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n'a rien fait pour le mériter; ainsi l'erreur va circulant, s'affermissant, et la crédulité des contemporains lègue aux générations qui suivent un héritage de déceptions, fruit de l'ignorance des uns et de la confiance des autres, soit à affirmer ce qu'ils ignorent, soit à accepter ce qu'ils trouvent affirmé. Par là se forme une histoire fausse, espèce de fable convenue, qui n'apprend rien, qui fait même quelque chose de pire, puisqu'elle apprend l'erreur, qu'elle dénature les faits, et qu'elle déplace les acteurs.

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L'histoire a un but tout opposé, et ce n'est pas de cette fausse monnaie qu'il faut remplir le monde la vérité est l'intérêt de tous. Un homme de la tête duquel des éclairs de raison échappaient comme des rayons de clarté échappent d'un ciel chargé d'orages, Diderot, a dit qu'il ne fallait qu'une idée fausse pour faire d'un homme un monstre. Que sera-ce d'un peuple entier, nourri de doctrines ou de notions éronnées? Or, voilà le régime auquel, par ce qu'on lui a dit et par ce qu'on ne lui a pas dit, le peuple français est tenu depuis 27 ans. L'erreur a produit les égaremens, et les esprits faussés ou faux ont fait encore plus

de mal que les esprits pervers; il faut donc en revenir à publier la vérité, en tout ce qui intéresse les peuples, écarter les timides out cauteleuses maximes de Fontenelle, et frayer la route vers la guérison des esprits par là probité du langage qu'on leur fera entendre. Mais ce service ne leur sera par rendu par l'histoire telle qu'elle est écrite aujourd'hui ; elle a la fausseté du roman sans le mérité dé ses agrémens, ses mensonges sans la grâce de ses fictions; et l'on pourrait appliquer au dégoût qu'inspire la manière dont elle est écrite, le mot de Walpole mourant, à son ani qui lui demandait quelle était la lecture qu'il desirait qu'on lui fit: tout ce que vous voudrez, pourvu que ce ne soit pas l'histoire.

Je prendrai pour exemple l'évènement le plus important de notre âge, la restauration du 31 mars 1814. Que d'écrits, que d'ouvrages n'a-t-elle pas fait éclore? Combien de causes et d'acteurs n'assignent-ils pas? Eh bien! je puis affirmer que dans cet amas. informe de narrations, pas plus que dans celles qui retracent les principaux faits de la révolution, je n'ai rien aperçu de plus dissemblable à ce que j'ai vu, que ce que j'ai lu

La restauration date déja de deux ans; la vérité et la justice, pas plus l'une que l'autre, ne sont pas encore venues éclairer cette grande époque. La France a changé de face, et personne, ou à-peu-près personne, ne sait comment. Comme témoin et acteur, je puis dire l'une et rendre l'autre, Il paraît juste que les Français connaissent ce qui leur importe le · plus, et je puis être reçu à dire ce que j'ai fait et vu. Qué tout le monde en fasse autant, mais ne fasse que cela, et dans le moment l'histoire reprend ses droits à la confiance.

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La France a considéré avec raison la restauration comme l'évènement le plus heureux par ce mot de restauration, j'entends le terme de la révolution avec et par le replacement de la maison royale de France, et non pas seulement la fin de la domination de Napoléon; car il pouvait arriver que cette domination finît, et que la révolution continuât dans un de ses effets principaux, l'éloignement de la maison royale, chose bien essentielle, et qu'il fallait éviter à tout prix. Il était démontré que dans l'état auquel les choses étaient arrivées, il n'y avait de fin aux troubles que par le retour de cette famille.

Or, c'est dans ce sens que j'ai pris part au grand évènement de la restauration, n'en ayant jamais séparé ces deux parties, et n'ayant pas cessé de dresser mes vœux et mes actions vers ce double résultat.

Le monde avait changé de face par le désastre de Moskow. Si le succès auquel Napoléon s'était attendu, se fût réalisé avec la rapidité et l'éclat auxquels il était accoutumé dans toutes ses entreprises, il restait le maître de l'Europe; il l'a dit plusieurs fois : on l'a cru indiscret, et il avait raison. La puissance et la terreur redoublaient à-la-fois; et la Russie abattue, qui eût osé résister? Mais ce grand désastre ouvrait un nouvel univers. Il créait en Europe une opposition formidable, en remplacement de cette soumission chez les faibles, de cette hésitation chez ce qui restait de forts, dans lesquelles les uns et les autres cherchaient un refuge.

La Russie déclarée inattaquable par le droit de climat, reprenant tous ses esprits par le droit de la victoire, déployant toutes les forces d'un peuple qui n'avait plus rien à refuser au souverain qui, comme Pierre, lui avait appris

vaincre; la Russie, dans cette attitude, de

venait le centre d'une opposition invincible qu'on devait retrouver à chaque pas, comme depuis 20 ans on retrouvait l'Angleterre. Dès ce moment, il fut permis aux rois de se plaindre, aux peuples de parler; aux uns de s'occuper de leur dignité, aux autres de leurs intérêts. Des asiles, des cours d'appel s'élevaient de toute part, et suffisaient pour donner à tout une face nouvelle. Napoléon le sentait bien; et quand à Varsovie il ne cessait de répéter: du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas, cet esprit aussi plein de sagacité que d'irritabilité, trahissait, par cet aveu, l'impression profonde qu'il ressentait du changement opéré dans son existence, et qu'il n'avait pas hésité à démêler. C'est pour la ressaisir cette puissance, qu'il imposa à la France tous les fardeaux qu'elle eut à porter, lorsqu'il lui commanda de réparer les pertes causées par la campagne de Russie. La force, la patience des Français comblèrent toutes ses exigences : mieux administrées, elles les auraient dépassées. La vaillance, la confiance encore inébranlée des soldats français réparèrent tous les déficits qui affligeaient l'armée, et peu s'en fallut qu'à l'aide de leurs bras, ce char de victoire,

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