré, se porte rapidement vers l'extrémité gauche de l'échafaud, et regardant le peuple, ou plutôt la force armée qui remplit la place, il s'écrie d'une voix forte: Français, je meurs innocent, je pardonne à mes ennemis ; je desire que ma mort soit. . . . . . un roulement de tambours, ordonné par le commandant Santerre, étouffe sa voix. Louis, perdant l'espoir de se faire entendre, ôte lui-même son habit, détache sa cravate. Les bourreaux s'emparent de sa personne et lui lient les mains derrière le dos; le juste est livré à l'instrument de mort; le coup fatal tombe à dix heures vingt minutes. Aussitôt l'exécuteur divise et distribue ses dépouilles : là même, il en reçoit le prix; les cheveux sont achetés très-cher. Des furieux escaladent l'échafaud, trempent leurs armes dans le sang, comme si c'était un talisman qui dût les rendre victorieux de tous les Rois de la terre.-Le corps et la tête placés dans un panier d'osier, sont à l'instant même portés au cimetière de la Madelaine, jetés aussitôt dans une fosse profonde de douze pieds, ouverte de six, garnie et recouverte de chaux vive, et dissous à l'instant. «-Deux heures après, suivant le Moniteur, dont ici le récit est exact, ⚫ rien n'annonçait dans Paris que celui qui naguère était le chef de la nation, venait de subir le supplice des criminels. La tranquillité publique n'a pas été troublée un instant. » — On croit avoir re

1

trouvé l'emplacement de cette fosse; de très-faibles fragments d'ossements, en calcination presque achevée, y ont été recueillis vingtquatre ans après (V. 18 et 19 janvier 1815), et désignés comme les restes de Louis XVI seront déposés au même lieu, sous un monument érigé dans la chapelle expiatoire, actuellement (1819) en construction, rue d'Anjou - Saint-Honoré ( V. 19 janvier 1816). Mais l'anniversaire de ce jour sera, pendant sept ans, célébrée dans Paris comme un jour de fête; et, les années suivantes, les habitants de Paris n'oseront produire leurs regrets plus tard ils paraîtront avoir perdu tout souvenir de ce fait.

Ainsi périt ce monarque regardé comme le plus honnête homme de son royaume, qui a montré toute la faiblesse des bons cœurs; mais dont l'ame, méconnue de ses lâches ennemis, a pris, dans la trempe du malheur, une fermeté qui les étonne. Ce Roi devient grand par son caractère, du jour qu'il est renversé, et aussitôt qu'il ne peut plus déployer que les vertus des victimes. Ainsi les Français qui ont souffert les cruautés de Louis XI, la perfidie de Charles IX, et le pouvoir absolu de Louis XIV, laissent condamner et mettre à mort, pour de prétendus crimes de barbarie, de perfidie et de despotisme, le plus humain, le plus juste et le plus doux de tous les Rois de France. Et, comme de toutes les causes qui déterminent ou modifient, de tous les agents qui façonnent le caractère général d'un peuple, le systême de gouvernement est le plus efficace, et qu'il serait difficile de supposer que dans aucun autre pays de l'Europe Louis XVI eût été plus complètement abandonné, on plus malhabilement soutenu, ou plus horriblement attaqué, les admirateurs les plus outrés de l'ancien régime doivent avouer que nos institutions étaient déplorablement vicieuses, insuffisantes, incapables de résistance. Par la plus étrange fatalité, le prince qui desire sincèrement leur amélioration, qui l'entreprend, qui s'y dévoue, expire sur l'échafaud, pour avoir recueilli le funeste héritage de ce despotisme sanguinaire sous Louis XII, oppresseur sous Louis XIV, étroit et tracassier sous Louis XV, et qui, toujours corrupteur, a de plus en plus dégradé, avili les Français.

C'est non-seulement un fait susceptible d'entraîner notre admiration pour Louis XVI, mais un phénomène qui doit exciter toute notre surprise; que dans le grand nombre de personnes qui l'ont entouré, que dans cette multitude de gens de toutes les classes qui connaissaient sa conduite depuis sa première jeunesse, pas une voix ne lui ait reproché un acte arbitraire. Lorsque l'assemblée consti

tuante portait la lumière dans les profusions de la cour, les dilapidations du trésor furent trouvées bien moindres depuis 1774 que ne l'avaient prétendu les adversaires de cette cour inconsidérée. On ne découvre même aucune trace de la moindre somme dépensée par Louis XVI, pour sa satisfaction personnelle (V. 5 mars 1790). A la vérité, cette même bonté d'ame qui, dans ses dernières années, lui fit tout sacrifier à la crainte de verser le sang, l'avait conduit, dans le temps de sa toute - puissance, à la funeste habitude d'acquitter des dettes étrangères; mais, en détournant ainsi le produit des sueurs du peuple, il ne peut qu'être excusé par ses intentions. Ce qu'il aurait refusé aux dissipateurs eux-mêmes, il l'accordait pour payer des créanciers en souffrance, ou pour retirer d'un état pénible les personnes qu'il affectionnait. Si ses principes eussent été suivis par le grand nombre de celles qui l'entouraient, ou qui déshonorèrent la fin du règne précédent, il n'aurait pas perdu la vie dans une révolution dont leur conduite accéléra l'explosion.

Les méchants ne rougirent pas d'imputer à Louis XVI le crime de trahison. Quand même leurs allégations auraient quelque vraisemblance, cessèrent-ils eux-mêmes de trahir les Français? Ils l'accusèrent de tyrannie et de despotisme, eux dont la tyrannie et le despotisme écrasèrent le peuple; lorsqu'ils immolaient en peu d'heures (V. 10 août, 2 septembre 1792) à leur propre ambition, à leurs vengeances personnelles, plus de victimes, qu'il n'est tombé de criminels sous le glaive de la loi, pendant tout le cours de son règne! leur tyrannie deviendra furieuse à tel point, qu'on immolera des citoyens accusés d'avoir osé verser des larmes, en faisant le récit de ce qu'ils avaient vu au Temple.

Quant aux traitements gratuitement barbares que Louis XVI a éprouvés pendant sa captivité, ou quant à ce simulacre de procès qui le conduisit à l'échafaud, l'univers les connaît et l'univers entier a témoigné son horreur.

Mais ce qui n'a jamais été aussi généralement connu, c'est comment ses ennemis parvinrent à plonger et à retenir toute la France, et particulièrement les habitants de Paris, dans une profonde stupeur, jusqu'à ce qu'il fût trop tard pour prévenir la consommation du crime. Le parti dominant dans la convention, dans les clubs et à la commune, n'était point sans craintes à cet égard. Il n'ignorait pas que la très-grande majorité des Français, non-seulement détestait les violences exercées sur le Roi, mais aussi désapprouvait le 10 août et toutes les machinations qui le suivirent. La certitude du meurtre du

« ZurückWeiter »