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La bataille de Dresde (1) fut le dernier beatt succès de Napoléon. Tout le reste de sa conduite pendant son séjour si imprudemment prolongé dans cette ville est vraiment inexplicable. Sommeillait-il? qu'attendait-il ? qui pourra le dire? Ne pouvant avancer sur aucun point, ni reculer à son aile; dépassé à Dresde par les sorties que la Bohême offre sur la Saxe et la Franconie; établi, cramponné avec une armée immense sur une terre épuisée, sans magasins, sans dépôts assurés, en proie aux incursions d'un essaim d'ennemis acharnés à le harceler, à le fatiguer, à le ruiner en détail, il défendait un campement, un poste de vanité, car Dresde et la Saxe n'étaient plus autre chose, comme il aurait pu défendre sa capitale, et mettait plus de prix à l'idée de la dignité qui lui montrait de la honte à reculer, qu'à celle de la sûreté qui lui prescrivait de se retirer : comme si dans les grandes affaires, c'était de la dignité comme chef, ou de la sûreté de la chose dont on est chef, qu'il faudrait s'occuper!

simple bon sens, il serait encore le maître de la plus belle partie de l'Europe.

(1) 26 août 1813.

Les affaires qui se traitaient au loin n'étaient pas les seules qui me donnassent de l'occupation. Dans mon voisinage, on m'en avait ménagé d'autres de la nature la plus inquiétante..

Les évêques de Gand et de Tournay, enlevés au milieu du tumulte du concile de Paris, avaient laissé leurs siéges dans un état de vacance douteuse. , que toutes leurs protestations de ne plus se mêler de leurs églises, ne pouvaient faire accepter comme valable par des peuples que le plaisir de contrarier Napoléon rendait encore plus récalcitrans. On avait nommé très-inoportunément leurs successeurs à l'exemple des. pasteurs, les peuples les repoussèrent; le chapitre de Gand se divisa; celui de Tournay disparut, on recher cha d'un côté, on se cacha de l'autre de tout les deux, on publia ce que l'on voulut; les esprits s'affermissaient dans l'opposition. Il fut question de supprimer le diocèse de Tournay, et d'après les règles hiérarchiques du droit canon, d'en charger le métropolitain de Malines. Un tems infini se passa à détourner ces orages, à représenter tout ce qu'il y avait de dangers et de maladresse dans ces tracasseries;

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Fincorporation de Tournay à Malines fut repoussée péremptoirement: enfin, on parvint à faire renoncer à ce projet; mais on ne put empêcher un coup d'autorité le plus bizarre, le plus cruel auquel un prince soit livré depuis que l'Europe est civilisée. Ce fut l'enlèvement de plus de cent séminaristes de Gand qu'on envoya à Vezel, servir dans l'artillerie, et pour qu'il ne manquât rien à ce scandale, un grand nombre de diacres et de sous-diacres, que leur caractère avait fait excepter de cette mesure, peu de jours après cet enlèvement, sur un ordre venu de Dresde, furent traités de même, et condamnés à partager le sort de leurs infortunés camarades.

Qu'on juge de l'effet que produisait dans la Belgique, au milieu d'un peuple religieux et ennemi, et faisant servir la religion à l'appui de sa haine, le spectacle de cette longue file de voitures, chargées de ces innocentes victimes, traversant, en habits de leur état, ces mêmes campagnes qu'un jour elles devaient bénir, et que leur malheur attristait ! Dans le même tems, Napoléon, de son autorité privée, cassa le jugement rendu par la cour d'appel

de Bruxelles, dans l'affaire de l'octroi d'Anvers, sur la déclaration d'un jury, qui cependant était composé de citoyens respectables, presque tous employés et Français; ce qui donnait moins de prise à la suspicion de faveur pour les accusés. L'arrêté du conseil d'état, le sénatus-consulte, imposés de même par l'autorité, achevaient de rendre cette procédure monstrueuse. Un prince juge et réformateur de jugement, accusateur d'un tribunal tout entier, les premiers corps de l'état forcés de se prêter à un pareil renversement de l'ordre social! Je vis cent, Laubardemont sortir de la tombe, et la société dissoute. A-peu-près dans le même tems, l'Angleterre ayant cédé la Guadeloupe à la Suède, parut un sénatus-consulte qui portait en principe, qu'aucune paix ne serait faitę avec l'Angleterre, sans la restitution de la Gua deloupe; comme si le sort de la France était attaché à la possession de ce point presqu'imperceptible. Ce premier acte fut suivi d'un autre, par lequel Napoléon cherchait uniquement à satisfaire sa passion personnelle contre le prince de Suède. Le ministre de l'intérieur envoya dans tous les départemens un patron sur lequel furent taillées les adresses qui peu

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de tems après arrivèrent de tous les côtés, chargées de malédictions contre ce prince, auquel on n'avait à reprocher que de servir les intérêts du pays qui l'avait appellé à régner sur lui, et d'être habile et heureux à la

guerre. Je ne puis exprimer l'horreur avec laquelle je vis pendant six semaines des déclamateurs obligés vomir en style de club, des injures rédigées par ordre, aux pieds d'une jeune princesse, qui sûrement n'entendait rien, ni à ces passions ni à ce langage.

L'indécence et la prolongation de cette scène me parurent la dégradation du trône. Mais lorsqu'après trente jours d'une attente mortelle, d'un silence encore plus mortel sur ce qui se passait à Dresde, ce point sur lequel nos regards et nos affections étaient également fixés, le Moniteur, pour toute distraction et pour consolation à tant de maux, nous annonça gravement que le roi de Rome s'était promené sur la terrasse des Tuileries: alors l'irritation de mon esprit n'eut plus de bornes. Je vis la nation insultée, ses efforts et son sang payés par des moqueries outrageantes; je la voyais horriblement maltraitée dans le présent, vouée dans l'avenir à tout ce que la fantaisie ou le

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