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vames des foldats du Prince en faction. Nous remarquames que le drap noir, dont le corps de garde eft tapiffé, porte les armes du Prince, qui font un caractere de lettre entre deux feuilles dreffées. Les grands chemins commencent ici d'être bordez des deux côtez de fapins, & cela continue jufqu'à Jedo, à moins qu'on ait été empêché d'en planter par des rochers ou par le terrein fablonneux qui fe trouve en quelques endroits. Les lieues auffi font mefurées regulierement, & au bout de chacune on a élevé une butte ronde avec un arbre deffus, par où les voyageurs peuvent connoitre exactement la diftance des endroits, & combien de lieues ils ont fait. Une demie lieue après Diedsje nous fumes au village de Tfetta, ou Tfijtto, quelques uns le prononcent Sjetsa, d'autres Seta. Les maifons font bâties des deux côtez fur le grand chemin. La riviere de Jodegawa traverse le village en fortant du lac d'Oitz fous le nom de Jocattagawa. 11 y a un double pont de bois fur cette riviere, précisément à fa fortie du lac. Ce pont eft le plus grand que j'aye vu dans ce pays-là: il eft connu dans tout l'Empire fous le nom de Tfettanofas, ou Pont de Tfetta, ainfi nommé à cause du village voifin. Les deux parties du pont, ou plûtôt les deux ponts fe joignent dans une petite ifle qui eft fur la riviere. Le premier a quarante pas de longueur, & l'autre en à trois cens. Tous. deux ont des baluftres: celles du dernier font ornées avec des boules de cuivre jaune fur le haut. Je ne puis me difpenfer de m'arrêter fur ce pont fameux, pour faire part au lecteur de quelques, Hiftoires fabuleufes, bizarres, & ridicules, que les Japonnois croyent fermement & religieufement qui font arrivées au voisinage. Un Dfia ou de la Su- dragon, animal fort eftimé de toutes les nations perftition Payennes de l'Afie, mais fur-tout des Chinois & des Japon- des Japonnois, qui le reprefentent dans leurs pein

Pont de
Tfetta.

Exem

nois.

tures comme s'il avoit des mains, des jambes, & deux cornes; un dragon, dis-je, demeuroit au rivage du lac d'Oitz. Il y avoit en même temps.

une

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une fort grande Scolopendre ou bête à quarante jambes, de la longueur de deux hommes, & groffe à proportion, qui faifoit fon fejour fur une montagne, ou plûtôt colline ronde, fur le grand chemin à deux lieues de la demeure du dragon: cet endroit, à caufe de ce monftrueux animal, eft encore nommé Mukaddo Jamma, ou montagne de la bête à quarante jambes. Cette monftrueufe Scolopendre infeftoit beaucoup les grands chemins d'alentour, & elle defcendit une nuit de la montatagne où elle demeuroit, pour aller à l'habitation du dragon dont elle détruifit & mangea les œufs qu'il avoit près de lui; fur quoi il y eut un grand combat entre ces deux animaux, où le dragon obtint une victoire complette, & tua fon ennemi. Pour conferver la memoire de cette avanture, on fonda un Temple dans l'endroit du village nommé Tawarrattadu; ce Temple fubfifte encore, & on nous le montra comme une preuve incontestable de cet évenement. Pour paffer à une autre histoire, les culées de pierre de ce fameux pont ont été à ce qu'on dit poffedées autrefois par un malin Efprit qui tourmentoit beaucoup les voyageurs, auffi bien que les habitans du village. Il arriva un jour, que le fameux Apôtre des Japonnois Koofi, dont la memoire eft en odeur de fainteté, paffant en cet endroit, tout le peuple du voifinage le pria instamment de fe fervir de fon pouvoir miraculeux pour les delivrer de ce mal infupportable, & de chaffer le Demon de ces piles; ce qu'il fit à leur priere. Les Japonnois, qui font fuperftitieux à f'excès, s'attendoient qu'il employeroit beaucoup de prieres & de ceremonies: ils virent avec beaucoup de furprise, qu'il fe contenta de prendre un morceau du linge fale qu'il portoit autour de fa ceinture, & de l'attacher autour de la pile. Koofi s'appercevant de leur furprise, Mes amis, dit-il, vous vous attendez vainement que je faffe beaucoup de ceremonies, elles ne chaffent pas les Demons: c'eft Sentence par la foi qu'on en vient à bout; c'est par la foi que ble d'un je fais des miracles. Après quoi, il continua fon Payen.

B 4

che

remarqua

Kufatz.

pour des

chemin. Mot bien remarquable dans la bouche d'un Predicateur Payen! Nous traverfames enfuite Kantangiwara, Sinde, Noodfi, ou Noofi, & plufieurs autres plus petits villages, ou plûtôt longues rues; comme auffi la riviere d'Okamigawa, dont la fource eft à une lieue & demi de là dans la montagne d'Okami. Après avoir encore fait une lieue & demie nous arrivâmes à la ville ou plûtôt grand village de Kufatz; en arrivant, nous remarquames fix piliers de pierre, qui font les bornes des Seigneuries & villages appartenant au Prince de Jodo dans la Province de Comi. On compte dans Kufats, ou Kufatzi, environ cinq cens maisons bâties pour la plupart aux deux côtez d'une longue rue. Nous nous y arrêtames pour boire une taffe de Thé: nous employames une groffe demie heure pour aller d'un bout de ce village à l'autre. C'eft dans le païs circonvoifin que croît l'efpece particuliere de rofeau ou de Bambous Bambou, que l'on appelle Fatfiku, les racines dufinguliers quel fervent à faire des cannes, & font portées en cannes à Europe fous le nom de Rottang. Elles font genemarcher. ralement parlant à affez bon marché ; quelquefois pourtant on les vend fort cher, lorfque le Seigneur de la Province fait défenfe de les arracher des terres pendant quelques années; ce qu'il eft obligé de faire, de peur qu'une trop grande consommation ne faffe tort à l'accroiffement de la plante, les racines en étant fort avant en terre, & n'en pouvant être tirées fi l'on ne fait de grandes ouvertures. Le rofeau Fatfiku se trouve auffi en d'autres pays, mais la racine en eft fi courte, qu'on n'en fauroit faire des cannes. Il y a des gens dans ce village dont le métier principal eft de tirer de terre ces racines; ils en font un commerce pour lequels ils obtiennent un privilege du Seigneur de la Province. Tout l'art de les preparer, & de les rendre propres pour l'ufage à quoi on les deftine, confifte en ceci : tout ce qu'il y a d'inutile aux deux bouts de la racine eft coupé de telle forte que ce qui refte ait la longueur neceffaire pour l'ufage; cela fait, on coupe auffi avec un bon couteau d'une trempe particuliere pour ce

def

deffein, les jeunes racines & fibres qui font autour
des jointures, & dont on laiffe toujours des mar-
ques, qui font de petits trous ronds autour de cha-
que jointure; files racines font courbées, on les re-
dreffe par le moyen du feu: il les faut ensuite bien
laver, & bien nettoyer. Un quart de lieue plus loin
nous trouvames le village de Mingawa, qui emprun-
te fon nom de la riviere qui le traverfe. Il contient
environ quatre cens maisons bâties fur les bords du
grand chemin, & formant une longue rue jusqu'au
village de Tabara, ou Tebuira, qui contient envi-
ron trois cens maisons, & eft encore contigu de
la même maniere au village de Minoki. Ce dernier
l'eft encore au village voifin; ce ne font qu'autant
de longues rues, dont chacune a fon nom particu-
lier. Minoki est un village bâti aux deux côtez du Poudre
medici-
grand chemin. Il eft renommé pour un remede de nale.
grande vertu: c'eft une poudre nommée Wadferan,
qu'on a decouverte dans ce lieu-là, & qui ne fe fait
point ailleurs. On la prend interieurement dans
toutes fortes de maladies, fur-tout dans cette forte
de Colique qui eft particuliere aux naturels du pays,
& dont j'ai donné une relation dans mes Amanita-
tes Exotica pag. 582. (cette Relation à été inferée
dans l'Appendice de cette Hiftoire.) Elle eft faite du
Putsju, efpece amere & étrangere de Coftus, qui a
été premierement feché, & coupé groffierement;
on le porte enfuite à trois maifons voifines, où l'on
le reduit en poudre que l'on garde pour s'en fervir.
Le moulin dont on fe fert pour le pulverifer est tourné
par quatre perfonnes, comme nous le vimes à notre
retour, à peu près de la même maniere qu'on le fait
dans nos moulins pour moudre le grain de moutar-
de. On laiffe le reste à faire aux femmes, qui ont
foin de la poudre moulue; elles la reportent au lo-
gis, & la mettent dans des papiers de quatre doigts
en quarré fur quoi l'on écrit en caracteres rouges &
noirs le nom de la poudre, avec fes ufages & fes
vertus. Chaque pacquet pefe un peu plus de deux
dragmes, & on la donne felon l'âge & la difpofi-
tion du malade, en une, deux, ou trois dofes, que

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l'on prend dans une taffe d'eau chaude. Aux maifons où cette poudre fe fait, on la vend aufli preparée & bouillie dans l'eau. Un homme pauvre, mais plein de piété, habitant de la rue ou du village de Tabara, eft reputé le premier inventeur de ceremeJakufi de. Il publia que le Dieu Jakufi, qui eft l'Apollon, Dieu de la des Japonnois, patron de la Medecine & des Medecins, lui étoit apparu en fonge, & lui avoit montré ne. tous les ingrediens de ce remede qui croiffent fur

Medeci

les montagnes voifines; ce Dieu lui ordonna d'en' faire pour l'ufage & le foulagement de fes compatriotes. Cette hiftoire mit ce remede en grand credit; & comme on en vendit beaucoup, l'homme devint bientôt riche, & en état de faire bâtir une belle maison pour y demeurer, & vis à vis de fa boutique une Chapelle ou petit Temple richement orné, en l'honneur & pour la reconnoiffance qu'il devoit au Dieu qui lui avoit revelé ce fecret. II plaça dans ce Temple l'Idole de Jakufi, elle eft debout fur une fleur de Tarate dorée, (c'eft la Nymphaa paluftris maxima, ou Faba Egyptiaca Profp. Alpini) fous une grande coquille de Petoncle étendue fur fa tête. La tête eft entourée d'une couronne de rayons, comme une marque de fa fainteté; il tient à fa main droite une chofe qui m'eft inconnue, & un fceptre à fa gauche. L'Idole entiere eft folidement dorée. Les Japonnois qui paffent auprès manquent rarement de rendre hommage à cette Idole dorée; les uns avec une profonde reverence, les autres s'approchant du Temple dans une posture fort humiliée & tête nue: ils fonnent ou plûtôt battent une cloche qui eft pendue auprès de l'Idole; ils tiennent enfuite leurs deux mains fur leur front, & font ainfi leurs prieres. Deux parens de l'Inventeur, qui demeurent à Minoki, ayant eu la recette de cette poudre, ont fait le même commerce, qui les a fi fort enrichis qu'ils ont été en état de bâtir auffi chacun une Chapelle au Dieu Jakufi. L'un d'eux a été plus loin encore, il a fait bâtir outre cela, une petite maifon contre la Chapelle où il entreient un Prêtre, dont l'emploi eft de deffervir la

Сва

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