eft entre trois & quatre mille pas communs; fa largeur eft un peu moindre. La riviere de Jedogawa paffe au Nord de la ville, coule de l'Eft à l'Ouest, & enfuite fe jette dans la mer voifine. Cette riviere apporte des richesses immenfes à cette ville; c'est pourquoi elle merite bien que l'on en faffe une courte defcription. Sa fource en eft à une journée & demie au Nord-Eft: là elle fort d'un lac qui eft au cœur du pays, dans la Province d'Oomi, & qui fe forma, felon les Japonnois, dans l'efpace d'une nuit; le morceau de terre qu'il occupe s'étant abîmé par un grand tremblement de terre. La riviere fort de ce lac près du village de Tfinatofas où elle a un double pont magnifique; il eft double à caufe d'une petite ifle qui le fepare, & fur laquelle l'un des ponts finit & l'autre commence. Elle coule enfuite près des petites villes d'Udfi & de Jedo, la derniere defquelles lui a donné fon nom: de là elle continue fon cours jufqu'à Ofacca, & une lieue avant qu'elle entre dans la ville, il s'en fepare un bras qui va droit à la mer: cette diminution eft reparée par deux autres rivieres nommées Jamattagawa, & Firanogawa, qui fe jettent dans celle d'Ofacca précifément devant la ville au Nord du château; on les traverse fur des ponts magnifiques; toutes ces eaux jointes ensemble ayant arrofé un tiers de la ville, une partie en eft conduite par un large canal pour fournir la partie du Sud quí eft la plus grande, & habitée par les gens les plus riches. Pour cet effet, on a coupé divers petits canaux, que l'on remplit des eaux du grand, & que l'on fait paffer dans les principales rues. D'autres canaux reportent l'eau au grand bras de la riviere; ces derniers font affez profonds pour de petits bateaux qui peuvent entrer dans la ville, & apporter les marchandifes devant la porte des marchands. Tous ces differens canaux coulent le long des rues, font tous fort reguliers, & d'une largeur proportionnée: on a bâti deffus plus de cent ponts, plufieurs defquels font d'une beauté rare. Quelques uns des canaux à da verité font peins de vase, & ne font pas nettoyez, quel quelquefois faute d'une quantité d'eau fuffifante. Un peu au deffous à la fortie du canal dont nous avons parlé ci-deffus, qui fournit la ville d'eau, un autre bras fe fepare du grand Courant du côté du Nord: les eaux de celui ci font baffes, & il n'eft pas navigable, mais coule à l'Ouest avec beaucoup de rapidité, & fe perd enfin dans la mer d'Ofacca. Le grand Courant qui eft au milieu continue fon cours dans la ville, au bas bout de laquelle il fe tourne à l'Oueft; & après avoir fourni les fauxbourgs & les villages qui font au deffus de la ville, il fe fepare en plufieurs branches, & fe jette enfin dans la mer par differentes embouchures. (Voyez la Planche VIII.) Cette riviere eft étroite; mais profon de & bien navigable. Depuis fon embouchure en remontant jufqu'à Ofacca, & plus haut, il y a rarement moins de mille bateaux qui montent & defcendent les uns avec des marchands, les autres avec des Princes ou Seigneurs de l'Empire qui demeurent à l'Oueft d'Ofacca, lorsqu'ils vont ou qu'ils reviennent de la Cour. Les bords de la riviere font relevez des deux côtez avec des marches de pierre de taille, de forte qu'ils paroiffent comme des efcaliers continuez: & l'on peut prendre terre par-tout où l'on veut. On a bâti des ponts fur la riviere, qui font magnifiques, à trois ou quatre cens pas de distance l'un de l'autre, plus ou moins: tous font bâtis du meilleur cedre du pays & le mieux choifi. Ils font bordez des deux côtez d'une baluftrade ornée, fur le haut avec des boules de cuivre jaune. J'ai compté dix de ces ponts, trois defquels font remarquables par leur longueur, à caufe qu'ils font fur le grand bras de la riviere, là où il eft le plus large. Le premier & le plus reculé à l'Eft a foixante braffes de longueur, il eft porté fur trente arches, chacune par cinq fortes poutres ou davantage. Le fecond eft exactement la même chofe dans fes proportions. Le troisieme eft fur les deux bras de la rivere là où ellefe partage.Celui-ci a cent cinquante pas de longueur: de là à l'extremité de la ville il y a fept autres ponts A 2 qui Les ponts Les maifons. , qui font moins longs à mesure que la riviere s'étrecit; leur longueur eft depuis vingt jufqu'à foixante braffes, & ils font appuyés à proportion, fur dix ou trente arches. Les rues pour la plupart font étroites, mais regulieres, & fe coupent l'une l'autre à angles droits, allant les unes vers le Sud, & les autres vers P'Ouest. Je dois excepter pourtant cette partie de la ville qui eft du côté de la mer, à caufe que les rues vont Oueft-Sud Oueft, le long des diverses branches de la riviere. Les rues font propres, quoiqu'elles ne foient pas pavées; cependant, pour la commodité des paffans, il y a un petit pavé de pierre de taille, le long des maifons de chaque côté de la rue. Au bout de chaque rue il y a de bonnes portes que l'on ferme la nuit, pendant lequel temps il n'eft permis à perfonne d'aller d'une rue à l'autre fans une permiffion expreffe, & un paffeport de l'Ottona, ou Officier qui commande dans la rue. Il y a auffi dans chaque rue un endroit entouré de balustrades, où l'on tient tous les inftrumens neceffaires en cas de feu. Tout auprès eft un puis couvert, pour les mêmes befoins. Les maifons, felon les loix fondamentales, & la coutume du pays, n'ont pas plus de deux étages, chacun d'une braffe & demi ou de deux braffes de haut; elles font bâties de bois, de chaux & d'argile: la façade prefente la porte, & une boutique où les marchands vendent leurs marchandifes, ou bien un lieu ouvert où les artifans & les ouvriers travaillent à decouvert, & à la vue d'un chacun, à leur métier ou à leurs arts. Du haut de la boutique ou chambre pend une piece de drap noir, en partie pour ornement, & en partie auffi pour les defendre du vent & des injures de l'air: on fufpend au même endroit des échantillons ou des modeles de ce qui fe vend dans les boutiques. Le toit eft plat, & dans les bonnes maifons il eft couvert avec des toiles noires, qu'on fait tenir avec de la chaux; le toit des maifons ordinaires n'est couvert ordinairement que de bardeaux ou de coupeaux de bois. Toutes les maifons en dedans font tenues admirablement propres: elles elles n'ont ni tables, ni chaifes, ni aucun autre meuble, comme nos apartemens en Europe en font fournis: l'escalier, les balustrades, & les lambris font tout verniffez, le plancher eft couvert de nattes fort propres & de tapis; les chambres ne font feparées P'une de l'autre que par des paravents, de forte qu'en les ôtant, de plufieurs chambres on n'en fait qu'une, & au contraire d'une on en fait plufieurs, s'il est neceffaire. Les murailles font tapiffées de papier brillant, peint curieufement de fleurs d'argent: le haut de la muraille, quelques pouces au deffous du plat-fond, eft ordinairement nud & enduit feulement d'une argile couleur d'orange, que l'on tire de la terre auprès de la ville, & qui à caufe de fa beauté eft portée dans plufieurs Provinces éloignées. Les nattes, les portes, & les paravents font tous de la même grandeur, favoir une braffe de long, & la moitié en largeur: les maifons même & leurs differentes chambres font bâties à proportion d'un certain nombre de nattes, plus ou moins. Il y a or dinairement un joli jardin derriere la maison, avec une colline artificielle & toute forte de fleurs, tels que j'en ai décrits ailleurs. Derriere le jardin est le bain, ou l'étuve pour fe baigner, & quelquefois une voute, ou plûtôt un petit endroit avec des murailles épaiffes d'argile & de mortier, pour y refierrer en cas de feu les meubles les plus precieux. Ofacca eft gouverné par des Maires, & par la Gouver. cour des Ottona Chefs de Communauté, ou Offi-nement d'Ofacca ciers commandans de chaque rue. Les Maires & les Ottona font fubordonnez à l'autorité de deux Gouverneurs Imperiaux, qui ont auffi le Commandement fur tout le pays voifin, villages & hameaux. Ils refident à Ofacca alternativement chacun une année; & tandis que l'un d'eux eft au lieu de fon gouvernement, l'autre eft avec fa famille à Jedo capitale de l'Empire, & demeure ordinaire de l'Empereur. Le gouvernement des quatre autres villes Imperiales eft fur le même pied, avec cette difference feulement qu'à Nagazaki il y a trois Gouverneurs, dont deux y refident & commandent tour à tour, tandis que Nombre tans. au le troifieme demeure à la Cour pendant un an. Les Ofacca eft extrêmement peuplé, & fi nous en vou des habi- lons croire ce que les Japonnois pleins de vanterie nous en difent, elle peut lever une Armée de 80000 hommes de fes habitans feulement. C'eft la plus marchande du Japon, à cause qu'elle eft dans une fituation très avantageufe pour faire le Commerce tant par terre que par eau. C'est la raifon qui fait qu'elle eft fi fort remplie de riches marchands, d'artifans, & d'ouvriers. Les vivres y font à bon marché, quoique la ville foit fi peuplée: l'on peut même y avoir à |