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celle-ci et les billets de banque, on autres titres de même nature, celte différence essentielle que la monnaie d'or ou d'argent porte en elle-même le gage de sa valeur, tandis que le gage que les billets représentent ou sont censés représenter peut ne pas exister. Il reste vrai toutefois que, lorsque ceux-ci sont généralement acceptés avec confiance, ils suppléent plus ou moins à la monnaie réelle, et peuvent ainsi procurer une économie importante de métaux précieux, en même temps qu'ils constituent un instrument d'échanges d'un très-facile emploi.

Mais ces avantages sont chèrement achetés toutes les fois que l'émission des billets n'est pas sagement mesurée et que leur remboursement en monnaie métallique à toute réquisition n'est point suffisamment assuré. Il en résulte alors une extension exagérée et dommageable du crédit. Celui dont jouissent les banques, poussé à se répandre par la facilité de multiplier les escomptes en multipliant les émissions, passe avec leurs billets à une multitude de personnes qui n'en obtiendraient pas autrement et qui s'en servent le plus souvent, non pour créer, mais pour dissiper des richesses. Il en résulte encore que l'abondance progressive de cet intermédiaire des échanges le déprécie de plus en plus, bien que les billets conservent la même valeur nominale, ce qui entraîne une hausse factice dans le prix des produits et des services, et de désastreuses perturbations dans toutes les transactions, au moins lorsque les billets ont un cours forcé.

En exposant ces principes, l'Économie politique ne tend nullement à proscrire un convenable emploi des titres dont il s'agit, comme moyen de faciliter les échanges et le crédit; elle a pour objet de prémunir les populations contre les dangers d'un emploi exagéré ou imprudent, et contre les illusions auxquelles elles se laissent trop souvent entraîner à cet égard.

Après avoir ainsi fait connaître la nature et les véritables fonctions des monnaies ou de leurs signes représentatifs, il restait à l'Économie politique, pour donner une intelligence complète des lois naturelles sous l'action desquelles s'opère l'échange général des produits ou des services, à assigner les conditions qui déterminent le taux de la valeur de chacun d'eux, et elle est encore parvenue à poser sur ce point des principes certains.

Tous les objets de nos besoins ne sont pas susceptibles d'être échangés. Il en est un grand nombre, tels que la lumière et la chaleur du soleil, l'air respirable, etc., que la nature fournit à tous et dont nous jouissons sans efforts et sans avoir rien à céder en retour; tandis que les autres, ne pouvant être obtenus qu'à l'aide des facultés ou des efforts personnels, constituent des propriétés privées qui, hors les cas de donation, de succession, etc., ne se cèdent pas volontairement pour rien. La qualité qui distingue les objets échangeables de ceux qui ne le sont pas est co que l'on entend en Économie politique par le mot valeur. La valeur est plus ou moins grande dans les différents objets, et elle peut se mesurer dans chacun d'eux par la quantité de tout autre objet valable qu'il peut faire obtenir en échange. La monnaie étant l'intermédiaire général des échanges, le taux de la valeur de chaque produit ou de chaque service s'exprime ordinairement par une quantité de monnaie déterminée, et cette expression du taux de la valeur par la monnaie se nomme prix.

En général, la différence de prix entre deux objets valables d'espèces diverses provient de la différence de leurs frais de production, c'est-à-dire de la différence entre les valeurs des services ou des produits qu'il a fallu consacrer à la création de chacun d'eux. On comprend qu'en admettant une entière liberté de travaux et de transactions, le prix d'une espèce d'objets ne pourrait longtemps se maintenir fort

au-dessus des frais de production, parce que l'avantage exceptionnel qu'on trouverait à les produire amènerait une concurrence qui ferait bientôt baisser les prix; et, d'un autre côté, il est bien évident qu'une production qui ne donnerait que de la perte ne serait pas longtemps continuée dans de telles conditions; sa quantité serait réduite jusqu'à ce que les prix eussent été relevés tout au moins au niveau des frais.

Ces conditions sous-entendues, le prix courant des produits ou des services dépend du rapport existant entre les quantités offertes et demandées de chacun d'eux: si l'offre augmente plus que la quantité demandée, le prix s'abaisse; si la demande s'accroît dans une proportion plus forte que la quantité offerte, le prix s'élève.

Telle est la loi générale qui préside à la détermination du taux respectif de la valeur de produits ou de services différents.

Cette loi permet au travail libre de maintenir - beaucoup mieux que ne saurait le faire aucun régime arbitraire dans chacune des branches si multipliées et si diverses de l'activité industrielle une constante proportionnalité entre la quantité de chaque classe de produits et l'étendue du besoin qui la réclame, ou de la demande que l'on en fait. Car, si la demande est dépassée par la quantité produite, la surabondance est aussitôt signalée par l'abaissement du prix, et alors la production se restreint; et si, au contraire, celle-ci ne suffit pas à l'étendue de la demande, l'élévation du prix signale cette insuffisance et amène bientôt un accroissement dans la quantité produite.

Il résulte encore de cette loi que le prix des services industriels s'abaisse inévitablement si ces services sont plus offerts que demandés; et, conime les services les plus accessibles à la concurrence, les plus susceptibles d'être surabondamment offerts, sont en général ceux des ouvriers des classes les plus pauvres, l'Économie politique en conclut que ces ouvriers ont le plus grand intérêt à user de prudence et de retenue avant et pendant le mariage, pour ne pas accroître inconsidérément leur nombre, et par suite l'offre de services déjà trop dépréciés.

Une autre conséquence de cette loi féconde est que la multiplication des capitaux tend à abaisser le prix de leur service et à les rendre ainsi de plus en plus accessibles à ceux qui peuvent les employer reproductivement; et, comme le travail des ouvriers est d'autant plus demandé, par conséquent d'autant mieux payé que les capitaux sont plus abondants, l'Économie politique en conclut encore que les classes ouvrières sont puissamment intéressées à la multiplication des capitaux, et par suite à tout ce qui peut la favoriser à l'activité et au progrès de l'industrie, à l'abondance des accumulations ou des épargnes, et surtout au maintien de la sécurité publique, condition indispensable de la conservation et de l'accroissement des capitaux.

L'une des plus belles et des plus solides théories qui soient sorties de l'étude des phénomènes sociaux par lesquels s'accomplit l'échange général des produits ou des services, est celle des débouchés, si admirablement formulée par J.-B. Say. II résulte de cette théorie que ce qui s'échange en définitive, ce sont des produits contre d'autres produits; par conséquent, tout produit est un moyen d'échange, un débouché pour les autres; d'où il suit que les débouchés sont d'autant plus étendus et d'autant plus avantageux pour chaque branche de travail en particulier que la production a été plus généralement abondante dans toutes les branches; d'où il suit encore que les industries diverses ont des intérêts solidaires, l'une d'elles ne pouvant être en état de prospérité ou de souffrance sans que les autres s'en ressentent plus ou moins. On sait, d'ailleurs, depuis longtemps que les campagnes sont

intéressées à la prospérité des villes comme celles-ci le sont à la prospérité des campagnes, parce que les unes et les autres trouvent alors un placement plus facile et plus avantageux de leurs produits respectifs; mais les mêmes liaisons d'intérêt s'étendent à toutes les branches d'industrie, et elles se manifestent également dans les relations commerciales de nation à nation. Lorsqu'un peuple est en voie de progrès et de prospérité, tous ceux avec lesquels il est en position de faire des échanges en profitent, soit à cause de l'abondance des débouchés qu'il leur offre, soit par suite du bon marché des produits qu'il peut leur fournir; c'est ainsi que le développement prodigieux de l'Union américaine a profité à nos diverses branches d'industrie, au point que la ruine de ce pays, si elle était possible, serait aujourd'hui un véritable fléau pour une grande partie de notre population. Les nations sont donc solidaires dans la bonne comme dans la mauvaise fortune; leur intérêt est d'accroître de plus en plus, en multipliant leurs échanges, ies services qu'elles peuvent se rendre mutuellement, et non de chercher à s'affaiblir et à se nuire, comme une politique aveugle les y a poussées trop longtemps.

C'est en s'appuyant sur ces vérités, et en invoquant en même temps le respect dù à la propriété, que l'Économie politique réclame la liberté du commerce international, liberté qui aurait pour résultats de faire participer tous les peuples aux avantages naturels très-diversifiés que Dieu a inégalement répartis dans les différentes contrées du globe, d'étendre le réseau des intérêts qui lient déjà les nations civilisées, malgré tous les obstacles législatifs opposés à leurs relations, au point d'établir entre elles une solidarité aussi manifeste que celle qui unit les diverses provinces d'un même État, et de rendre les guerres internationales aussi impopulaires et aussi impraticables qu'elles le seraient aujourd'hui entre les diverses parties de la France.

L'Économie politique a perfectionné la morale en fournissant de solides bases d'appréciation pour un grand nombre de sentiments, d'actions et d'habitudes que le préjugé avait mal classés. Ce sont d'importants progrès en morale que la complète réhabilitation du travail producteur, et l'acquisition d'un ensemble de notions positives permettant de distinguer sûrement l'activité utile de l'activité nuisible et de faire à l'une et à l'autre la juste part qui leur revient dans l'estime publique. La démonstration de la solidarité qui unit les intérêts des diverses fractions du genre humain constitue encore un immense progrès moral; car, en faisant ressortir toute l'absurdité des haines et des rivalités nationales; en montrant que ce sont là des sentiments aveugles et indignes d'hommes civilisés, bien que l'ignorance et le charlatanisme politique les aient souvent décorés du nom de patriotisme, elle a considérablement affaibli dans l'esprit des classes les plus influentes les dispositions qui poussent à la guerre, et préparé ainsi pour l'avenir l'abandon du système des grandes armées permanentes, l'une des causes les plus puissantes de la misère des populations, et par conséquent de toutes les défaillances, de tous les désordres moraux que cette misère entraîne à sa suite. Un autre perfectionnement important que la morale devra aux lumières répandues par l'Économie politique, consiste dans les moyens que fournit celle-ci pour apprécier justement le mérite relatif des différents emplois que l'on peut faire de la richesse. C'est ainsi, par exemple, que

la prodigalité et le faste, si souvent préconisés, parce qu'on les confondait avec la générosité ou le désintéressement, et surtout parce qu'on les supposait favorables à l'activité de l'industrie, ont été définitivement reléguées par les démonstrations économiques au nombre des habitudes funestes et par conséquent vicieuses; tandis que l'économie, trop souvent décriée comme un indice d'égoïsme ou d'avarice, et aussi parce que l'on supposait que les valeurs épargnées étaient un aliment enlevé au travail, a été définitivement rangée parmi les habitudes les plus utiles à l'humanité et par conséquent les plus vertueuses. L'Économie politique a rendu tout à fait évidente une vérité qui semble encore généralement ignorée de la plupart de nos hommes publics : c'est que l'habitude du faste ou des dépenses de luxe, bien loin de fournir plus d'aliments à l'industrie ou au travail, tend au contraire à la destruction, à l'anéantissement de ce qui peut les maintenir en activité; c'est qu'une valeur épargnée et consommée reproductivement dans une opération industrielle procure aux classes laborieuses infiniment plus de travail et de moyens d'existence que ne peut leur en offrir une valeur égale consommée improductivement dans un repas, un bal, une fête ou autre dépense du même genre: attendu que, dans le premier cas, la valeur consommée offre le même emploi aux travailleurs autant de fois qu'elle se reproduit, ce qui peut aller à l'infini; tandis que, consommée improductivement, elle disparaît pour toujours après avoir offert les mêmes moyens de travail une fois seulement.

Un des progrès les plus considérables que les sciences morales devront aux recherches des Économistes consiste dans le perfectionnement de la notion de la liberté.

La liberté est depuis longtemps l'objet des tendances d'une grande partie des populations européennes; mais elles la recherchent par une sorte d'instinct et sans discerner nettement ni ce qui la constitue, ni les conditions nécessaires à son maintien et à ses développements. Il était réservé à l'Économie politique de démontrer que la liberté est l'équivalent de la puissance effective, et que nous devenons plus libres à mesure que nous réussissons soit à étendre notre empire sur les agents naturels, soit à mieux subordonner notre propre activité aux directions qui peuvent lui donner le plus de puissance; c'est ainsi que nous parvenons à réduire de plus en plus les obstacles qui s'opposent à la satisfaction et à l'extension de nos besoins, à l'emploi fructueux et au perfectionnement de nos facultés physiques, intellectuelles ou morales, en un mot à l'amélioratiou et à la diffusion de la vie humaine.

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Ces obstacles se rencontrent soit dans les choses, soit dans les hommes. L'industric a pour mission de surmonter les premiers, et c'est ainsi qu'elle est parvenue, par exemple, à asservir et multiplier les races d'animaux qui nous sont utiles en restreignant le développement de celles qui nous sont nuisibles, à substituer, sur une grande partie de la terre, aux diverses espèces de végétaux qui la couvraient sans utilité pour nous, celles qui peuvent le mieux satisfaire nos besoins, vaincre les difficultés que les fleuves, les montagnes, l'immensité des mers, opposaient aux relations entre les diverses nations, etc., etc. Quant aux obstacles provenant de l'homme lui-même, de son ignorance, de ses passions, de sa cupidité, de son penchant à asservir et dominer ses semblables, l'industrie n'est point étrangère à leur atténuation, mais elle n'y concourt qu'indirectement et en fournissant les moyens indispensables pour que les lumières puissent s'accroître et se

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propager. Quoi qu'il en soit, les obstacles de ce dernier ordre s'affaiblissent à mesure que nous apprenons à mieux prévoir toutes les conséquences prochaines ou éloignées de nos actions ou de nos habitudes, et à mieux conformer notre conduite aux indications de cette prévoyance, à mesure aussi que les sentiments de dignité et de justice se répandent, que chacun se sent mieux disposé à résister courageusement à toute violence, à toute injuste atteinte contre sa personne ou sa propriété, et à respecter scrupuleusement les mêmes droits chez autrui.

Il résulte de l'ensemble de ces conditions que la liberté des nations grandit à mesure qu'elles deviennent plus industrieuses, plus éclairées et plus morales; qu'elle est ainsi proportionnelle au degré de leur avancement sous ces divers rapports, et que c'est en vain qu'elles aspireraient à être plus libres que ne le comporte l'état de leur industrie, de leurs lumières et de leurs mœurs'.

Depuis 1789, la nation française s'est trouvée plusieurs fois maîtresse de son éta-blissement gouvernemental, et, bien que ses tendances les plus générales fussent pour la liberté, les fausses notions qu'elle avait adoptées sur ce point ne lui ont pas permis de réussir à fonder des institutions propres à atteindre le but. La plupart de nos hommes politiques ont toujours considéré les institutions gouvernementales commes les principaux et presque les seuls organes de la vie des sociétés, comme les forces dont elles doivent attendre l'impulsion et subir la direction dans tous les modes de leur activité préoccupés de l'exemple de certains personnages que nos historiens se plaisent à signaler comme de grands hommes d'État, parce qu'ils sont parvenus à faire dominer leur volonté ou leurs vues personnelles, quelque absurdes et quelque désastreuses qu'elles aient été le plus souvent; - influencés, parfois à leur insu, par des réminiscences classiques sur les institutions des Grecs et des Romains, sur les systèmes législatifs de Lycurgue, de Solon, etc., ou par des notions non moins propres à les égarer, puisées dans des écrits tels que ceux de Montesquieu, de Rousseau, de Mably, de Raynal, etc., ils n'ont vu dans les sociétés civilisées que des corps incapables de vivre et de prospérer par eux-mêmes; ils n'ont pas compris que leur existence et leurs progrès dépendent avant tout d'efforts individuels dont les principes sont en nous-mêmes et non dans la législation ou dans l'action de l'autorité publique, efforts que la Providence a rendus d'autant plus puissants pour assurer le bien général qu'ils sont moins contrariés par les lois d'invention humaine et que chacun les exerce avec plus de liberté dans tout ce qui ne porte pas atteinte à la liberté d'autrui; qu'en conséquence, la mission rationnelle du législateur n'est pas de conduire les hommes, de diriger leur activité, mais de les préserver de toute injuste atteinte dans leur personne ou dans leurs intérêts, de garantir à chacun la libre disposition des facultés qui lui sont inhérentes et de ce qu'elles produisent.

C'est en ce sens que les populations des États du nord de l'Union américaine comprennent la liberté politique; elles la font consister surtout dans une indépendance des facultés et des activités individuelles aussi complète que possible, c'est-àdire uniquement subordonnée, pour chaque individu pris en particulier, à la condition de respecter les mêmes droits chez tous les autres. La liberté n'a jamais été entendue ainsi par nos hommes politiques, même par ceux qui faisaient profession d'appartenir à l'opinion libérale; ceux-ci jugeaient la liberté suffisamment établie dès que la puissance législative, à laquelle ils donnaient mission de diriger la société sur tous les points, avait son origine dans le suffrage de la majorité de la popu1 Cette belle et importante démonstration, que nous n'avons pu qu'indiquer ici, est donnée de la manière la plus complète et la plus satisfaisante dans le grand ouvrage de M. Ch. Dunoyer, De la liberté du travail.

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