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Confeil d'Etat.

fite, & me demander mon avis touchant la cure de quelques maladies. C'étoit un bon gros vieillard.

Le 28 de Mars les deux Commiffaires Imperiaux, & Tino Cami, nous envoyerent leurs Secretaires pour nous faire favoir que nous aurions notre audience de l'Empereur le lendemain matin; que pour cet effet nous devions nous rendre de bonne heure: à la Cour, & nous tenir à la grande falle des gardes. de l'Empereur, jufqu'à ce que l'on nous introduisit.

Le 29 de Mars, qui eft le dernier du fecond: mois des Japonnois, eft un des jours ordinaires de la Cour, auxquels l'Empereur a coutume de donner audience; cependant nous aurions eu peine à nous flatter d'être fi-tôt dépêchez, fi Makino Bingo n'avoit marqué ce jour pour celui de notre audience, & cela pour fe delivrer de nous, à caufe que le cinquieme du mois fuivant, qui eft le troifieme mois. des Japonnois, il devoit avoir l'honneur de donner à diner à l'Empereur; faveur finguliere qui demande beaucoup de tems, & de grands préparatifs. Ce Bingo Pre- Bengo ou Bingo étoit auparavant Gouverneur du fident du Monarque qui eft fur le Trône, avant qu'il parvînt à la Couronne. Il eft à prefent fon premier favori, & la feule perfonne pour qui il a une entiere confiance: c'eft lui qui à l'honneur de recevoir les or dres de la bouche de l'Empereur, & de nous les adreffer, lors de notre audience. 11 approche de foixaute-dix ans: il eft grand, maigre, avec un long vifage, il a l'air viril, & reffemble à un Allemand; il eft lent dans ce qu'il fait, d'ailleurs fort civil dans tout fon procedé. On lui rend le témoignage qu'il eft jufte & prudent, qu'il n'eft point adonné à l'ambition ni à la vengeance, qu'il ne s'attache pas non plus à accumuler des richeffes exceffives, enfin qu'il eft très digne de la grande confiance que l'Empereur a pour lui. Il y a trois ans qu'il eut l'honneur de donner à diner à l'Empereur, qui lui fit present d'un fabre eftimé 15000 Thails que l'Empereur tira de fon côté, avec 3000 Cobangs en or, 300 Schuits d'argent, diverfes étoffes fines de damas & de foye

de

*

* C'eft

une espece

de poif

fon.

de la Chine, avec 300-000 facs de ris qu'il ajouta aux revenus de Bingo. Il en avoit deja 400-000 de rente, de forte qu'il en a à prefent 700-000. On regarde comme un très grand honneur de donner à manger à l'Empereur, mais cet honneur eft ruïneux à la perfonne qui le reçoit, à cause qu'il eft obligé de fe pourvoir de tout ce qu'il y a de rare & d'extraordinaire, dont il donne un prix exceffif. Il fuffit pour en donner une idée de rapporter ce que Bengo fit il y a peu de jours. Y ayant eu un bal à la Cour, il envoya à l'Empereur un Soccano, comme les Japonnois l'appellent, (c'est un petit regal de certaines chofes que l'on met dans une machine de bois en forme de table, & que les Japonnois s'envoyent l'un à l'autre en figne d'amitié.) Il confiftoit en deux Tah, ou Steenbraaffems comme nous les appellons en Allemand, dont il avoit donné le prix de 150 Cobangs, & une couple de poiffons à coquille qui lui coutoient 90 Cobangs; un Cobang vaut environ cinq ducats; de forte que le regal entier fe montoit à 5200 ducats ou 2400 livres fterling. Ces deux fortes de poiffon font les plus rares Regal & les plus chers du Japon, fur-tout les Steenbraaf- d'une fems qui dans leur faifon ne font point vendus au grande deffous de deux Cobangs chacun, mais en hiver, ou dans le tems de quelque fête, on en donne tout ce que le vendeur en demande. En ce cas, non feulement c'est une bonne fortune pour le marchand de poiffon, mais encore l'acheteur s'eftime fort heureux d'avoir trouvé un poisson fi rare & fi cher pour un tel hôte que l'Empereur, pour qui il a une veneration finguliere. Il y a avec cela quelque chofe de particulier, & d'une obfervation fuperftitieufe, caché dans le nom même du poiffon, qui eft la derniere fyllabe du mot Meditah, dont les Japonnois fe fer- qui nous vent lorfqn'ils fe felicitent l'un l'autre.

cherté

Audience

fut don

reur, & ce

Le 29 de Mars, qui étoit un jeudi, étant donc née par le jour marqué pour notre audience, les prefens def- l'Empetinez à Sa Majefté Imperiale furent envoyez à la qui fe pafCour, fuivis par les deputez du Sino Cami & des fa dans cet Commiffaires qui ont l'inspection des affaires étran- te occas

geres.

fion.

geres. On devoit les arranger fur des tables de bois, dans la falle des mille nattes, comme ils l'appellent, où l'Empereur devoit en faire la revue. Nous fuivimes immediatement après, avec un petit équipage, couverts d'un manteau de foye noire, habit de ceremonie felon la maniere d'Europe. Nous étions fuivis des trois Intendans des Gouverneurs de Nagazaki, de notre Dofen, ou Commis du Bugjo, de deux meffagers de Nagazaki, & d'un fils de l'Interprete, tous à pied. Nous étions quatre à cheval à la queue l'un de l'autre, trois Hollandois, & notre Interprete. Chacun de nos chevaux étoient conduit par un feul valet qui le tenoit par la bride, & qui marchoit à la droite: c'eft le côté par où l'on monte & defcend de cheval fuivant la maniere du pays. Autrefois nous avions deux valets pour chaque cheval, nous avons fupprimé cet ufage, qui ne faifoit que nous expofer à des dépenfes inutiles. Notre Refident ou Capitaine, comme les Japonnois l'appellent, venoit après nous, porté dans un Norimon, & étoit fuivi par notre ancien premier Interprete porté dans un Cango. La marche étoit fermée par le refte de nos domeftiques & de notre fuite, qui nous fuivoient à pied, à une distance convenable, telle qu'elle leur étoit prefcrite. Ce fut dans cet ordre que nous avançames vers le Château: & après que nous eumes marché demie heure, nous arrivames à la premiere clôture, que nous trouvames bien fortifiée de murs & de remparts, nous la traverfames fur un grand pont bordé d'une balustrade ornée avec des boules de cuivre au haut. La riviere qui paffe deffous eft large, & femble couler vers le Nord autour du Château: nous y vimes alors un grand nombre de bateaux & d'autres bâtimens. On entre par deux portes fortifiées, avec une petite garde entre deux. Dès que nous eumes paffé la feconde porte, nous entrames dans une grande place, où nous vimes une garde plus nombreuse à la droite, qui nous parut pourtant être là plûtôt pour la parade que pour la defenfe. La falle des gardes etoit tapiffée de drap. Les piques étoient pofées debout à terre près de l'en

trée;

2.

y

trée; le dedans étoit orné d'armes dorées, de fufils verniffez, de piques, de boucliers, d'arcs, de fleches & de carquois, rangez avec beaucoup d'adreffe, & d'une maniere curieufe. Les foldats étoient affis à terre les jambes croifées, en bon ordre, habillez de foye noire, chacun avec deux fabres attachez à fon ceinturon. Après avoir traversé la premiere clôture, marchant entre les Palais & les maifons des Princes & des Grands de l'Empire qui font bâtis dans l'interieur du premier Château, nous arrivames à la feconde clôture; que nous trou vames fortifiée à peu près comme la premiere: toute la difference remarquable étoit que le pont, les portes, la garde interieure, & les Palais, étoient d'une plus belle ftructure & plus magnifiques Nous laiffames notre Norimon & notre Cango, nos chevaux & nos valets; & l'on nous conduifit au travers de la feconde clôture au Fonmats, demeure de l'Empereur, où nous entra mes par un long pont de pierre: & après avoir paffé au travers d'un double bastion, & de deux portes fortifiées, à vingt pas distance de là nous continuames de marcher par une rue irreguliere difpofée felon la nature du terrein, bordée des deux côtez par des murailles d'une hauteur extraordinaire. Nous arrivames ainsi au Fiakninban, c'est-à-dire la garde de cent hommes ou la grande garde du Château, qui étoit à notre gauche, au haut bout de la rue dont je viens de parler, tout près de la derniere porte qui conduit au Palais de l'Empereur. On nous ordonna d'attendre à la falle des gardes jufqu'à ce qu'on nous introduisît à l'audience, qui nous feroit donnée felon qu'on nous dit, dès que le grand Confeil d'Etat s'affembleroit dans le Palais. Nous fumes reçus avec civilité par les deux Capitaines de la garde, qui nous regalerent avec du thé & du tabac à fumer. Bientôt après Sino Cami & les deux Commiffaires vinrent nous complimenter & nous tenir compagnie, avec des gentilshommes de la Cour de l'Empereur qui nous étoient inconnus. Après avoir attendu environ une heure, pendant

lequel

lequel temps plufieurs Confeillers d'Etat de l'Empereur jeunes & vieux entrerent au Palais, les uns à pied, les autres portez dans des Norimons, nous fumes conduits au travers de deux magnifiques portes feparées par une grande place quarree, jufqu'au Palais, où l'on monte de la feconde porte par quelques marches. La place qui eft entre la feconde porte, & le frontispice du Palais, n'a que quelques pas de largeur; elle étoit exceffivement remplie d'une foule de Courtifans & de Compagnies de gardes: de là on nous fit monter deux autres efcaliers pour aller au Palais: nous entrames d'abord dans une grande falle qui eft à la droite de l'entrée; c'est là que toutes les perfonnes qui doivent être admifés à l'audience de l'Empereur, ou des Confeillers d'Etat, attendent qu'on les introduife. C'est une falle fort grande & fort exhauffée, mais lorfque l'on y mis tous les paravents elle est affez fombre, ne récevant du jour que des fenêtres d'en haut d'une chambre voifine où l'on tient des meubles pour les appartemens de l'Empereur. La falle eft d'ailleurs richement meublée à la maniere du pays, & fes montans ou piliers dorez, fes murs & fes paravents, font un objet fort agreable à l'œil. Après avoir attendu là un peu plus d'une heure, & P'Empereur s'étant affis à la falle de l'audience, Sino Cami & les deux Commiffaires entrerent & conduisirent notre Refident devant l'Empereur, nous laiffant derriere. Dès qu'il fut entré, ils crierent à haute voix, Hollanda Capitain: ce qui étoit le fignal pour le faire approcher, afin qu'il rendît fes refpects à l'Empereur, & fît les profternations accoutumées: felon cet ufage, il fe traina avec les mains & les genoux à l'endroit qui lui fut montré, entre les prefens qui étoient arrangez d'un côté, & l'endroit où l'Empereur étoit affis qui étoit de l'autre. Alors fe mettant à genoux, il fe courba de forte qu'il donna du front à terre, enfuite il fe traina à reculons comme une écreviffe, fans proferer un feul mot. Il ne fe passe pas autre chose aux audiences que nous obtenons de ce puiffant Mo

nar

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